RES – RSA – BNC – TVA – IF – Régime fiscal applicable aux associés de sociétés d’exercice libéral


Question :

Compte tenu de la jurisprudence du Conseil d’État (CE, décision du 16 octobre 2013, n° 339822, ECLI:FR:CESSR:2013:339822.20131016 et CE, décision du 8 décembre 2017, n° 409429, ECLI:FR:CECHR:2017:409429.20171208), quel est le régime fiscal applicable aux associés de sociétés d’exercice libéral (SEL) en matière d’impôt sur le revenu (IR), de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), de cotisation foncière des entreprises (CFE) et quelle est leur éligibilité aux dispositifs d’épargne salariale ?

Réponse :

1/ En matière d’impôt sur le revenu

Pour l’imposition des rémunérations perçues par les associés d’une société d’exercice libéral (SEL), le Conseil d’État retient comme unique critère l’existence ou non d’un lien de subordination avec la SEL afin d’établir la catégorie d’imposition des rémunérations retirées par l’associé de l’exercice de son activité libérale au sein de la SEL (CE, décision du 16 octobre 2013, n° 339822, ECLI:FR:CESSR:2013:339822.20131016 et CE, décision du 8 décembre 2017, n° 409429, ECLI:FR:CECHR:2017:409429.20171208).

Ainsi, les rémunérations perçues par les associés d’une SEL, au titre de l’exercice de leur activité libérale dans cette société, sont, en principe, imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC), conformément au 1 de l’article 92 du code général des impôts (CGI), sauf à démontrer que cette activité est exercée dans des conditions traduisant l’existence d’un lien de subordination à l’égard de la société, auquel cas ces rémunérations sont, par exception, imposées dans la catégorie des traitements et salaires.

Tirant les conséquences de la jurisprudence du Conseil d’État, le VIII-B-2 § 500 et suivants du BOI-RSA-GER-10-30, publié le 5 janvier 2023, a rapporté, à compter de l’imposition des revenus de l’année 2024 la réponse ministérielle Cousin (RM Cousin n° 39397, JO AN du 16 septembre 1996, p. 4930) qui précisait que relèvent normalement de la catégorie des traitements et salaires les rémunérations perçues par les associés non dirigeants de société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) en contrepartie de l’exercice de leur activité libérale au sein de cette société.

1.1/ S’agissant des conditions d’application du régime « micro-BNC » aux associés de SEL

L’article 102 ter du CGI prévoit que le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux dont le montant hors taxes de l’année civile précédente ou de la pénultième année n’excède pas le seuil prévu au 1 de cet article est imposé selon le régime déclaratif spécial, dit « micro-BNC », sauf option pour le régime de la déclaration contrôlée.

Les associés des SEL n’étant pas expressément exclus du régime « micro-BNC », ils peuvent en bénéficier dès lors que les rémunérations qu’ils perçoivent sont imposées dans la catégorie des BNC et qu’ils respectent les conditions de seuil de recettes prévues par ce régime. Cette précision a été reprise au I-C-3 § 110 du BOI-BNC-DECLA-10-10.

Dès lors qu’à compter de l’imposition des revenus de l’année 2024, les rémunérations des associés de SEL perçues au titre de leur activité libérale sont imposées dans la catégorie des BNC, toutes les conséquences pour l’application des régimes propres à cette catégorie de revenus doivent en être tirées. Ainsi, pour l’appréciation du seuil d’application du régime « micro-BNC », il convient de retenir la rémunération versée par la SEL, en y réintégrant le cas échéant les dépenses professionnelles de l’associé acquittées en son nom et pour son compte par la SEL, au titre de l’année civile précédente et/ou de la pénultième année, qui auraient été déclarées dans la catégorie des BNC si elles avaient été perçues à compter de 2024. Dès lors, les associés de SEL peuvent, toutes conditions étant par ailleurs remplies, bénéficier du régime « micro-BNC » à compter de l’imposition des revenus 2024, sous réserve que lesdits revenus tirés de leur activité libérale au titre de l’année de référence n’excèdent pas le seuil prévu au 1 de l’article 102 ter du CGI.

À cet égard, il est précisé que si les contribuables relevant du régime « micro-BNC » doivent porter le montant de leurs recettes annuelles directement sur la déclaration prévue à l’article 170 du CGI (formulaire n° 2042 [CERFA n° 10330] disponible en ligne sur www.impots.gouv.fr), les associés de SEL ne relevant pas de ce régime mais de celui de la déclaration contrôlée doivent, en application de l’article 97 du CGI, déclarer leur résultat annuel dans la déclaration mentionnée à l’article 172 du CGI (formulaire n° 2035-SD [CERFA n° 11176] disponible en ligne sur www.impots.gouv.fr).

1.2/ S’agissant des modalités de déduction des cotisations de type « Madelin » prévues à l’article 154 bis du CGI

Ni la lettre de la loi ni son interprétation par la jurisprudence ne permettent la déduction des cotisations « Madelin » de revenus déclarés dans la catégorie des traitements et salaires.

Dans la décision n° 409429 du 8 décembre 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:409429.20171208, le Conseil d’État n’admet la déduction des cotisations « Madelin » des rémunérations perçues par l’associé de SEL au titre de l’exercice de son activité libérale, sur le fondement de l’article 154 bis du CGI, que dans le cas où les rémunérations concernées, à défaut de lien de subordination, sont assujetties à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

La circonstance que le contribuable se soit prévalu de la réponse ministérielle Cousin mentionnée au 1/ est sans incidence sur l’application de ces règles légales de détermination de l’assiette imposable à l’impôt sur le revenu. L’imposition dans la catégorie des traitements et salaires qui en résulte exclut l’application des dispositions de l’article 154 bis du CGI.

1.3/ S’agissant du traitement fiscal des honoraires rétrocédés directement par une SEL aux associés d’une société de participations financières de professions libérales (SPFPL), au titre de leur activité professionnelle au sein de cette SEL

Les bénéfices réalisés par des professions libérales, qui exercent leur activité à titre individuel ou dans le cadre d’une société de personnes relevant de l’IR, sont imposés dans la catégorie des BNC en application du 1 de l’article 92 du CGI.

Lorsque l’activité est exercée dans le cadre d’une entreprise passible de l’impôt sur les sociétés (IS), les rémunérations perçues au titre de l’exercice d’une activité libérale dans la société dont les professionnels sont associés sont imposables dans la catégorie des BNC, sauf lorsque ces revenus sont imposés comme des traitements et salaires, soit du fait de l’existence d’un contrat de travail ou d’un lien de subordination, soit en raison de l’application de l’article 62 du CGI pour la part correspondant aux fonctions de gérant.

Lorsque la SEL verse directement une rémunération à l’associé d’une SPFPL, au titre de son activité professionnelle au sein de cette SEL, cette rémunération relève de la catégorie des BNC, qui est applicable aux bénéfices tirés d’une activité libérale conformément à l’article 92 du CGI en l’absence d’un contrat de travail ou d’un lien de subordination.

1.4/ S’agissant de l’option pour l’assimilation à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) prévue à l’article 1655 sexies du CGI pour les entrepreneurs individuels

L’article 1655 sexies du CGI prévoit que les entrepreneurs individuels relevant de l’IR peuvent opter pour leur assimilation à une EURL. Sous réserve d’une renonciation expresse, cette option emporte également assujettissement à l’IS.

L’article L. 526-22 du code de commerce précise que l’entrepreneur individuel pouvant exercer cette option est une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes.

À cet égard, la Cour de cassation (Cass. civ., arrêt du 9 février 2010, n° 08-15.191) a jugé que l’associé d’une SEL accomplit ses actes professionnels au nom et pour le compte de la société.

De plus, lorsqu’un professionnel devient associé d’une SEL, il apporte sa clientèle ou sa patientèle sous la forme d’un fonds d’exercice libéral.

Par conséquent, le professionnel associé d’une SEL n’est pas réputé exercer son activité en son nom propre et ne répond donc pas à la définition d’entrepreneur individuel.

Dès lors, l’associé d’une SEL ne peut pas exercer l’option prévue à l’article 1655 sexies du CGI et ce, qu’il en soit directement l’associé ou qu’il détienne indirectement les titres de la SEL par l’intermédiaire d’une SPFPL.

2/ En matière de taxe sur la valeur ajoutée

Les règles applicables en matière de TVA constituent un corpus de droit autonome, régi par la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée et éclairé par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Elles ne sauraient, partant, dépendre d’une qualification aux fins de l’imposition à l’IR.

Conformément à l’article 256 du CGI et à l’article 256 A du CGI, qui transposent l’article 2 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel, c’est-à-dire par une personne qui effectue de manière indépendante une activité économique de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, dans le but d’en tirer des recettes présentant un caractère de permanence.

À cet égard, ne sont pas considérés comme indépendants les salariés et les autres personnes qui sont liées par un contrat de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination concernant les conditions de travail, les modalités de rémunération et la responsabilité de l’employeur (CGI, art. 256 A).

De plus, comme précisé par la Cour de justice de l’Union européenne, le statut d’indépendant implique que la personne concernée accomplisse ses activités en son nom, pour son propre compte et sous sa propre responsabilité, en supportant le risque économique lié à l’exercice de l’activité en cause (CJUE, arrêt du 29 septembre 2015, affaire C-276/14, point 34, ECLI:EU:C:2015:635).

Par ailleurs, une prestation de services n’est effectuée à titre onéreux que lorsqu’il existe, entre le prestataire et le bénéficiaire, un rapport juridique permettant l’échange de prestations réciproques, la rétribution perçue par le prestataire constituant alors la contrepartie effective du service fourni au bénéficiaire.

En l’occurrence, les SEL exercent la profession qui constitue leur objet social par l’intermédiaire des associés ayant qualité pour exercer cette profession (ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées, art. 40). Or, même si l’associé répond de ses actes (ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023, art. 43), ce seul constat ne suffit pas à établir qu’il supporte le risque économique propre à cette activité. D’ailleurs, il n’entre pas, du point de vue de la TVA, en rapport juridique avec les clients de la société. Par exemple, pour la profession d’avocat, il est bien précisé par l’article 21 du décret n° 93-492 du 25 mars 1993 pris pour l’application à la profession d’avocat de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé que chaque avocat associé au sein d’une SEL exerce ses fonctions au nom de la société.

Les rémunérations techniques perçues par les associés de la part de SEL n’entrent donc pas dans le champ d’application de la TVA. Il en résulte que ces rémunérations ne sont pas soumises à l’obligation de facturation prévue à l’article 289 du CGI.

Par conséquent, les SEL, à l’instar des sociétés civiles professionnelles et des sociétés de capitaux ayant pour objet l’exercice en commun de la profession de leurs membres, ont, en tant que telles, la qualité d’assujetti redevable de la TVA, les membres de ces SEL ne sont pas eux-mêmes redevables de la taxe.

3/ En matière de cotisation foncière des entreprises

Conformément à l’article 1447 du CGI, la CFE est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les fiduciaires, pour leur activité exercée en vertu d’un contrat de fiducie, qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée.

La CFE est ainsi due par toute personne physique ou morale exerçant une activité passible de la CFE, quels que soient son statut juridique (entrepreneur individuel, société, association, fondation, personne morale de droit public, etc.) et la nature de son activité (industrielle, commerciale, non commerciale, etc.) (BOI-IF-CFE-10-10-10).

Les redevables de la CFE dont le chiffre d’affaires est supérieur à 152 500 euros sont également redevables de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) (CGI, art. 1586 ter).

Par ailleurs, une activité, même effectuée à titre habituel, ne revêt un caractère professionnel que si elle est lucrative ou si elle ne se limite pas à la gestion d’un patrimoine privé. Sauf exception, l’analyse de la lucrativité en matière de CFE est identique à celle appliquée en matière d’impôt sur les sociétés.

Conformément à l’article 1er de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, les SEL ont pour objet l’exercice d’une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

Une activité libérale constitue une activité professionnelle au sens de l’article 1447 du CGI.

Dès lors, les SEL, sociétés commerciales par la forme et qui exercent une activité libérale, sont imposables à la CFE et à la CVAE dans les conditions de droit commun, c’est-à-dire assujetties à une imposition établie au nom de la personne qui exerce l’activité imposable, en l’occurrence la SEL.

La jurisprudence du Conseil d’État et les précisions doctrinales (VIII-B-2 § 500 et suivants du BOI-RSA-GER-10-30) tirant les conséquences de cette jurisprudence sont sans incidence sur l’imposition à la CFE de ces sociétés et de leurs associés. En effet, les associés de SEL qui ont la qualité de salariés de la société sont hors du champ de la CFE. Un changement de catégorie d’imposition n’emporte pas la création d’une nouvelle personne juridique ou d’une nouvelle activité économique qui pourrait justifier leur assujettissement à la CFE.

Toutefois, les associés d’une SEL sont susceptibles d’être imposés à la CFE en leur nom propre dès lors qu’ils exercent une activité professionnelle propre non salariée. L’existence d’une activité propre peut être établie par un faisceau d’indices attestant une absence de lien de subordination avec la SEL, l’existence de moyens propres ou encore d’une clientèle ou patientèle distincte. L’exercice, par un associé, d’une activité professionnelle propre donne donc lieu à une imposition distincte.

4/ En matière d’éligibilité des associés de SEL aux dispositifs d’épargne salariale

Les dispositifs d’épargne salariale s’adressent en premier lieu aux salariés.

Il convient de rappeler qu’est considérée comme salarié d’une entreprise toute personne ayant un contrat de travail et un lien de subordination avec cette entreprise.

La loi a ouvert progressivement le bénéfice des dispositifs d’épargne salariale aux dirigeants dans les entreprises employant au moins un salarié en sus d’eux-mêmes et moins de 250 salariés.

La liste des dirigeants pouvant bénéficier de l’épargne salariale est précisée par l’article L. 3312-3 du code du travail (C. trav.) pour l’intéressement, par l’article L. 3323-6 du C. trav. et l’article L. 3324-2 du C. trav. pour la participation et par l’article L. 3332-2 du C. trav. pour les plans d’épargne salariale. Il s’agit des chefs de ces entreprises, de son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité s’il a le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé, des présidents, directeurs généraux, gérants ou membres du directoire s’il s’agit de personnes morales.

Le régime d’imposition des bénéficiaires n’a pas d’impact sur ces dispositions.

S’agissant des professionnels libéraux exerçant dans une SEL, si, dans certains cas, ils bénéficient du régime social d’assimilés-salariés, ils ne peuvent pas prétendre aux dispositions du code du travail concernant les salariés.

Néanmoins, rien ne s’oppose à ce qu’ils bénéficient des dispositifs d’épargne salariale en tant que dirigeant dans les cas prévus par la loi, à savoir s’ils ont le statut de présidents, directeurs généraux, gérants ou membres du directoire de la société.

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