Prévention : des aides financières pour les entreprises pointées du doigt


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Effet d’aubaine, résultats incertains, secteurs prioritaires délaissés… Les aides financières distribuées par les Carsat aux entreprises ne sont pas forcément pertinentes. C’est ce qu’il ressort du rapport de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) sur l’évaluation de la COG (convention d’objectifs et de gestion) 2018-2022 de la branche AT-MP publié le 21 juin, à peine quelques jours avant la signature de la nouvelle, arrivée bien en retard.

Les aides prennent plusieurs formes. Il peut s’agir de ristournes. Certaines visent à récompenser des mesures susceptibles de diminuer la fréquence et la gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elles sont peu nombreuses et représentent une part minime de dépenses. Les “ristournes trajet” visent elles à récompenser des mesures de prévention susceptibles de diminuer la fréquence et la gravité des accidents de trajet et de mission des salariés. Elles ont compté pour 99,4 % de la dépense totale en 2020.

Des ristournes accaparées par la métallurgie

L’Igas, en analysant les ristournes de plus de 100 000 euros sur 2018, 2019 et 2020 s’est rendue compte que les 17 millions d’euros ainsi dépensés se sont concentrés essentiellement sur des “ristournes trajet” à destination de seulement 14 grandes voire très grandes entreprises, presque toutes de la métallurgie. En 2020, le secteur a bénéficié de 83 % du montant total des ristournes, alors même qu’il n’est pas le plus concerné par le risque routier.

Ainsi, l’Igas se demande si ce dispositif récompense vraiment des démarches innovantes ou exemplaires, “ou s’il contribue à financer des mesures récurrentes et relativement classiques dans les politiques RH des grandes entreprises, telles que le transport collectif de personnel”. L’inspection “recommande l’abrogation des ristournes trajet et travail”. “A minima, leur reconduction devra s’appuyer sur un bilan qualitatif complet permettant d’en évaluer la plus-value”, insistent les auteurs du rapport.

Subventions

Les aides prennent aussi la forme de subventions. On différencie ici les contrats de prévention, pour les entreprises de moins de 200 salariés et pour lesquelles 99 millions d’euros ont été distribués sur la période, des SP-TPE (subventions Prévention pour les petites entreprises), réservées aux entreprises de moins de 50 salariés pour un montant maximal de 25 000 euros.

Les SP-TPE ont coûté 170 millions d’euros sur la période. Elles concernent des risques (amiante, chute de hauteur…) ou des secteurs (BTP, restauration, propreté…) particuliers. Il s’agit d’un soutien financier pour investir dans des solutions de prévention génériques, comme du matériel et de nouveaux équipements. Un peu plus de 23 000 TPE en ont bénéficié (hors subvention covid), pour un montant moyen de 7 000 euros.

Effet d’aubaine

Cela dit, “peu d’éléments permettent d’étayer l’efficacité des subventions en matière de prévention – que ce soit en ce qui concerne leur impact dans la décision d’investissement, la bonne utilisation du matériel acheté, son intégration dans une démarche de prévention ou in fine sur la sinistralité de l’entreprise, regrettent les inspecteurs. Certes, les entreprises interrogées se disent satisfaites et déclarent que les aides ont renforcé la prévention. Mais une enquête réalisée en 2018 par la Direction des risques professionnels conclut à l’absence d’effets observables des subventions sur la sinistralité : l’indice de fréquence n’évolue pas différemment chez les bénéficiaires que chez les entreprises éligibles.

Les inspecteurs alertent aussi sur un possible et important effet d’aubaine. 17 % des entreprises interrogées par BVA indiquent ne pas avoir eu connaissance de l’existence de la subvention avant de réaliser l’investissement, 20 % des entreprises révèlent qu’elles auraient, quoi qu’il arrive, réalisé l’investissement et 27 % indiquent qu’elles l’auraient probablement réalisé.

Prioriser

Jusqu’à présent, pour les SP-TPE, c’est la logique du “premier arrivé, premier servi”. Ainsi, ce ne sont pas forcément les entreprises les plus dans le besoin qui bénéficient des aides. Une fois que l’enveloppe dédiée est distribuée, c’est fini ! L’Igas recommande de réguler le budget en fonction des priorités de la branche, notamment en établissant un document de référence rappelant clairement l’objet et la doctrine d’emploi de chaque incitation financière et l’articulation entre elles, comme le prévoyait d’ailleurs la COG 2018-2022.

L’inspection conseille aussi de conditionner les SP-TPE sectorielles à des engagements des branches en matière de prévention (comme c’est déjà le cas pour les contrats de prévention), alors qu’elles peuvent se faire relais des offres Carsat. De manière plus générale, tout en sachant que l’effet des subventions sur la sinistralité est par nature très difficile à établir, l’Igas demande à ce que la branche s’engage à réaliser un bilan qualitatif et quantitatif des subventions les plus consommatrices de crédit.

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Pauline Chambost
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Il est toujours difficile de percevoir les effets réels des subventions données en matière de prévention mais l’argent distribué par les Carsat aux entreprises pourrait être mieux utilisé, estime l’Inspection des affaires sociales.
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Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH