Un CDD de remplacement conclu par une filiale peut-il être utilisé pour pallier l’absence d’un salarié dans la maison mère ?
L’article L.1242-2 du code du travail prévoit qu’un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu pour le remplacement d’un salarié ou d’un chef d’entreprise. La question ici est de savoir si, lorsqu’un salarié est absent dans la maison mère, son remplacement peut se faire via un recrutement en CDD dans une des filiales et non pas dans la maison mère elle-même, pour des raisons géographiques par exemple.
Juridiquement, la possibilité de recourir à un CDD de remplacement en cas d’absence dans une entreprise ne semble pas être extensible à tout le groupe. Le groupe n’est pas l’employeur, il n’a pas la personnalité juridique. C’est l’’entreprise qui a ce statut d’employeur, qui exerce le lien hiérarchique et a la charge de gérer le personnel et de recruter. Cela a été confirmé par la Cour de cassation, dans un arrêt du 19 mai 2009 notamment. “La seule circonstance que la société employeur fasse partie d’un groupe de sociétés ne [suffit] pas à conférer à ce dernier la qualité d’employeur”. En conséquence, c’est l’entreprise uniquement qui, lorsqu’un de ses salariés est absent, peut embaucher en CDD pour le remplacer.
Mélanger le périmètre du groupe et celui de l’entreprise dans le cadre d’un CDD de remplacement pourrait mener à la reconnaissance d’un co-emploi. Le salarié remplaçant serait alors considéré comme ayant un lien de subordination avec plusieurs employeurs et plusieurs contrats de travail, ce qui n’est pas le souhait ici.
Un salarié de la filiale peut-il lui prendre la place du salarié absent de la société mère puis être remplacé à son tour par un CDD au sein de la filiale ?
Pour qu’indirectement la filiale puisse recruter en CDD pour pallier l’absence d’un salarié de la société mère, il semble en effet possible de faire jouer le principe selon lequel un CDD de remplacement peut concerner tout type d’absence, même une simple absence de poste. Ce principe ressort d’une circulaire du 29 août 1992 : “Ce cas de recours au CDD vise l’absence en général, c’est-à-dire aussi bien l’absence de l’entreprise que celle du poste de travail. Dans ces conditions, un employeur peut parfaitement recruter un salarié par CDD pour remplacer un salarié présent dans l’entreprise mais absent de temporairement de son poste à la suite d’une affection temporaire sur un autre poste pour raisons médicales ou d’une mutation provisoire ou bien encore d’une promotion conditionnée à une période d’adaptation”.
Rien ne s’oppose donc à ce qu’un salarié de la filiale parte dans la maison mère dans le cadre d’un remplacement. Il y aura alors une absence à son poste, qui peut à son tour être comblée par le biais d’un CDD de remplacement. La jurisprudence a d’ailleurs expressément admis que l’autorisation de recourir à un CDD de remplacement en cas d’absence temporaire d’un salarié s’entendait de son absence aussi bien de l’entreprise que de son poste habituel et cassé un arrêt d’appel qui déclarait irrégulier un CDD conclu pour remplacer une salariée mutée provisoirement sur un autre poste de l’entreprise en raison d’un surcroît temporaire d’activité (arrêt du 13 juillet 2010).
Attention toutefois ! Rappelons qu’en vertu de l’article L.1241-1 du code du travail, un CDD, quel qu’en soit le motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Recourir à un CDD de remplacement n’est donc pas possible si l’employeur fait face à un besoin structurel de main-d’œuvre pour pourvoir au remplacement du salarié absent (arrêt du 29 janvier 2020).
Quelle forme doit prendre ce passage du salarié de la filiale à la société mère ?
Il est nécessaire de respecter le cadre d’un prêt de main d’œuvre à but non lucratif. Si cette hypothèse est envisagée, il faut être vigilant et sur la forme, et sur le fond. Sur la forme tout d’abord, il découle de l’article L.8241-2 du code du travail qu’il faudra l’accord du salarié concerné, une convention de mise à disposition entre la société mère et la filiale, et un avenant au contrat de travail du salarié précisant notamment le travail qui lui sera confié dans la société mère. Le CSE devra aussi être consulté préalablement à la mise en œuvre du prêt.
Mais surtout sur le fond, parce que “toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre est interdite” (article L.8241-1 du code du travail). Il faudra bien veiller à ce que la mise à disposition n’ait pas pour conséquence de générer un profit ou un bénéfice quelconque. Ce même article indique qu'”une opération de prêt de main-d’œuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition”. Ces éléments devront donc être facturés par la filiale à la société mère à l’euro près, sans frais annexes, de gestion ou autres. La jurisprudence est ferme sur ce point puisqu’elle a par exemple invalidé des mises à disposition lorsque les salariés de l’entreprise intervenante étaient moins rémunérés que ceux de l’entreprise utilisatrice (arrêt du 23 février 1993) ou lorsque l’opération était certes “à prix coûtant” mais effectuée par une société filiale suisse au profit de la société mère dans le but d’éviter le paiement des charges sociales françaises (arrêt du 12 mai 1998).
Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH