L’action en nullité de tout ou partie d’une convention ou d’un accord collectif doit, à peine d’irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois (article L.2262-14 du code du travail). Ce délai court à compter :
- de la notification de l’accord d’entreprise prévue à l’article L.2231-5 du code du travail, pour les organisations syndicales disposant d’une section syndicale dans l’entreprise : en vertu de l’article L.2231-5 précité, la partie la plus diligente des organisations signataires de l’accord (en pratique, l’employeur) en notifie le texte à l’ensemble des organisations représentatives, parties ou non à la négociation, à l’issue de la procédure de signature ;
- de la publication de l’accord dans la base de données nationale prévue à l’article L.2231-5-1 du code du travail dans tous les autres cas (article L.2262-14, 2° du code du travail).
Ce délai de deux mois n’est pas applicable lorsque la légalité d’un accord collectif est contestée par la voie de l’exception d’illégalité dans le cadre d’un litige individuel (décision du Conseil constitutionnel du 21 mars 2018).
► Dans le cas de l’action en annulation de l’accord, la nullité anéantit rétroactivement l’acte et produit ses effets à l’égard des tiers. Dans le cas de l’exception d’illégalité, l’accord ou la clause de l’accord contesté est inopposable à la partie qui a soulevé l’exception. Les conséquences de ces deux actions sont donc différentes. Notons également que le délai de prescription de deux mois prévu à l’article L.2262-14 du code du travail est sans incidence sur certains délais spécifiques prévus par le code du travail, tels que, par exemple, le délai de contestation de trois mois (à compter de la date de dépôt de l’accord) des accords fixant les modalités d’information et de consultation du CSE lorsque l’employeur envisage, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le licenciement économique d’au moins 10 salariés dans une même période de 30 jours (article L.1233-24 du code du travail).
Un arrêt récent de la Cour de cassation précise les actions en justice soumises à ce délai de forclusion. Il confirme également quel est le point de départ de ce délai lorsque l’organisation syndicale ne dispose pas de section syndicale dans l’entreprise.
En l’espèce, une entreprise à établissements multiples et sa filiale concluent chacune, les 25 mars et 5 juillet 2019, un accord collectif avec les organisations syndicales représentatives au niveau de l’entreprise. Ces accords prévoient tous deux l’octroi d’un crédit d’heures supplémentaires national au seul bénéfice de ces organisations syndicales. Ils sont publiés respectivement sur la base de données nationale, les 8 avril et 16 juillet 2019.
Par actes des 25 et 26 novembre 2019, arguant d’une inégalité de traitement, un syndicat, représentatif au niveau de certains établissements mais pas au niveau de l’entreprise, saisit le juge des référés sur le fondement du trouble manifestement illicite et lui demande :
- à titre principal, de déclarer inopposables aux organisations syndicales les conditions de représentativité prévues par les accords ;
- et, à titre subsidiaire, de suspendre leur application et d’enjoindre les entreprises de convoquer les parties intéressées afin de négocier un accord conforme au principe d’égalité entre les organisations syndicales.
Ces demandes sont jugées irrecevables, le délai pour agir en nullité des accords collectifs de deux mois étant forclos.
Considérant que ce délai n’est pas applicable à une demande d’inopposabilité ou de suspension d’un accord collectif soutenue devant le juge des référés, le syndicat se pourvoit en cassation.
Mais la chambre sociale confirme l’irrecevabilité de ces actions. Pour la Haute Juridiction, le délai de forclusion de deux mois prévu par l’article L.2262-14 du code du travail dans le cadre d’une action en nullité d’un accord collectif est également applicable à l’action en suspension ou en inopposabilité erga omnes d’un accord collectif formée devant le juge des référés, eu égard aux effets d’une telle action.
En effet, ces actions ne constituent pas une simple demande d’inopposabilité ou de suspension en raison d’un trouble manifestement illicite. Elles doivent être analysées comme étant une contestation de la validité des clauses litigieuses des accords puisqu’il était demandé au juge d’en neutraliser les effets au travers de la demande d’inopposabilité.
Le syndicat ne disposait pas de section syndicale au niveau de l’entreprise mais en avait au niveau de certains établissements. Les accords devaient-ils dès lors lui être notifiés ? Dans l’affirmative, comme le soutenait le syndicat, cette notification constitue le point de départ du délai de forclusion de deux mois. A défaut de notification, ce délai ne court pas et le syndicat était donc encore recevable à agir.
Une argumentation qui ne tient ni devant le juge des référés ni devant le Cour de cassation.
Le syndicat n’était pas représentatif au niveau de l’entreprise ; les accords d’entreprise litigieux ne devaient donc pas lui être notifiés. En outre, lors de la signature de ces accords, il ne disposait d’aucune section syndicale au niveau des entreprises. Ainsi, en vertu de l’article L.2262-14, 2°, le délai de forclusion pour agir en nullité, en suspension ou en inopposabilité erga omnes des accords courait à compter de la publication de ces accords sur la base de données nationale.
► La publication de l’accord dans la base de données nationale des accords collectifs permet en effet aux organisations syndicales n’ayant pas de présence dans l’entreprise (et ne se voyant donc pas notifier l’accord) d’avoir connaissance des accords signés dans les entreprises. Il est donc logique qu’elle fasse courir le délai de deux mois pour l’exercice de l’action en nullité.
Hors, en l’espèce, la publication des accords avait été faite respectivement plus de sept mois et plus de quatre mois avant la saisine du juge des référés. Le délai pour agir était donc largement forclos.
Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH