A. Principes
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Le principe du système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est d’appliquer à la consommation de biens et services un impôt général exactement proportionnel à leur prix, quel que soit le nombre des opérations intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur. Il a pour objet, non pas de taxer les opérateurs économiques sur la base d’un agrégat économique comme le chiffre d’affaires, le bénéfice ou la valeur ajoutée, mais d’appréhender de manière indépendante chaque opération économique qu’ils réalisent.
Ainsi, deux assujettis à la TVA seront, pour une opération économique présentant les mêmes caractéristiques, taxés dans les mêmes conditions, indépendamment de leur activité ou du secteur dont ils relèvent, de leur performance économique, de leur stratégie commerciale ou des autres opérations qu’ils réalisent.
Cette conception est conforme à l’objectif de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (dite « directive TVA »). Celle-ci tend, dans la perspective d’une neutralité de l’impôt au plan de la concurrence, à soumettre individuellement à la taxe sur la valeur ajoutée les opérations distinctes, qu’il n’est pas possible de regrouper en une opération unique (CJCE, arrêt du 8 juillet 1986, aff. 73/85, Kerrutt, ECLI:EU:C:1986:295, point 12).
Il découle de l’article 2, paragraphe 1, de la directive TVA que chaque prestation de services doit normalement être considérée comme distincte et indépendante (CJCE, arrêt du 25 février 1999, aff. C-349/96, CPP, ECLI:EU:C:1999:93, point 29).
Remarque : L’obligation de déterminer le régime fiscal séparément pour chaque opération économique n’implique pas que chacune de ces opérations doive faire l’objet d’une facturation ou déclaration dédiée. En effet, les opérations réalisées concomitamment entre deux mêmes parties peuvent être retracées sur une même facture et les formulaires déclaratifs mis en ligne par l’administration conduisent à globaliser les différentes opérations relevant d’un même traitement fiscal (I-A § 10 du BOI-TVA-DECLA-20-20-20-10).
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Cela étant, tout acte commercial est nécessairement composé d’éléments divers.
La commercialisation d’un bien s’accompagne toujours d’une prestation de services minimale, telle que la présentation des produits dans des rayons ou la délivrance d’une facture (CJUE, arrêt du 10 mars 2011, aff. C-497/09, C-499/09, C-501/09 et C-502/09, Bog e.a, ECLI:EU:C:2011:135, point 63).
En outre, certains actes commerciaux présentent une complexité particulière car ils mobilisent des éléments afférents à des biens et services qui sont distincts mais complémentaires.
Il convient de relever que la fourniture de mets préparés et de boissons prêts à la consommation immédiate est le résultat d’une série de services allant de la cuisson des mets jusqu’à leur délivrance matérielle sur un support et qu’elle s’accompagne de la mise à la disposition du client d’une infrastructure comportant aussi bien une salle de restauration avec dépendances (garde-robes, etc.) que le mobilier et la vaisselle. Le cas échéant, les personnes physiques dont l’activité professionnelle consiste à effectuer ces opérations de restauration sont appelées à dresser le couvert, à conseiller le client et à lui fournir des explications sur les mets ou les boissons offerts, à servir ces produits à table et, enfin, à débarrasser les tables après la consommation. Ainsi, l’opération de restauration est caractérisée par un faisceau d’éléments et d’actes dont la livraison de nourriture n’est qu’une composante (CJCE, arrêt du 2 mai 1996, aff. C-231/94, Faaborg-Gelting Linien, ECLI:EU:C:1996:184, points 13 et 14).
Pour ces actes commerciaux, il serait artificiel de taxer séparément chacun des biens et services qui les composent selon un régime qui lui serait propre. Au contraire, il est retenu un régime fiscal unique pour l’ensemble de l’opération économique. Ainsi, non seulement une même opération présentant une cohérence sur le plan économique ne doit pas être décomposée, mais, en outre, des actes formellement distincts, sur le plan commercial ou contractuel, doivent être regroupés en une même opération lorsqu’ils ne sont pas indépendants les uns des autres.
La prestation constituée d’un seul service au plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la TVA (CJUE, arrêt du 25 février 1999, aff. C-349/96, CPP, point 29).
Dans certaines circonstances, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies séparément et ainsi donner lieu, distributivement, à taxation ou à exonération, doivent être considérées comme une opération unique lorsqu’elles ne sont pas indépendantes (CJCE, arrêt du 27 février 2008, aff. C-425/06, Part service, ECLI:EU:C:2008:108, point 51).
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Il résulte de cette double contrainte (taxation indépendante de chaque opération, mais taxation conjointe de l’ensemble des éléments constituant une même opération) qu’il est nécessaire de préciser :
- dans un premier temps, comment déterminer l’étendue d’une opération, c’est-à-dire comment identifier tous les éléments devant être regroupés en une même opération (BOI-TVA-CHAMP-60-20) ;
- dans un second temps, dans la situation où les règles de TVA de chacun des éléments regroupés en une même opération diffèrent entres elles, comment est déterminé le régime fiscal unique de cette opération prise dans son ensemble (BOI-TVA-CHAMP-60-30). Il s’agit tant de qualifier l’opération en tant que livraison de biens ou prestation de services (ce qui affecte sa territorialité et la désignation du redevable ; pour plus de précisions, il convient de se reporter au BOI-TVA-CHAMP-20) que d’identifier sa base imposable (BOI-TVA-BASE), l’exonération applicable (BOI-TVA-CHAMP-30) ou son éligibilité à un taux réduit (BOI-TVA-LIQ-10).
Il convient de rappeler que la question concernant l’étendue d’une opération revêt une importance particulière, du point de vue de la TVA, tant pour localiser le lieu des prestations de services que pour l’application du taux de taxation ou, comme en l’espèce, des dispositions relatives à l’exonération prévues par la directive TVA (CJCE, arrêt du 25 février 1999, aff. C-349/96, CPP, point 29).
Remarque : Parmi les opérations soumises à la TVA, cette problématique est propre aux livraisons de biens et aux prestations de services. En effet, l’acquisition intracommunautaire suit le même régime que la livraison intracommunautaire concomitante aurait suivi si elle avait été taxée en France. L’importation, qui ne constitue pas une opération économique, mais une opération matérielle et administrative créatrice d’un fait générateur de TVA, suit les règles qui lui sont propres s’agissant de la délimitation de son périmètre (BOI-TVA-CHAMP-10-30).
En ce sens, CJCE, arrêt du 23 février 2006, aff.C-491/04, Dollond & Aitchison Ltd, ECLI:EU:C:2006:144, points 20 à 22.
B. Portée juridique et portée utile
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Les dispositions des I et II de l’article 257 ter du code général des impôts (CGI) reprennent dans la législation française les principes rappelés au I-A § 1 à 20 ainsi que les règles d’origine jurisprudentielle de détermination de l’étendue d’une opération et du régime fiscal qui lui est applicable. Ces dispositions présentent un caractère général et ne sont pas réservées à un secteur particulier ou à certaines transactions.
Remarque : Par dérogation, en application du III de l’article 257 ter du CGI, ces règles sont écartées en cas d’application du régime particulier des agences de voyage. En effet, ce régime est fondé sur la définition ad hoc d’une opération taxable. Cette définition interdit que soient regroupés en une même opération les services rendus en propre par l’agence de voyage et ceux rendus par des tiers qu’elle revend, alors même qu’ils en constitueraient un tout cohérent et indissociable pour le consommateur. Ce régime est exposé au BOI-TVA-SECT-60.
En ce sens, CJUE, arrêt du 25 octobre 2012, aff. C-557/11, Maria Kozak, ECLI:EU:C:2012:672, points 23 et 24 et CJUE, arrêt du 19 décembre 2018, aff. C-552/17, Alpenchalets Resorts GmbH, ECLI:EU:C:2018:1032, point 24
40
Nonobstant leur caractère général, ces principes et dispositions ne s’avèrent en pratique utiles que dans certaines situations particulières. En effet :
- généralement, le regroupement de différents éléments présente un caractère d’évidence tel que l’étendue de l’opération est naturellement identifiée sans qu’une analyse préalable ne soit requise ;
Exemple 1 : La vente d’une boisson conditionnée intègre, de manière indissociable, le liquide lui-même, la bouteille et son bouchon.
Exemple 2 : La vente d’un billet de cinéma intègre le droit d’accéder aux locaux où se déroule la séance, le droit de disposer d’un siège et d’accéder à des sanitaires.
- même lorsque le regroupement n’est pas évident, il ne présente un intérêt pratique que si interviennent des éléments n’ayant pas le même traitement au regard de la TVA. Tel est notamment le cas lorsque sont fournis concomitamment différents biens ou services dont certains seulement relèvent d’un régime dérogeant à la taxation au taux normal (par exemple une exonération n’ouvrant pas droit à déduction ou un taux réduit).
C’est la raison pour laquelle ces règles ou cette jurisprudence sont souvent qualifiées comme étant relatives aux « opérations complexes uniques », par référence, non à leur champ d’application, qui est celui de l’intégralité des opérations dans le champ de la TVA, mais à leur portée utile beaucoup plus réduite.
50
Ainsi, la jurisprudence relative aux « opérations complexes uniques » s’est particulièrement développée à propos de secteurs proposant aux consommateurs des offres commerciales spécifiques placées aux frontières entre la fourniture de biens et la prestation de services (vente de denrées alimentaires à consommation immédiate, notamment les services de restauration et de traiteurs), entre l’exonération n’ouvrant pas droit à déduction et la taxation (fourniture de mode de paiement, de crédit et d’assurance en lien avec la vente de biens et de services, vente ou location immobilière) ou entre le taux normal et les taux réduits (droit d’accès à des installations sportives).
Compte tenu des spécificités nationales en matière de taux réduit, ces règles présentent également une importance particulière, notamment pour la commercialisation de droits d’accès aux établissements culturels, ludiques, éducatifs ou professionnels (III § 140 et suivants du BOI-TVA-LIQ-30-20-50), des prestations du service public de traitement des déchets rendues aux collectivités territoriales (III § 210 et suivants du BOI-TVA-LIQ-30-20-70), d’abonnements comprenant l’accès à divers contenus numériques, notamment de télévision, et de services de communications électroniques (I § 40 et suivants du BOI-TVA-LIQ-30-20-100).
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La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a progressivement développé un vocabulaire propre à l’analyse des « opérations complexes uniques », qui, s’il connaît une grande uniformité, a pu faire l’objet de variations et n’est pas nécessairement transposable à d’autres problématiques.
Pour traduire cette jurisprudence à l’article 257 ter du CGI et dans la doctrine nationale, il est recouru à une terminologie, reprise au II § 70, qui se veut univoque pour désigner les concepts utilisés par la CJUE.
70
L’administration s’efforce de recourir aux définitions suivantes :
- « opération » ou « opération économique » : l’ensemble des éléments liés entre eux et faisant l’objet d’un traitement unique au regard de la TVA. Les opérations économiques comprennent les « livraisons de biens » et les « prestations de services ». Afin d’éviter toute confusion, l’expression « prestation de services » ou « prestation » ne devrait pas, autant que faire se peut, être utilisée au stade de l’analyse correspondant à la détermination de l’étendue d’une opération. En effet, ce n’est qu’à la seconde étape, celle de la détermination du traitement fiscal, que cette expression prend toute sa portée, en tant qu’elle s’oppose à celle de livraison de biens ;
- « élément » : tout bien, service ou acte juridique ou commercial. Plusieurs éléments liés entre eux constituent une opération soumise à la TVA. Les termes « biens », « services » ou « fourniture d’un bien ou service » seront privilégiés pour désigner des éléments, les expressions « livraisons de biens » et « prestations de services » faisant plutôt référence à la qualification d’une opération dans son ensemble. Chaque élément d’une opération peut être accessoire, autre qu’accessoire, principal ou prédominant, au sens indiqué au présent II § 70 ;
- « éléments étroitement liés » : éléments qui sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel. Cette expression ne doit pas être confondue avec celle « d’opérations étroitement liées » (III-C § 110 et 120). La détermination de l’étroitesse des liens économiques fait l’objet de commentaires aux II et III § 50 à 260 du BOI-TVA-CHAMP-60-20 ;
- « élément accessoire » : un élément qui, du fait de sa faible importance qualitative et quantitative, n’a pas de finalité propre. Un élément est accessoire par rapport à un ou plusieurs autres éléments, qui sont ceux principalement recherchés par le destinataire de l’opération et auxquels il est rattaché. L’expression consacrée, « l’élément accessoire partage le sort fiscal du principal », emporte deux conséquences distinctes. D’une part, l’élément accessoire relève de la même opération que les éléments par rapport auxquels il est accessoire, sans qu’il ne soit nécessaire d’établir qu’il leur est étroitement lié au sens indiqué au précédent alinéa. D’autre part, il n’influe pas sur le traitement fiscal de l’opération, déterminé uniquement en fonction des autres éléments qu’elle comprend. La détermination du caractère accessoire fait l’objet de commentaires aux II et III § 50 à 260 du BOI-TVA-CHAMP-60-20. Cette expression ne doit pas être confondue avec celle « d’opération accessoire » (III-D § 130 et 140) ;
- « élément autre qu’accessoire » : tout élément qui ne répond pas à la définition d’élément accessoire. Ces éléments ne sont pas hiérarchisés entre eux, sauf lorsqu’il s’agit de savoir si, globalement, ce sont les biens ou les services qui prédominent (se reporter à la définition des « éléments prédominants » au présent II § 70) ;
- « élément principal » : un élément est dit principal par rapport à un élément qui lui est accessoire. L’expression est normalement réservée à la situation où une opération ne comprend qu’un unique élément autre qu’accessoire, qui est alors qualifié de principal. Elle n’est généralement pas utilisée dans la situation où une opération comprend plusieurs éléments autres qu’accessoires ;
- « éléments prédominants » : les éléments prédominants désignent, entre l’ensemble des services autres qu’accessoires et l’ensemble des biens autres qu’accessoires, celui qui est le plus important. Lorsque l’opération ne comprend qu’un unique élément autre qu’accessoire, ce dernier prédomine et se confond avec l’élément principal. Lorsque l’opération comprend plusieurs éléments autres qu’accessoires, une comparaison globale entre, d’une part, l’importance des biens et, d’autre part, l’importance des services est réalisée afin de qualifier l’opération en tant que livraison de biens ou prestation de services ;
- « traitement fiscal d’une opération » : la détermination du traitement fiscal d’une opération intervient après en avoir identifié les éléments constitutifs. Il s’agit, en premier lieu, de qualifier l’opération de livraison de biens ou de prestation de services, selon les éléments prédominants. Il s’agit, en second lieu, de savoir si s’applique un régime fiscal dérogatoire par rapport à la taxation au taux normal (exonération sans droit à déduction ou taux réduit) s’applique, en vérifiant que chacun des éléments autres qu’accessoires en remplit les conditions.
Comme indiqué au I-B § 40, l’expression « opération complexe unique », employée notamment par la CJUE, ne décrit pas un concept juridique en tant que tel, mais est utilisée pour désigner une opération dont le périmètre et/ou le traitement fiscal fait l’objet d’un questionnement du fait de la diversité des éléments en jeu. En effet, en toute rigueur, d’une part, toute opération économique résulte de la combinaison d’éléments divers (I-A § 10), c’est-à-dire présente un certain degré de complexité, et, d’autre part, toute opération est unique dans le sens où, par construction, il ne lui est appliqué qu’un seul traitement pour les besoins de la TVA.
80
Comme l’a souligné la CJUE, les analyses juridiques de l’« opération complexe unique » ne doivent pas être confondues avec celles relatives à d’autres concepts du système commun de la TVA et ayant un autre objet.
A. Opérations réciproques
90
L’analyse de l’« opération complexe unique » tend à regrouper dans une même opération divers éléments fournis par un acteur économique à une autre personne.
Au contraire, dans le cas des opérations réciproques, il s’agit d’apprécier l’échange de divers biens ou services entre deux acteurs économiques comme deux opérations distinctes dont chacune constitue la contre-valeur de l’autre.
En ce sens, CJUE, arrêt du 13 juin 2018, aff. C-421/17, Polfarmex Spółka Akcyjna w Kutnie, ECLI:EU:C:2018:432, points 36, 40 et 41.
B. Bons à usages multiples
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L’« opération complexe unique » se distingue du bon à usages multiples défini au c du 3 de l’article 256 ter du CGI (IX-B § 280 et suivants du BOI-TVA-BASE-20-40).
Est commercialisée une carte touristique qui donne à son titulaire le droit d’accéder, pendant une période limitée et à concurrence d’un certain montant, à une soixantaine d’attractions touristiques, telles que des sites d’intérêt ou des musées. Elle donne également accès à une dizaine de services de transport de personnes, tels que des circuits effectués avec les propres bus et bateaux du fournisseur de la carte et des visites organisées par d’autres prestataires. Certains de ces services sont soumis à la TVA à des taux variables selon leur nature alors que d’autres en sont exonérés.
La vente de la carte touristique n’est pas une opération soumise à la TVA combinant les différents sites et moyens de transport auxquels elle permet d’accéder. En revanche, chaque accès effectif aux attractions et services de transport, réalisé en contrepartie du paiement au moyen de la carte touristique, constitue une opération soumise à la TVA dont il convient de déterminer le régime indépendamment des autres attractions et services auxquels a accédé le consommateur. Lorsque ledit accès comprend divers éléments, la détermination de son traitement fiscal peut nécessiter de mobiliser l’analyse des opérations complexes uniques ; à cet égard, le traitement fiscal qui en résulte n’a pas vocation à différer de celui de l’accès par le consommateur qui l’aurait réglé directement avec un mode de paiement traditionnel, sans recourir à la carte touristique (CJUE, arrêt du 28 avril 2022, aff. C-637/20, Skatteverket, ECLI:EU:C:2022:304, points 25 et 26).
C. Opérations étroitement liées à une opération ou une activité exonérée
110
L’article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, transposé à l’article 261 du CGI, prévoit l’exonération d’opérations qui sont étroitement liées soit à d’autres opérations, soit à certaines activités (hospitalisation et soins médicaux, aides sociales, protection de l’enfance et de la jeunesse, éducation de l’enfance ou de la jeunesse, enseignement scolaire ou universitaire, formation ou recyclage professionnel, certains services des organismes sans but lucratif et certaines prestations de services culturels).
120
Dans ce contexte, l’expression « opérations étroitement liées » qualifie le rapport entre deux opérations distinctes soumises chacune à son propre régime de TVA, afin de préciser le champ des opérations exonérées. Elle se distingue donc de l’expression « éléments étroitement liés », qui qualifie différents éléments qui sont regroupés dans une seule et même opération. En particulier, dans le premier cas, les deux opérations sont susceptibles d’être fournies par des acteurs économiques différents et à des destinataires différents.
Les éléments étroitement liés relèvent d’une même opération afin d’éviter toute décomposition artificielle. Les opérations étroitement liées à une prestation exonérée partagent l’exonération de celle-ci afin d’assurer la pleine efficacité de cette exonération (CJUE, arrêt du 4 mars 2021, aff. C-581/19, Frenetikexito, ECLI:EU:C:2021:167, points 38 et 43).
Remarque : Il en résulte que l’appréciation de l’étendue de l’opération est moins essentielle pour l’application de ces exonérations que pour les autres exonérations (avec droit à déduction) ou pour les taux réduits. En effet, le regroupement ou l’absence de regroupement des éléments en cause dans une même opération est généralement neutre sur l’éligibilité à l’exonération.
D. Prestations de services accessoires aux accès à certaines manifestations et à certaines activités
130
Les articles 53 et 54 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, transposés aux a du 5° et 5° bis de l’article 259 du CGI, définissent des règles de territorialité s’appliquant à certaines « prestations accessoires » (IV § 270 et suivants du BOI-TVA-CHAMP-20-50-30) dans le contexte des manifestations et activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, de divertissement ou similaires. En particulier, ces « prestations accessoires » sont territorialisées au lieu de ces manifestations ou activités.
140
Dans ce contexte, l’expression « prestation accessoire », qui d’ailleurs fait l’objet d’une définition ad hoc (règlement d’exécution (UE) n° 282/2011 du Conseil du 15 mars 2011 portant mesures d’exécution de la directive 2006/112/CE relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée, art. 33), qualifie le rapport entre deux opérations distinctes soumises chacune à son propre régime de la TVA, afin de préciser qu’elles ont la même territorialité (sans préjudice, par ailleurs, du régime de taux dont chacune pourra bénéficier).
Elle se distingue donc de l’expression « élément accessoire », qui conduit à regrouper un élément dans une même opération que l’élément qu’il vient compléter, sans affecter le traitement fiscal de ce dernier.
E. Marge de manoeuvre des États membres de l’UE dans le choix du périmètre des taux réduits
150
L’article 98 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 et l’annexe III de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 encadrent la capacité des États membres à recourir aux taux réduits en établissant une liste de biens et services pouvant y être éligibles.
La CJUE considère que chaque État membre peut limiter l’application d’un taux réduit à des aspects concrets et spécifiques d’un item de cette liste, sous réserve de respecter le principe de neutralité fiscale.
160
Cette faculté de limitation des taux réduits reconnue aux États membres n’a pas pour objet ou pour effet de permettre l’application d’un taux réduit à une fraction d’une opération économique. Ainsi, lorsqu’une opération comprend des éléments qui, en application de la loi nationale, répondent aux aspects concrets et spécifiques éligibles à un taux réduit et d’autres éléments qui n’y répondent pas, le traitement fiscal de l’opération, notamment son taux, est réalisé dans les conditions exposées au BOI-TVA-CHAMP-60-30, qui excluent notamment toute ventilation du taux sur la base imposable.
Cela peut conduire à étendre l’application d’un taux réduit à des éléments non cités par la loi au motif qu’ils sont accessoires, ou à écarter l’application d’un taux réduit à des éléments cités par la loi qui s’avèrent accessoires ou étroitement liés à d’autres éléments qui ne sont pas éligibles au taux réduit.
En ce sens, CJUE, arrêt du 18 janvier 2018, aff. C-463/16, Stadion Amsterdam CV, ECLI:EU:C:2018:22, points 34 et 35.
Exemple : En matière de denrées alimentaires, la France applique un taux réduit de manière sélective en excluant les confiseries. Les confiseries constituent un sous-ensemble caractérisé par des aspects concrets et spécifiques les distinguant des autres denrées alimentaires.
La vente d’une corbeille de fruits à offrir peut également comprendre des confiseries. Il s’agit généralement d’une seule et même opération, visant à permettre au client de s’offrir un cadeau, caractérisé par une présentation particulière des denrées, et non de deux opérations distinctes consistant en la vente, d’une part, des fruits et, d’autre part, des confiseries. Cette opération comprend certains éléments éligibles à un taux réduit (les fruits) et d’autres non (les confiseries). Un seul taux est applicable à l’ensemble de l’opération. Il s’agira du taux réduit si les confiseries présentent un caractère accessoire ou, à défaut, du taux normal.
F. Principe de neutralité fiscale
170
Il résulte des principes et définitions exposés aux I et II § 1 à 70 que la charge fiscale de deux éléments commercialisés via une même opération pourra différer de la somme des charges fiscales de chacun de ces deux éléments s’ils étaient fournis via des opérations séparées.
Ce constat n’est pas, en tant que tel, une dérogation au principe de neutralité fiscale, selon lequel des biens et services semblables doivent être taxés au même taux. En effet, des éléments divers ne sont regroupés dans une même opération que si leur combinaison présente des caractéristiques qui rendent cette opération objectivement dissemblable des deux opérations séparées.
Dans ce contexte, il convient de prendre en considération la circonstance qu’il résulte de la jurisprudence relative aux opérations complexes uniques que le traitement de plusieurs services en tant que prestation unique du point de vue de la TVA aboutit nécessairement à un traitement fiscal différent de celui que ces services auraient reçu s’ils avaient été fournis séparément. Partant, une prestation de services complexe comprenant plusieurs éléments n’est pas automatiquement semblable à la fourniture de ces éléments de manière séparée (CJUE, ordonnance du 19 janvier 2012, aff. C-117/11, Purple Parking et Airparks Services, ECLI:EU:C:2012:29, point 39).
180
C’est la raison pour laquelle, dans un objectif de neutralité fiscale, la CJUE refuse, aux fins du regroupement de différents éléments dans une même opération ou de leur dissociation, de se fonder sur des aspects purement formels, comme l’identification d’un prix séparé ou unique pour chacun d’entre eux, qu’il soit convenu entre les parties ou décidé par le fournisseur.
Le principe de neutralité fiscale risquerait d’être compromis, car deux prestations uniques, composées de deux ou plusieurs éléments distincts, qui sont, à tous les égards, similaires, pourraient devoir être soumises, conformément à ladite hypothèse, à des taux de TVA distincts applicables auxdits éléments, selon qu’il est ou non possible d’identifier le prix correspondant à ces différents éléments (CJUE, arrêt du 18 janvier 2018, aff. C-463/16, Stadion Amsterdam CV, point 28).
190
En tout état de cause, la jurisprudence relative aux « opérations complexes uniques » n’est pas, du fait du principe de neutralité fiscale, remise en cause par la circonstance que le regroupement en une même opération d’un élément éligible à un régime dérogatoire (exonération sans droit à déduction ou taux réduit) et d’un élément non accessoire qui n’y est pas éligible conduit à écarter l’application de ce régime à l’ensemble de l’opération, en ce compris le premier élément.
Une telle conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument tiré du principe de neutralité fiscale, en vertu duquel les opérateurs doivent pouvoir choisir le modèle d’organisation qui, du point de vue strictement économique, leur convient le mieux, sans courir le risque de voir leurs opérations exclues de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA (en ce sens, CJCE, arrêt du 4 mai 2006, C‑169/04, Abbey National, ECLI:EU:C:2006:289, point 68). En effet, le principe de neutralité fiscale étant une règle d’interprétation de la directive TVA et non une norme d’un rang supérieur aux dispositions de cette directive, il ne saurait permettre d’étendre le champ d’application d’une exonération (en ce sens, CJUE, arrêt du 19 juillet 2012, C‑44/11, Deutsche Bank, ECLI:EU:C:2012:484, point 45) et, par suite, de rendre applicable l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA à une prestation, telle que celle en cause au principal, qui n’en remplit pas les conditions (CJUE, arrêt du 2 juillet 2020, aff. C-231/19, Blackrock Investment Management, ECLI:EU:C:2020:513, points 50 et 51).
200
Inversement, un opérateur est fondé, lorsqu’il détermine les conditions dans lesquelles il commercialise des biens et services, à tenir compte des incidences fiscales du regroupement ou de la dissociation de ces éléments et à privilégier certaines offres par rapport à d’autres.
Cela ne conduit pas à permettre à l’opérateur d’optimiser la charge de la TVA, l’analyse des « opérations complexes uniques » conduisant à traiter de façon identique deux offres semblables, en objectivant la finalité économique des actes commerciaux en cause et en écartant les aspects purement formels ou artificiels, même lorsqu’ils ont une traduction commerciale, contractuelle ou tarifaire. En revanche, cela préserve la liberté commerciale des opérateurs à construire, à partir des mêmes éléments constitutifs, des offres différentes, répondant à des besoins distincts des consommateurs, et à privilégier la commercialisation de certaines d’entre elles par rapport à d’autres en tenant compte notamment de la fiscalité.
De manière complémentaire, les montages à finalité essentiellement fiscale peuvent être considérés comme abusifs et conduire également à écarter des regroupements ou des dissociations artificiels.
Il convient de rappeler que le choix, pour un entrepreneur, entre des opérations exonérées et des opérations imposées peut se fonder sur un ensemble d’éléments et, notamment, des considérations de nature fiscale tenant au régime objectif de la TVA. Lorsque l’assujetti a le choix entre deux opérations, la sixième directive ne lui impose pas de choisir celle qui implique le paiement du montant de TVA le plus élevé. Au contraire, l’assujetti a le droit de choisir la structure de son activité de manière à limiter sa dette fiscale (CJCE, arrêt du 27 février 2008, aff. C-425/06, Part service, points 47 et 55).
G. Interdiction de ventilation en fonction des usages des destinataires
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Il résulte du principe de taxation par opération que, pour faciliter les actes inhérents à l’application de la TVA, il faut prendre en considération, sauf dans des cas exceptionnels, la nature objective de l’opération en cause.
220
Il en résulte l’interdiction de faire varier le traitement d’une opération en fonction de l’usage effectif des éléments qui la composent.
En effet, lorsqu’une même opération comprend divers biens ou services, il est possible que l’utilisation effective de ces biens et services diffère d’un acquéreur à l’autre, notamment si certains acquéreurs ne recourent jamais, ou très peu, à certains des biens ou services inclus (en particulier dans le cas des droits d’accès, V § 160 et suivants du BOI-TVA-CHAMP-60-40). Il est également possible que le fournisseur dispose d’un suivi très précis de ces utilisations, notamment pour les services numériques. Ces opérations doivent néanmoins toutes recevoir le même traitement fiscal que celui qui résulte des règles commentées au BOI-TVA-CHAMP-60-30.
En ce sens, CJUE, arrêt du 2 juillet 2020, aff. C-231/19, Blackrock Investment Management, points 35 à 40.
Cet article provient du site Impôts.gouv.fr