“Les pratiques de médication dangereuses et les erreurs de médication constituent une cause majeure de préjudices évitables liés aux soins de santé dans le monde entier.”, énonçait l’OMS en septembre dernier à l’occasion de la Journée mondiale de la sécurité des patients 2022. En France, la Haute Autorité de santé (HAS) s’en fait le relais en propos aux professionnels de santé une sélection d’outils et de travaux sur le sujet.
Les médicaments sans les méfaits
, tel était donc le slogan choisi par l’OMS pour sa journée mondiale de la sécurité des patients 2022 afin d’appeler l’attention sur les moyens de rendre les processus d’utilisation des médicaments plus sûrs, sans danger pour les patients, et d’inciter toutes les parties intéressées a se mobiliser en faveur du défi mondial pour faire de la sécurité médicamenteuse une priorité et remédier ainsi aux pratiques dangereuses et aux faiblesses des systèmes
. Ce d’autant que la pandémie de Covid-19 qui sévit toujours a sensiblement augmenté le risque d’erreurs de médication et de préjudices liés aux médicaments
.
Pour y remédier, l’organisation internationale préconise de se concentrer plus particulièrement sur les trois principales causes de préjudices évitables, en l’occurrence :
- les situations à haut risque, a savoir les circonstances associées à un risque important d’erreur de médication du fait des risques inhérents à certains médicaments1 ou encore des processus dangereux d’utilisation de ces médicaments dans certaines situations telles les urgences ;
- les transitions au cours de la prise en charge. Il s’agit non pas des relèves de personnels lors des transmissions mais des interfaces de soins, par exemple à l’occasion d’une admission, d’un transfert interne, d’une sortie d’hôpital, de consultations en ambulatoire…;
- la polychimiothérapie.
À noter : la polypharmacie et les médicaments différents dont l’apparence ou le nom est similaire sont également des pratiques de médication pourvoyeuses d’erreurs en la matière.
4 objectifs prioritaires
La campagne mondiale engagée vise ainsi quatre objectifs prioritaires
- Faire prendre conscience, partout dans le monde, de la charge importante que représentent les préjudices dus aux erreurs de médication et aux pratiques de médication dangereuses, et plaider pour que des mesures soient prises au plus tôt dans le but de renforcer la sécurité médicamenteuse
- Associer les parties prenantes et les partenaires à l’action menée pour éviter les erreurs de médication et limiter les préjudices qu’elles causent
- Donner les moyens aux patients et aux familles de jouer un rôle actif dans l’usage sans danger des médicaments
- Appliquer plus largement le programme de l’OMS
Sécurité des patients – un défi mondial : les médicaments sans les méfaits
Des messages clés pour les soignants
L’OMS invite en particulier les soignants du monde entier à un ensemble d’actions de prévention.
- Maintenir à jour leurs compétences en matière de pratiques sécuritaires de médication
- Engager les patients par le biais d’une prise de décision partagée à l’aide d’outils tels que les cinq moments pour la sécurité des médicaments et mettre en œuvre des actions d’information et de vérification avant de leur donner des médicaments
- Fournir des informations claires et complètes sur les médicaments à tous les membres de l’équipe clinique tout au long du processus de soins
- Signaler les incidents liés à la sécurité des médicaments, et partager et appliquer les leçons apprises avec leur équipe et leurs patients lorsque cela est possible
- Etre conscients des situations où le risque lié aux médicaments est élevé et à s’assurer que les mesures de sécurité sont suivies ;
- Mentorer les nouveaux membres de leur équipe sur les systèmes et pratiques sécuritaires de médication
En France, ce que propose la HAS
En France, dans ce contexte et à l’occasion de cette journée, la Haute Autorité de santé (HAS) propose aux professionnels de santé une sélection de ses principaux travaux et outils pouvant contribuer à une plus grande sécurisation de la prise en charge médicamenteuse
.Ces derniers portent en particulier sur :
- l’évitement des erreurs de curares par un stockage adapté ;
- la prévention des erreurs de doses en évitant les erreurs de calcul. Publiée en janvier dernier, cette fiche
met en lumière une défaillance de tous les professionnels de santé dans la maîtrise, à la dois des fondamentaux du calcul (unités de masse, de volume, de temps, conversions, concentrations, dilutions débits…) et de la règle de trois
indique la HAS qui mentionne par ailleurs d’autres fiches dédiées aux erreurs médicamenteuses, en particulier avec le potassium ou autres médicaments à risque ; - la limitation des interruptions de tâche lors de l’administration des médicaments car il s’agit bien de situations à risque d’erreurs. Sur ce sujet, la HAS met ainsi à disposition des professionnels une série d’outils : un guide, un film à visée pédagogique, un kit d’audit ainsi qu’un mode d’emploi des enseignements issus du retour d’expérience de sept régions et un 4 pages pour mieux appréhender les éléments clés ;
- la conciliation des traitements médicamenteux, une démarche de prévention et d’interception des erreurs médicamenteuses visant à garantir la continuité de la prise en charge médicamenteuse du patient dans son parcours de soins ;
- les erreurs associées aux produits de santé déclarées dans la base EIGS, médicaments en particulier ;
- l’information du patient et le respect des bonnes pratiques d’utilisation des médicaments. À ce propos, le référentiel de certification des établissements de santé met un accent particulier sur le risque lié aux médicaments2 ;
- l’auto-administration des médicaments par le patient en cours d’hospitalisation (recommandations à venir), suite notamment à la modification de la réglementation en la matière.
Enfin, la HAS précise que d’autres travaux sur cette thématique de la sécurité médicamenteuse devraient être publiés prochainement.
L’insécurité médicamenteuse en chiffres
Mal stockés, mal prescrits, mal délivrés ou encore mal administrés, les médicaments peuvent potentiellement être la source d’effets préjudiciables graves, de handicaps voire de décès pour les patients. Voici quelques repères chiffrés pour en prendre la mesure.
• 1 patient sur 20 fréquentant un établissement de santé est exposé à des dommages évitables dus à la prise de médicaments.
• À l’échelle mondiale, 4 patients sur 10 subissent des préjudices dans les structures de soins de santé primaires ou de soins ambulatoires. Les erreurs les plus importantes sont liées au diagnostic, aux prescriptions et à l’utilisation de médicaments.
• Les dommages causés par les médicaments représentent 50% de l’ensemble des préjudices évitables dans les soins médicaux.
• Les erreurs de curares représentent 11% de l’ensemble des erreurs médicamenteuses issues de la base nationale de retour d’expérience des évènements indésirables graves associés aux soins (EIGS) (parmi les erreurs liées aux produits de santé issues de cette base reçues à la HAS de mars 2017 au 31 décembre 2019).
• Les évènements indésirables liés aux médicaments représentent la troisième cause d’EIGS déclarés. Parmi ces erreurs médicamenteuses, les erreurs de doses constituent le type d’erreur le plus déclaré avec une sur-représentation de l’erreur de dose liée à un calcul incorrect (d’après le rapport annuel relatif aux EIGS de 2018).
• 42 milliards de dollars par an, c’est le coût associé aux erreurs médicamenteuses dans le monde.
Sources
https://www.has-sante.fr ; www.who.int.fr
- Par exemple anti-infectieux, injections de potassium, insulines, opioïdes et autres sédatifs, agents chimiothérapeutiques, héparine et anticoagulants…
- Voir critères 1.1-09 concernant le patient et critères 2.2-07, 2.2-03, 2.3-04, 2.3-06, 2.3-08 concernant les équipes de soins.
Pour en savoir plus
Valérie Hédef
Cet article provient du site Infirmiers.com