Les résultats du 13ème baromètre sur l’état de santé psychologique des salariés français du cabinet Empreinte Humaine, en partenariat avec OpinionWay*, ont été présentés hier. Leur niveau de détresse semble stable voir en léger recul par rapport à octobre 2023 et “des avancées notables dans la détection des risques psychosociaux” sont saluées, avec des salariés et des managers qui se sentent plus outillés et sensibilisés. Mais la situation est toujours qualifiée de préoccupante, notamment chez les 18-29 ans et les télétravailleurs à 100 %. “Des résultats positifs mais encore insuffisants” donc, et très inégaux selon les entreprises.
Au global, 42 % de salariés sont en détresse psychologique si l’on prend en compte ceux en détresse modérée et pas moins de huit sur 10 estiment que cette détérioration de leur santé mentale est liée à leur travail. Toutefois, “cela va un peu mieux dans les grandes entreprises, une différence que l’on n’avait pas forcément avant”, souligne Christophe Nguyen, président d’Empreinte Humaine. Une différence frappante même : le taux de détresse dans les structures de 5000 salariés et plus est de 32 %, contre 49 % dans les TPE et 53 % dans les ETI. Comment se justifie-t-elle ? “Les grandes entreprises ont été contraintes depuis plus longtemps par la législation. Elles font donc plus d’évaluations, de procédures, ont davantage de référents en la matière, etc. Elles ont aussi plus de ressources pour s’interroger sur la question et la médecine du travail y est plus présente”.
Les managers investissent-ils le rôle central qu’ils détiennent pour prévenir/éviter les risques psychosociaux ? Il semblerait bien que oui. 67 % des salariés estiment à ce titre que leur manager de proximité prend en compte le bien-être des équipes quand il fixe les objectifs, 66 % qu’il y est attentif, et 65 % qu’il a des pratiques positives en la matière. De même, plus de la moitié (53 %) des managers mettent en place des temps d’échange spécifiquement sur le sujet de la santé mentale, “un chiffre qui révèle une prise de conscience croissante des directions sur l’importance de ces enjeux”. Une “tendance encourageante”, avec cependant des marges de progrès puisqu’à l’inverse seuls 46 % des salariés jugent que leurs objectifs peuvent être revus en fonction de leur stress ou des RPS. La performance au détriment du safety first.
Du côté des salariés eux-mêmes, les actions de prévention produisent leurs effets. Ils sont ainsi sept à huit sur 10 à déclarer savoir détecter les signaux de détresse psychologique chez eux et les autres, à se penser compétents pour soutenir un collègue s’il en montre, et à connaitre les bonnes pratiques à mettre en œuvre à leur niveau pour être en bonne santé psychologique. Deux tiers se sentent même prêts à exprimer une situation de stress ou de mal-être sans être mal vus. Or, selon le baromètre, les personnes qui savent détecter les situations à risque ont 1,5 à 2 fois moins de problèmes de santé mentale au travail.
Oui les actions dans les entreprises existent, sauf qu’elles sont encore insuffisantes et les marges de progression importantes. Seules 39 % libèrent du temps pour des actions de sensibilisation à la prévention des RPS et moins de 40 % disposent d’acteurs ayant un rôle spécifiquement dédié à la santé mentale. Mais selon Christophe Nguyen il reste surtout un angle mort pourtant essentiel : la prévention primaire. En effet, ce sont avant tout les conditions de travail qui pèsent sur le moral des salariés. Quelques exemples. 55 % font face à un problème de manque de temps : 1,7 fois plus en détresse psychologique chez eux. 49 % ont des outils de travail qui ne fonctionnent pas ou ne sont pas adéquats : 1,6 fois plus en détresse. 50 % disent devoir faire de la quantité au détriment de qualité et 37 % sont contraints de travailler d’une façon qui heurte leur conscience : 1,8 à 2 fois plus de détresse. Ce qui fait dire au dirigeant d’Empreinte Humaine qu’à ce jour les mesures mises en place “ne sont pas suffisantes pour améliorer durablement la situation et éviter, à terme, les arrêts maladies pour motifs psychologiques, le turn-over ou la question des nouveaux rapports au travail. Ce sont dans les conditions et l’organisation du travail, notamment sur la question de la charge de travail, souvent mal ou non mesurée dans les entreprises, que les marges de progrès sont les plus importantes pour la prévention des risques psychosociaux”.
*Etude réalisée auprès d’un échantillon de 2 000 salariés français représentatif, constitué selon la méthode des quotas au regard des critères de sexe, d’âge, de région, de taille salariale, de statut, de catégories socioprofessionnelles et de secteur d’activité. Les interviews ont été réalisées par internet du 23 mai au 4 juin 2024.
Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH