Inaptitude au travail : panorama de la jurisprudence des deux derniers mois


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Nous vous présentons, dans le tableau ci-après, la synthèse des solutions de la Cour de cassation rendues depuis septembre sur plusieurs points de la procédure applicable en cas d’inaptitude du salarié.

Thème Contexte et problématique Solution de la Cour de cassation
Origine professionnelle de l’inaptitude Les règles propres à l’inaptitude professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine un accident ou une maladie d’origine professionnelle et que l’employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement (jurisprudence constante).  Les règles sur l’inaptitude professionnelle s’appliquent y compris lorsqu’à la suite de l’arrêt de travail pour accident du travail, le salarié a bénéficié d’arrêts de travail de façon ininterrompue à compter de son accident du travail et a été consolidé avant son licenciement, même si l’avis d’inaptitude exclut tout accident du travail (arrêt du 18 septembre 2024).
Les juges doivent rechercher l’existence de l’origine professionnelle de l’inaptitude si le salarié en fait la demande y compris si l’inaptitude est consécutive à un arrêt maladie de droit commun et que la CPAM n’a pas reconnu l’accident du travail (arrêt du 18 septembre 2024).
Obligation de reclassement : charge de la preuve

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, il bénéficie d’un droit au reclassement. L’employeur est tenu de rechercher un autre emploi approprié aux capacités du salarié, en tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail, notamment des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise (articles L.1226-2 et L.1226-10 du code du travail). Quel type de preuves rapporter pour justifier le respect de l’obligation de reclassement ?

L’obligation de reclassement est respectée lorsque l’employeur produit un extrait du registre du personnel avec les fiches de postes pourvus pendant la phase de recherche, démontrant ainsi l’impossibilité de reclasser la salariée en interne et a consulté un nombre conséquent de sites répartis sur l’ensemble du territoire national qui avaient répondu négativement à la demande de reclassement formulée. Le salarié ne peut reprocher à l’employeur de ne pas avoir recherché dans un certain nombre de magasins en France et filiales à l’étranger sans apporter des preuves (arrêt du18 septembre 2024).
Obligation de reclassement : charge de la preuve du périmètre du reclassement Lorsqu’un salarié est déclaré inapte, l’employeur doit rechercher un autre emploi au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (articles L.1226-2 et L.1226-10 du code du travail). A qui revient la charge de la preuve de l’existence d’un groupe ? Si la preuve de l’exécution de l’obligation de reclassement incombe à l’employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l’existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties. 
Dans le  cas où l’employeur ne fournit que des informations parcellaires sur la détention du capital de sociétés alors que le salarié allègue que ces sociétés faisaient partie d’un groupe et a fait ressortir que la permutation du personnel était possible, les juges du fond peuvent en déduire que l’employeur ne justifiait pas du respect de son obligation de reclassement dans un périmètre pertinent. Il n’y a pas de méconnaissance des règles de la charge de la preuve relatives au périmètre du groupe de reclassement (arrêt du 6 novembre 2024).
Obligation de reclassement : présomption  Dès lors que l”employeur propose un reclassement au salarié déclaré inapte dans un emploi répondant aux conditions posées par l’article L.1226-2 (inaptitude non professionnelle) ou L.1226-10 (inaptitude professionnelle) du code du travail, l’obligation de reclassement est réputée satisfaite (articles L.1226-2-1 et L.1226-12 du code du travail ; arrêt du 13 mars 2024 ; arrêt du 26 janvier 2022) .Toutefois la Cour de cassation a toujours précisé que cette présomption ne joue que si l’obligation de reclassement a été exécutée loyalement (arrêt du 26 janvier 2022). Mais sur qui pèse la charge de la preuve du caractère loyal de la proposition de reclassement ? Lorsque l’employeur a proposé un emploi conforme à un salarié déclaré inapte, l’obligation de recherche de reclassement est réputée satisfaite. C ‘est au salarié de démontrer que cette proposition n’a pas été faite loyalement (arrêt du 4 septembre 2024).
Droit à l’indemnité de préavis en cas de licenciement pour inaptitude professionnelle Le salarié, licencié pour inaptitude d’origine professionnelle a droit à une indemnité compensatrice de préavis (montant de l’indemnité prévue à l’article L.1234-5 du code du travail).
Le salarié handicapé bénéficie, en cas de licenciement au doublement de la durée du préavis dans la limite de trois mois (article L.5213-9 du code du travail).
Comment s’articulent ces deux règles : le doublement du préavis du salarié handicapé licencié s’applique-t-il en cas de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle ?
L’article L.5213-9 du code du travail qui a pour but de doubler la durée du préavis en faveur des salariés handicapés, n’est pas applicable à l’indemnité compensatrice due en cas de licenciement pour inaptitude professionnelle prévue à l’article L.1226-14 (arrêt du 24 mai 2023 ; arrêt du 27 janvier 2016 ; arrêt du 16 octobre 2024).
 A titre de rappel, l’indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis, due en cas de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle, n’a pas la nature d’une indemnité de préavis et n’ouvre pas droit à congés payés (arrêt du 2 octobre 2024 ; arrêt du 16 octobre 2024).
Manquement à l’obligation de sécurité : incidence sur le licenciement Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré que l’inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée, notamment s’il a manqué à son obligation de sécurité.

 L’employeur manque à son obligation de sécurité en ne prenant aucune mesure destinée à alléger la charge de travail de la salariée, alors que les éléments suivants ont été relevés :

  • à l’occasion de l’entretien individuel relatif au forfait jours réalisé le 22 novembre 2016 la salariée avait fait part à la DRH de l’importance de sa charge de travail ; 
  • une psychologue, en charge du suivi de la salariée dès le début de son arrêt de travail avait conclu à un état de troubles anxio-dépressifs, confirmé par un psychiatre.

 Ainsi les conditions de travail avaient porté atteinte à l’intégrité physique de la salariée et entraîné une dégradation de son état de santé en lien direct avec sa déclaration d’inaptitude (arrêt du 18 septembre 2024).

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Nathalie Lebreton
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Plusieurs décisions de la Cour de cassation ont rappelé ou précisé les critères du caractère professionnel de l’inaptitude, le droit ou non à l’indemnité de préavis, l’incidence de troubles anxio dépressifs, le périmètre de l’obligation de reclassement.
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Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH