Cette deuxième fois fut la bonne. Après l’échec de la négociation sur le Pacte de la vie au travail, en avril dernier, les partenaires sociaux sont parvenus, jeudi peu avant 23 heures, à trouver un compromis sur l’emploi des seniors, à l’issue de pourparlers express qui avaient commencé en octobre. Le projet d’accord, intitulé “Accord national interprofessionnel en faveur de l’emploi des salariés expérimentés” doit désormais être avalisé par les instances dirigeantes des différentes organisations qui se prononceront d’ici à quelques jours. Mais d’ores et déjà la plupart des organisations syndicales, à l’instar de la CFDT, de la CFTC et de la CFE-CGC, devraient apposer leur signature au texte.
Sauf – et c’est la surprise de la soirée – la CPME a d’ores et déjà manifesté sa désapprobation, en se désolidarisant du camp patronal. Pour Eric Chevée, chef de file de la négociation, cet accord “n’est pas à la hauteur des défis économiques et sociaux”. Ce qui fâche ? Les deux dispositions clefs du nouveau contrat de valorisation de l’expérience, ou contrat senior destiné aux demandeurs d’emploi à partir de 60 ans, à savoir l’exonération de cotisations d’assurance chômage à raison d’un point par an à partir de 60 ans et le cumul du salaire et de l’allocation de retour à l’emploi pour la nouvelle recrue, ne seront pas d’application immédiate. Leur mise en œuvre, qui pourrait être effective en 2027, sera soumise à l’accord unanime des partenaires sociaux, qui se retrouveront d’ici le 30 septembre 2026, pour évaluer ce tout nouveau contrat.
Autant dire que les chances sont minces pour que ces dispositions voient le jour. “L’accord n’est pas équilibré, fulmine Eric Chevée qui regrette le recul du Medef et de l’U2P. C’est une occasion manquée”.
Mais pour Hubert Mongon (Medef), cet accord “pose les bases du contrat de valorisation de l’expérience. Avec une idée simple que la priorité soit donnée au travail avec un emploi en CDI”. “Nous nous reverrons d’ici à deux ans pour vérifier que les principes sont en ligne avec les objectifs et [décider] de compléter [ou non] ce dispositif”.
Ce changement de braquet de dernière minute a changé le cours de la négociation qui s’enlisait. “Ce CDI est désormais encadré”, se sont félicités Olivier Guivarch (CFDT) et Jean-François Foucard (CFE-CGC). Même tonalité du côté Frédéric Belouze (CFTC) qui estime que “l’exonération de contribution d’assurance chômage renvoyait à l’idée que les seniors étaient des salariés low cost”. Si Sandrine Mourey (CGT) approuve cette reculade, elle pointe toutefois le maintien de l’exonération de la contribution spécifique de 30 % sur le montant de l’indemnité de mise à la retraite du titulaire de ce nouveau contrat.
Reste que ce CDI senior ne sera pas “l’alpha et l’omega mais il pourra être utile à quelques milliers de personnes”, concède Jean-François Foucard. Aucune évaluation chiffrée n’a, pour l’heure, été réalisée sur l’impact de ce nouveau contrat.
D’ailleurs, les organisations syndicales comptent avant tout sur d’autres mesures de l’accord pour faire avancer le taux d’activité des seniors. En premier lieu, ils mettent en avant l’obligation de négocier, à la fois dans les branches professionnelles et les entreprises, tous les trois ans. L’emploi des seniors constitue donc désormais une négociation dédiée, et non plus une thématique diluée dans les pourparlers sur la gestion prévisionnelle des emplois et des parcours professionnels (GEPP).
De plus, la retraite progressive, dès 60 ans, “sans condition” est également une “avancée”, souligne Olivier Guivarch. Le disposif ne concerne actuellement que 23 000 personnes. D’autant que pour Frédéric Belouze (CFTC), le refus de l’employeur doit être “justifié par écrit”, pour éviter toute décision arbitraire. Jean-François Foucard reste, toutefois plus réservé, regrettant la création d’un droit opposable. Idem pour Sandrine Mourey qui souhaitait également une évaluation de cette mesure, à l’instar de celle prévue pour le CDI senior. Une proposition rejetée par le camp patronal.
A noter également : l’instauration de deux entretiens clefs pour le salarié : à mi-carrière, en lien avec la visite médicale, dans une “logique de prévention et d‘anticipation des éventuelles situations d’usure professionnelle”. Et en dernière partie de carrière afin d’appréhender les possibilités d’aménagements de fin de carrière.
Des mesures complémentaires figurent également dans cet ANI, à savoir la mise en place d’un temps partiel de fin de carrière “compensé en tout ou partie par l’employeur” ou encore le cumul emploi retraite avec maintien du délai de carence de six mois en cas de reprise d’une activité chez le même employeur.
Mais au-delà des mesures stricto sensu, cet accord montre, pour Hubert Mongon, la solidité du paritarisme, en réussissant un coup de force : le bouclage “de trois accords nationaux interprofessionnels [en incluant l’assurance chômage et les parcours syndicaux], à l’issue d’une négociation flash, rassemblant une majorité d’avis favorables, avec des nuances”. Un avis partagé par la CFDT qui estime, par la voix d’Yvan Ricordeau, “que les partenaires sociaux “ont fait ici la démonstration que le dialogue social était le meilleur moyen pour faire avancer les sujets sociaux”.
S’il est validé par suffisamment d’organisations, cet accord devra ensuite être transposé dans un projet loi pour s’appliquer pleinement.
► Nous reviendrons plus en détail sur le projet d’accord dans notre prochaine édition.
Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH