Face à des attentes du marché en constante évolution, les organisations intensifient leurs efforts d’innovation pour s’adapter à de nouveaux besoins économiques, technologiques, écologiques et humains. Cette dynamique constante et soutenue engendre une véritable transformation des emplois et des compétences qui la soutiennent.
Et c’est peu de dire que cette transformation est majeure, sans doute comme aucune autre… D’après une récente étude de l’OCDE, près de la moitié des emplois actuels dans le monde présentent un risque d’obsolescence des compétences dans les trois prochaines années. Pis, quelque 16 % des emplois, soit un sur six, pourraient disparaitre à horizon 20 ans du fait des évolutions technologiques. D’où l’urgence pour les entreprises à agir : les compétences ne représentent plus un socle d’acquis durables à entretenir, mais un capital à constamment repenser, actualiser et repositionner vers de nouveaux emplois.
Dans ce contexte, les directions des ressources humaines (DRH) ont un rôle clé à jouer : elles sont à la fois les architectes de la transformation des compétences et les garants de l’adaptabilité des équipes face à ces bouleversements.
Pour accompagner cette révolution, les DRH doivent significativement adapter leur logiciel actuel d’accompagnement de leurs collaborateurs et focaliser sur trois actions essentielles : l’anticipation et la prédiction des compétences futures, la mise en place d’une culture d’apprentissage continue, et la gestion proactive – et individualisée – des talents.
Pour anticiper les besoins en compétences futures, les DRH doivent réaliser et s’appuyer sur une veille technologique, l’analyse des tendances sectorielles et un alignement constant avec l’ambition stratégique de l’entreprise. Cette démarche doit être itérative, effectuée de manière continue et agile, et ce au motif que les cycles longs de la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) ne permettent plus de répondre aux besoins d’adaptabilité immédiate et d’améliorations rapides. L’évolution des métiers et des compétences nécessite en effet une gestion plus flexible et dynamique, en étroite collaboration avec les directions métiers, pour ajuster les priorités de compétences sur le court terme.
Par ailleurs, pour mettre en place le plan d’actions lié à cette démarche et le déployer pour chaque métier, la direction des ressources humaines doit se poser deux questions préalables : quels profils recruter et quelles formations déployer ?
Parallèlement, la DRH doit elle-même s’interroger sur sa stratégie et son approche pour s’aligner avec la nouvelle feuille de route basée sur les compétences. Elle doit ainsi répondre à des questions comme l’entreprise doit-elle revoir la marque employeur pour attirer les compétences attendues ? La politique de formation est-elle adaptée à l’ambition ? Comment coacher les managers pour qu’ils permettent le développement idoine de leurs équipes ?
A titre d’exemple, les DRH des plus grandes banques françaises ont ainsi identifié depuis plusieurs années l’évolution des besoins par rapport aux banques de détail. Elles ont ciblé des compétences liées à l’intelligence artificielle et à la blockchain permettant une transition fluide vers des nouveaux métiers. Pour ce faire, les directions de la formation se sont dotées de véritables experts de ces sujets d’innovation et du reskilling.
Autre point fondamental pour les DRH dans l’accompagnement de leurs collaborateurs : les compétences se détachent de plus en plus de la notion d’emploi et de secteur pour devenir davantage transposables à de multiples contextes professionnels. Les compétences comportementales, telles que la gestion du changement, la collaboration ou encore la pensée critique, sont de plus en plus cruciales et recherchées. Selon le World Economic Forum, plus de 50 % des employés devront développer d’ici 2050 des soft skills pour rester performants dans leur métier. Parmi ces compétences transposables, la résilience sera également essentielle pour faire face à des environnements incertains et en perpétuelle évolution. L’intelligence émotionnelle, clé de la gestion des relations interpersonnelles multiples, sera en outre plus que jamais nécessaire pour réussir dans les situations de travail distanciel, international ou encore dans la cohabitation de plusieurs générations de collaborateurs.
Ces compétences, par nature polyvalentes, permettent aux employés de naviguer dans différents secteurs et de s’adapter rapidement à de nouvelles responsabilités.
Plus globalement, les DRH ne doivent plus uniquement accompagner aujourd’hui les hard skills (compétences techniques pratiques, savoir-faire professionnels) de leurs collaborateurs pour développer leur employabilité. Non, ils doivent accentuer le développement de ces “power skills” (ensemble de postures et de compétences comportementales et interpersonnelles) pour attirer ou retenir les meilleurs profils.
Pour inventer un nouveau paradigme d’accompagnement, les DRH vont créer un écosystème d’apprentissage fluide et omniprésent, où le développement de compétences clés est au cœur du quotidien professionnel du collaborateur. La culture de l’apprentissage continu est ainsi promue : au-delà d’actions de formation, le développement des compétences s’insère alors dans le quotidien professionnel de chacun.
Cette démarche est de plus en plus soutenue par des plateformes technologiques d’e-learning et le microlearning, qui proposent des contenus courts, ciblés et disponibles à la demande. Grâce à l’analyse des données, ces plateformes adaptent les parcours d’apprentissage aux besoins spécifiques de chaque collaborateur en fonction de ses compétences actuelles, de ses objectifs de développement, mais aussi des besoins émergents de l’entreprise. Cela permet d’offrir des formations personnalisées qui évoluent en temps réel.
Concrètement, ces solutions s’appuient sur des systèmes de recommandation intelligente, inspirés du modèle des plateformes de streaming, qui suggèrent des contenus adaptés en fonction des progrès et préférences des utilisateurs. De plus, des initiatives complémentaires telles que le mentoring et le coaching viennent renforcer l’apprentissage.
Ainsi, la personnalisation ne repose pas seulement sur la technologie, mais également sur un écosystème global qui allie supports numériques, interactions humaines, et des feedbacks continus pour maximiser l’engagement des apprenants et l’impact des formations.
C’est le cas de nombreuses sociétés industrielles qui ont développé ce type de plateforme ; concernant les compétences techniques, elles s’appuient également sur la réalité virtuelle et augmentée pour solidifier l’apprentissage.
Dans cette dynamique de transformation, les compétences critiques pour l’avenir sont au cœur des parcours de développement personnalisés, créés en tenant compte des aspirations individuelles, du potentiel de chaque collaborateur et des besoins stratégiques de l’entreprise. Cette approche permet de concevoir un plan de développement RH orienté vers la transformation continue, assurant non seulement l’adéquation des compétences aux métiers émergents mais aussi une mobilité interne renforcée et une progression des talents au sein même des équipes.
Ainsi, les évaluations régulières ne se limiteront plus à mesurer la performance sur un poste actuel, mais deviendront des outils clés pour anticiper / piloter les besoins futurs et préparer les employés aux défis à venir. Grâce à des outils d’analyse prédictive, il est désormais possible d’identifier les compétences émergentes et de personnaliser les parcours de développement de manière plus réactive et dynamique.
Beaucoup de directions RH déploient ainsi des TalentMarketplace, des plateformes internes qui permettent de connecter les collaborateurs avec des opportunités de développement au sein de l’entreprise, en fonction de leurs compétences, aspirations et des besoins émergents. Une TalentMarketplace facilite la mobilité interne en identifiant les compétences transversales et en encourageant les employés à se porter candidats pour des formations, projets ou des missions en interne, bien au-delà de leur fonction actuelle.
On le voit, la révolution des compétences ne se résume donc pas à une simple adaptation technique ou replâtrage conceptuel. Elle implique une refonte en profondeur des stratégies RH, visant à anticiper les compétences de demain, à instaurer une culture d’apprentissage continue et à gérer les talents de manière proactive et plus individualisée le tout porté par un potentiel technologique immense. Un chantier massif et exigeant qui mettra du temps à produire ses effets…
Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH