Elles sont environ 35,8 millions dans le monde, 6,7 millions en Europe et 547 000 en France et ont vocation à être de plus en plus nombreuses du fait de l’aggravation des conflits et du dérèglement climatique. Les personnes réfugiées, et plus particulièrement leur insertion professionnelle, étaient au cœur d’un groupe de travail de la plateforme RSE de France Stratégie constitué à suite d’une saisine interministérielle du 6 septembre 2023. L’avis final a été rendu et présenté hier par les co-rapporteurs Pierre-Yves Chanu, Ghislaine Hierso et Odile Menneteau. Une de leur conclusion peut paraître surprenante : “l’intégration professionnelle des personnes réfugiées ne diffère pas en tant que telle de l’intégration des personnes éloignées de l’emploi mais implique une approche systémique et coordonnée entre tous les acteurs”. Et parmi ces acteurs se trouvent les entreprises, qui “jouent un rôle clé non seulement en tant qu’employeurs mais aussi comme acteurs de l’intégration sociale des personnes réfugiées” et qui auraient tout à gagner à s’investir davantage dans cette intégration.
Contrairement à certaines idées reçues, dès leur arrivée les personnes réfugiées cherchent activement à travailler, 66 % d’entre elles ayant tenté de trouver un emploi. Toutefois, elles ne sont que 42 % à s’être positionnées sur le marché du travail un an après avoir reçu leur titre de séjour, dont seulement 43 % en CDI (84,7 % dans la population française) tandis que 22 % sont au chômage et 19 % en situation d’inactivité hors études. Cette inactivité touche d’ailleurs encore davantage les femmes. Les personnes réfugiées sont aussi bien plus concernées par les emplois précaires (37 % sont en CDD et 10 % en intérim) et le temps partiel subi (30 % des hommes réfugiés salariés et 50 % des femmes), “ce qui souligne la vulnérabilité de cette population sur le marché du travail”. Logiquement, elles ressentent donc souvent un sentiment de déclassement professionnel et, en effet, la proportion d’ouvriers entre le pays d’origine et le pays d’accueil passe de 22 % à 46 % et celle des cadres de 10 % à 2 %.
Certes, les rapporteurs de l’avis le soulignent, les freins à l’emploi des personnes réfugiées sont systémiques (problèmes de mobilité géographique, de logement, de comparabilité des diplômes, etc.) et ne reposent pas qu’entre les mains des entreprises. Il n’empêche qu’elles ont aussi une responsabilité à porter. “Certaines peuvent écarter la possibilité de recruter une personne réfugiée en pensant que ce type de recrutement est complexe et chronophage”. Or, ces personnes peuvent bel et bien accéder à l’emploi sans avoir à demander d’autorisation de travail. Mieux s’informer est donc de mise. Une certaine défiance et des préjugés existent aussi, qu’il appartient aux entreprises de combattre. “L’intégration des réfugiés relève d’un engagement personnel des dirigeants d’entreprise” pointe Odile Menneteau, l’avis appelant à former et sensibiliser collaborateurs et RH afin de déconstruire les stéréotypes. De même, les pratiques de recrutement peuvent ne pas correspondre à ces profils atypiques. Sauf que sur tous ces points un éventail d’outils (bilan de compétences, VAE, alternance, etc.) et de référents (associations, Opco pour la formation, etc.) peut être mobilisé, ces outils étant connus puisqu’ils sont les mêmes que ceux mobilisés pour les personnes éloignées de l’emploi.
La conclusion de l’avis est très claire : “dans un contexte français de pénurie de main-d’œuvre et de métiers en tension, les personnes réfugiées constituent un vivier de recrutement en proposant des compétences précieuses qui peuvent stimuler l’innovation et la créativité. Elles apportent aussi une richesse culturelle dans l’entreprise et, plus globalement, à la société. Toutefois ce potentiel est sous-exploité en France”. Un manque à gagner d’autant plus important que les personnes réfugiées en emploi sont majoritairement concentrées dans des secteurs comme l’hôtellerie, le commerce et la restauration (45 %) ou la construction et le bâtiment (21 %) qui figurent en haut de la liste de ceux en tension. Autre point positif pour les entreprises : le soutien à l’intégration des personnes réfugiées peut renforcer leur image de marque et leur réputation. Autrement dit, cette intégration ne peut être que bénéfique. La plateforme RSE recommande donc aussi aux partenaires sociaux de s’appuyer sur la négociation collective pour progresser en ce sens.
Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH