ENR – Mutations à titre gratuit – Successions – Tarifs et liquidation des droits – Liquidation des droits en cas de transmissions à titre gratuit successives entre les mêmes personnes


A. Principes en matière de liquidation des droits en cas de transmissions à titre gratuit successives entre mêmes personnes

1

Les donations sont soumises aux droits de mutation au même tarif que les successions. En outre, les donations successives consenties par une même personne et la transmission par décès de son patrimoine sont reliées les unes aux autres.

L’ensemble des biens transmis à titre gratuit entre les mêmes personnes fait l’objet, en principe, d’une liquidation unique des droits. Les perceptions effectuées sur les donations successives et sur la succession du donateur sont reliées les unes aux autres, en ce qui concerne les abattements, et le tarif progressif. Chaque donation est en quelque sorte assimilée, sur ces points, à une ouverture partielle et anticipée de la succession du donateur.

10

Toutefois, la portée de ces règles, dites du « rapport fiscal », a été réduite par le I de l’article 15 de la loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991 de finances pour 1992. Ce texte, entré en vigueur le 1er janvier 1992, a modifié les deuxième et troisième alinéas de l’article 784 du code général des impôts (CGI) de façon à ne plus tenir compte, pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, des donations passées depuis plus de dix ans.

L’article 8 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 a réduit de dix à six ans le délai au-delà duquel les donations antérieures sont dispensées de rapport fiscal. Cette mesure s’applique aux successions ouvertes et aux donations consenties à compter du 1er janvier 2006.

20

L’article 7 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 a porté de six à dix ans le délai au-delà duquel les donations antérieures sont dispensées de rapport fiscal.

Pour les donations passées dans les dix années précédant l’entrée en vigueur de la loi, soit avant le 31 juillet 2011, il était toutefois prévu un dispositif progressif d’application du rapport fiscal. Ainsi, il y a lieu d’appliquer sur la valeur des biens ayant fait l’objet d’une donation entre le 31 juillet 2001 et le 31 juillet 2005 et donnant lieu à rappel fiscal, un abattement variable en fonction de l’ancienneté de la donation rapportable.

Remarque : Des précisions sur ce dispositif ainsi que des exemples d’application peuvent être consultés dans les versions précédentes du présent document accessibles à partir de l’onglet « Versions Publiées ».

25

L’article 5 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 a supprimé le dispositif dit de « lissage » à compter du 17 août 2012 et porté de dix à quinze ans le délai au-delà duquel les donations antérieures sont dispensées de rapport fiscal.

B. Transmissions concernées par le rapport fiscal

30

Les obligations imposées aux parties par l’article 784 du CGI concernent toutes les donations antérieures consenties par le défunt aux héritiers, donataires ou légataires, quelle que soit la forme dans laquelle ces donations ont été constatées. Elles s’appliquent notamment aux dons manuels (I § 10 et suivants du BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10).

40

L’obligation du rapport fiscal prévu à l’article 784 du CGI concerne également les biens situés hors de France lorsque le donateur ou le défunt est domicilié en France. Toutefois, compte tenu de l’entrée en vigueur au 1er janvier 1977 des dispositions de l’article 750 ter du CGI (BOI-ENR-DMTG-10-10-30) l’obligation du rapport fiscal ne s’applique pas aux libéralités portant sur des biens corporels situés hors de France et ayant fait l’objet d’un acte ayant date certaine avant le 1er janvier 1977. En revanche, elle s’applique aux autres libéralités et notamment aux dons manuels (I § 10 et suivants du BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10), quelle que soit leur date, dès lors que la nouvelle libéralité ou le décès du donateur est postérieur au 31 décembre 1976.

Par ailleurs, l’obligation de rappeler les donations antérieures est limitée aux seules libéralités consenties par le donateur au nouveau donataire.

C. Obligations déclaratives des parties en cas de transmissions à titre gratuit successives entre mêmes personnes

50

Aux termes du premier alinéa de l’article 784 du CGI, les parties sont tenues de faire connaître, dans tout acte constatant une transmission entre vifs à titre gratuit et dans toute déclaration de succession, s’il existe ou non des donations antérieures consenties à un titre et sous une forme quelconque par le donateur ou le défunt aux donataires, héritiers ou légataires et, dans l’affirmative, le montant de ces donations ainsi que, le cas échéant, les noms, qualités et résidences des officiers ministériels qui ont reçu les actes de donations, et la date de l’enregistrement de ces actes.

Le montant des insuffisances d’évaluation reconnues sur les donations antérieures doit être indiqué.

Si aucune donation antérieure n’a été consentie, les parties sont tenues de le préciser.

En ce qui concerne les transmissions à titre gratuit entre vifs (ou à cause de mort) comprenant des biens mentionnés :

A. Champ d’application du rapport fiscal pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit

60

L’article 5 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 porte de dix à quinze ans le délai au-delà duquel les donations antérieures sont dispensées de rapport fiscal.

Dès lors, pour les successions ouvertes et les donations consenties à compter de la publication de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, les donations consenties depuis moins de quinze ans avant la nouvelle mutation à titre gratuit et les donations plus anciennes n’ayant pas été sujettes aux droits de mutation à titre gratuit demeurent rapportables.

Lorsqu’ils n’ont pas été soumis aux droits de mutation au titre de l’article 757 du CGI, les dons manuels consentis aux héritiers du donateur deviennent imposables en raison du décès de ce dernier, en vertu de l’obligation de rapport des donations antérieures entre les mêmes personnes prévue à l’article 784 du CGI. Par un arrêt du 31 mars 2004, la Cour de cassation a jugé que les droits alors exigibles constituaient des droits de mutation par décès. Il s’ensuit que l’ensemble des textes relatifs aux droits de succession leurs sont applicables, et notamment les règles de solidarité entre cohéritiers prévues par l’article 1709 du CGI (Cass. com., arrêt du 31 mars 2004, n° 02-10.578).

Il convient de rappeler que lorsqu’une personne désire procéder à une transmission de son patrimoine au moyen de donations successives, il ne peut pas choisir la donation sur laquelle l’abattement sera imputé et renoncer au bénéfice de l’abattement lors d’une première donation pour le reporter sur une donation ultérieure consentie avant l’expiration du délai de dix ans (RM Valleix n° 39457, JO AN du 5 juin 2000, p. 3418).

Pour les donations passées dans les dix années précédant l’entrée en vigueur de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, soit avant le 31 juillet 2011 et jusqu’à la date de publication de loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, un dispositif progressif d’application du rapport fiscal est applicable (I-A § 20).

B. Définition du rapport fiscal pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit

70

Lorsqu’une mutation à titre gratuit entre vifs ou par décès a été précédée de donations consenties par le même donateur ou le défunt au même bénéficiaire, la perception est effectuée en ajoutant à la valeur des biens compris dans la donation ou la déclaration de succession celle des biens qui ont fait l’objet de donations antérieures, à l’exception de celles passées depuis plus de quinze ans, et, lorsqu’il y a lieu à application d’un tarif progressif, en considérant ceux de ces biens dont la transmission n’a pas encore été assujettie au droit de mutation à titre gratuit comme inclus dans les tranches les plus élevées de l’actif imposable (CGI, art. 784, al. 2).

Les perceptions effectuées sur les donations successives consenties par une personne et sur la déclaration de sa succession sont donc reliées les unes aux autres non par les droits liquidés mais par l’actif imposable. Ainsi, la transmission de l’ensemble du patrimoine d’une personne est taxée de la même manière que si ce patrimoine avait fait l’objet d’une mutation par décès.

80

Pour l’application de l’article 784 du CGI, il est tenu compte de la valeur du bien au jour de la donation.

Remarque : Toutefois, dans le cas de révélation spontanée d’un don manuel avec option de déclaration dans le mois qui suit le décès du donateur, les droits sont calculés sur la valeur du don manuel au jour de sa déclaration ou de son enregistrement ou sur sa valeur au jour de la donation si elle est supérieure (CGI, art. 635 A et CGI, art. 757 ; I-D § 190 à 210 du BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10).

En matière de droits de mutation à titre gratuit, la valeur imposable des biens transmis est constituée par leur valeur vénale au jour du fait générateur de l’impôt. S’agissant des dons manuels, il résulte des dispositions de l’article 757 du CGI que le fait générateur des droits est constitué soit par l’acte renfermant la déclaration de ce don par le donataire ou ses représentants, soit par sa reconnaissance judiciaire, soit enfin par sa révélation à l’administration par le donataire. En application des dispositions de l’article 784 du CGI, la réintégration à l’actif de succession des dons manuels de sommes d’argent se fait pour la valeur nominale de la somme donnée, sans réévaluation et sans tenir compte des éventuels emplois effectués avec cette somme. En effet, l’article 784 du CGI précise que c’est la valeur des biens compris dans la donation antérieure qui est ajoutée à celle des biens objets de la nouvelle mutation à titre gratuit. Or, s’agissant d’un don manuel de sommes d’argent, celui-ci, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. Com., arrêt du 20 octobre 1998, n° 1676) ne peut être rapporté que pour son montant nominal (RM Dassault n° 25515, JO Sénat du 15 mars 2007, p. 592).

Lorsque le don manuel non déclaré et rappelé fiscalement à la succession porte sur une somme d’argent, il ne peut être tenu compte de l’usage que le donataire a pu faire de la somme donnée. Ainsi, c’est à bon droit qu’un tribunal évalue l’actif à réintégrer dans une succession au titre d’un don manuel, rapporté en application des dispositions de l’article 784 du CGI, au montant du chèque remis par le donateur et non à la valeur du bien acquis avant le décès du donateur, grâce à ce chèque par le bénéficiaire (Cass. com., arrêt du 20 octobre 1998, n° 96-20.960).

En l’espèce, la libéralité en cause avait été accomplie au moyen de la remise d’un chèque, quelques jours seulement avant le décès du donateur. La somme d’argent donnée avait aussitôt servi à l’acquisition d’un véhicule, dont la valeur avait subi, selon le contribuable, une décote immédiate de 10 %. La Cour considère que c’est le montant de la somme donnée qui devait être pris en compte, et non la valeur du bien acquis.

90

Cette règle « du rapport fiscal » des donations antérieures ne doit pas être confondue ni dans sa nature, ni dans ses effets, avec celle du rapport des donations qui résulte de l’article 843 du code civil (C. civ.) (II-A-1-a § 70 du BOI-ENR-DMTG-10-50-10). Il est souligné que ses effets sont favorables aux héritiers, notamment dans le cas où la donation a été faite à une époque où l’abattement utilisé était inférieur à son niveau actuel. Dans ce cas, en effet, le supplément d’abattement résultant du relèvement intervenu depuis la donation précédente ne se trouve pas amputé ou épuisé par l’accroissement de la valeur du bien depuis la donation et bénéficie par conséquent entièrement aux héritiers.

C. Conséquences du rapport fiscal sur la liquidation des droits

1. Considérations générales

100

La somme des perceptions successives n’est pas toujours égale au montant de l’impôt qui aurait été exigible si la perception avait été effectuée globalement lors de la dernière mutation, car chaque transmission ne cesse pas d’être considérée comme un fait générateur particulier :

  • la liaison entre les transmissions successives est fondée sur l’actif imposé (compte tenu des reconnaissances d’insuffisance d’évaluation ; I-C § 50) lors de l’enregistrement de la mutation rappelée (sous réserve toutefois des règles exposées au II-D § 140 et au III § 150 et suivants) et non sur la valeur actuelle des biens antérieurement donnés ;
  • les perceptions sont établies sans que soient remises en cause les perceptions antérieures en cas de changement de tarif.

2. Incidence du rapport fiscal sur l’application des abattements

110

Pour le calcul des abattements édictés par l’article 779 du CGI, par l’article 790 B du CGI, par l’article 790 D du CGI, par l’article 790 E du CGI et par l’article 790 F du CGI, il est tenu compte de ceux effectués sur les donations antérieures consenties par la même personne au même bénéficiaire (CGI, art. 784, al. 3).

L’abattement dont chaque ayant droit est susceptible de bénéficier lors d’une mutation doit donc être calculé sous déduction de celui dont il a déjà pu bénéficier lors de donations antérieures à lui faites par la même personne depuis moins de quinze ans.

Lorsqu’un bénéficiaire est appelé à une succession par l’effet de la représentation, il convient de tenir compte, pour déterminer le montant de l’abattement restant disponible, des abattements dont son auteur a pu bénéficier antérieurement en raison de transmissions provenant du même disposant.

120

Le montant de l’abattement susceptible d’être pratiqué doit être déterminé, pour chaque transmission, d’après la législation en vigueur à l’époque où elle a lieu, sans que les perceptions antérieures puissent être remises en cause.

L’article 32 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 a supprimé la réduction de droits pour charges de famille prévue à l’article 780 du CGI, pour les successions ouvertes et les donations effectuées à compter du 1er janvier 2017. Des précisions sur ce dispositif figurent dans la version du présent document publiée le 21 avril 2016, consultable à partir de l’onglet « Versions publiées ».

(130)

D. Conséquences du rappel fiscal sur le délai de reprise

140

L’article L. 181 B du livre des procédures fiscales (LPF) prévoit que la valeur des biens faisant l’objet de donations antérieures et ajoutée à la valeur des biens compris dans une donation ou une déclaration de succession en vertu du deuxième alinéa de l’article 784 du CGI peut, pour l’application de ce même alinéa seulement, être rectifiée. Le second alinéa de l’article L. 181 B du LPF modifié par l’article 24 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, prévoit également que la valeur des biens ayant fait l’objet des donations antérieures dont il est tenu compte pour l’application du quatrième alinéa de l’article 793 bis du CGI peut, pour la seule appréciation des limites mentionnées aux deuxième et troisième alinéas de l’article 793 bis du CGI, être rectifiée.

Ainsi, il en résulte que l’administration est en droit de rectifier la valeur des biens ayant fait l’objet d’une donation antérieure, mais pour les seuls besoins du rappel fiscal. Cette mesure permet ainsi de rectifier la valeur des biens antérieurement transmis pour la liquidation des droits à acquitter au titre d’une nouvelle transmission à titre gratuit.

La procédure de rectification concerne donc la donation ou la déclaration de succession dans laquelle a été rappelée la donation antérieure de moins de quinze ans, et non cette dernière.

Il en résulte que le délai de reprise de l’administration n’est pas indirectement rallongé à raison de la donation concernée.

En conséquence, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’au 31 décembre de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle a été enregistré l’acte ou la déclaration dans lequel est rappelée la donation antérieure.

À défaut de déclaration de succession déposée, le délai de prescription précité expire au 31 décembre de la sixième année suivant celle du décès, conformément aux dispositions de l’article L. 186 du LPF.

150

Les donations régulièrement enregistrées depuis plus de quinze ans, sous les conditions précisées au III-A § 160 et suivants, ne sont pas rapportées aux donations réalisées ou aux successions ouvertes à compter de la publication de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

En conséquence, un donataire ayant bénéficié d’une donation en N-15 et pour laquelle son abattement personnel a été utilisé, peut recevoir du même donateur une nouvelle donation ou des droits successoraux en N en bénéficiant à nouveau de son abattement personnel, et des tranches les plus basses du barème.

Remarque 1 : S’agissant des donations réalisées ou des successions ouvertes entre le 1er janvier 1992 et le 31 décembre 2005, le délai est de dix ans. Le délai est de six ans s’agissant des donations réalisées ou des successions ouvertes entre le 1er janvier 2006 et le 30 juillet 2011.

Remarque 2 : Par exception, les donations de moins de quinze ans consenties aux petits-enfants en application de l’article 1078-4 du C. civ. ne sont pas rapportables dans la succession de leur père ou mère (CGI, art. 776 ter). En conséquence, la donation faite par l’aïeul à un petit-enfant moins de quinze ans avant le décès de l’enfant qui y a consenti n’étant pas fiscalement rapportable dans la succession de ce dernier, les biens reçus par le petit-enfant ne seront pas pris en compte pour le calcul des droits de succession de l’enfant qui a consenti à la donation-partage. Cette disposition ne concerne que les donations-partages dans lesquelles les parents consentent à ce que leurs enfants soient désignés comme bénéficiaires en leurs lieu et place. Il est rappelé que seules les donations-partages ayant été régulièrement soumises aux droits de mutation à titre gratuit peuvent bénéficier de cette disposition.

A. Champ d’application de la dispense du rapport fiscal

160

Seules sont dispensées du rapport fiscal, pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, les mutations qui répondent, cumulativement, aux critères suivants.

1. La mutation antérieure doit avoir été effectuée par voie de donation et soumise aux droits d’enregistrement

a. Bénéfice de la mesure réservé aux actes constituant de véritables donations

170

Les donations sont des actes à titre gratuit par lesquels un donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte (C. civ., art. 894).

Sont donc susceptibles d’être exclues du rappel fiscal :

  • les donations passées devant notaires y compris les donations-partages, c’est-à-dire les donations effectuées conformément aux dispositions de l’article 931 du C. civ. selon lesquelles les actes portant donation doivent être passés devant notaire ;
  • les donations résultant d’actes sous seing privé qui comportent notamment l’acceptation du donataire. À cet égard, il est précisé que la simple reconnaissance d’un don manuel par le donateur, qui ne peut donner lieu au paiement des droits de mutation, n’est pas susceptible d’être considérée comme une donation ouvrant droit au bénéfice du non-rappel.

b. La donation doit être opposable à l’administration

180

Le non-rappel des donations n’est susceptible de s’appliquer qu’aux seules donations opposables à l’administration conformément aux dispositions de l’article 1377 du C. civ.. Par hypothèse, ces donations sont celles qui ont été présentées à la formalité de l’enregistrement et soumises aux droits de donation.

À cet égard, il est rappelé que les donations passées par actes notariés doivent être enregistrées dans le mois de leur date (CGI, art. 635, 1-1°).

Pour les actes rédigés sous seing privé, ils devront avoir fait l’objet d’une présentation volontaire à la formalité de l’enregistrement par le donataire pour acquérir date certaine et pour bénéficier de la règle du non-rappel.

Il en va de même pour les donations constatées par une décision de justice ayant acquis autorité de chose jugée.

190

La circonstance que l’acte de donation ne donne pas lieu à la perception immédiate de droits de mutation à titre gratuit, notamment du fait que le montant cumulé des biens donnés par le donateur au donataire soit inférieur au montant des abattements personnels dont bénéficie ce dernier n’est pas de nature à priver cet acte du non-rappel lors d’une nouvelle transmission qui interviendra plus de quinze ans après la présentation de cet acte à l’enregistrement.

2. La donation doit avoir été passée plus de quinze ans avant la nouvelle transmission à titre gratuit

200

Sous réserve de l’exception visée à l’article 776 ter du CGI concernant les donations consenties aux petits-enfants en application de l’article 1078-4 du C. civ. (voir remarque 2 au III § 150), la règle du non-rappel est subordonnée à la condition que la donation précédente ait été passée au moins quinze ans avant la nouvelle mutation à titre gratuit.

Cette condition implique que le délai soit compté à partir du jour ou la donation a acquis date certaine.

Dès lors, le délai de quinze ans court du jour de la signature de l’acte par les parties lorsque l’acte est rédigé en la forme notariée. En effet, l’acte authentique est celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été rédigé et avec les solennités requises (C. civ., art. 1317). Or, l’acte authentique fait pleine foi de la convention qu’il renferme et, notamment, de sa date vis-à-vis des tiers avant même d’être soumis à l’enregistrement (C. civ., art. 1319) (Cass. Civ., arrêt du 9 mai 1974, Bull. Civ. II, n° 160).

Par ailleurs, il court :

  • du jour de l’enregistrement de l’acte s’il s’agit d’un acte sous seing privé. En effet, seul l’enregistrement donne date certaine aux actes sous seing privé à l’égard des tiers (C. civ., art. 1377) ;
  • du jour de la décision ayant acquis autorité de la chose jugée qui constate la donation (C. civ., art. 1355) ;

210

Le délai de quinze ans se décompte de quantième à quantième selon les règles de calcul des délais applicables en matière de droits d’enregistrement.

220

Les dons manuels simplement révélés au cours d’une procédure de contrôle ne peuvent être pris en compte, pour l’application de la règle du non-rappel des donations, qu’à compter de la date à laquelle ils sont volontairement présentés à la formalité de l’enregistrement (RM Sauvadet n° 6251, JO AN du 21 février 1994, p. 887).

B. Conséquences de la dispense du rapport fiscal

230

La dispense de rappel des donations antérieures de plus de quinze ans emporte des conséquences sur l’application des abattements et du barème d’imposition.

En effet, lorsque la précédente donation est antérieure de plus de quinze ans, les abattements et les tranches inférieures du barème progressif seront appliqués comme si aucune donation n’avait été effectuée précédemment.

1. Conséquences de la dispense du rapport fiscal sur l’application des abattements

240

La règle du non-rappel fiscal des donations permet aux donataires et aux héritiers de bénéficier à nouveau, pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit dus à raison de la nouvelle transmission, des abattements à la base prévus à l’article 779 du CGI, à l’article 790 B du CGI, à l’article 790 D du CGI, à l’article 790 E du CGI et à l’article 790 F du CGI :

  • abattement en ligne directe (CGI, art. 779, I) ;
  • abattement en faveur des personnes handicapées (CGI, art. 779, II) ;
  • abattement entre frères et sœurs (CGI, art. 779, IV) ;
  • abattement en faveur des neveux et nièces (CGI, art. 779, V) ;
  • abattement en faveur de donations aux petits-enfants (CGI, art. 790 B) ;
  • abattement en faveur de donations aux arrière-petits-enfants (CGI, art. 790 D) ;
  • abattement en faveur de donations entre époux (CGI, art. 790 E) ;
  • abattement en faveur de donations entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité (CGI, art. 790 F) ;
  • abattement en faveur des donations de fonds artisanaux, de fonds de commerce, de fonds agricoles ou de clientèle d’une entreprise individuelle ou de parts ou actions de société consenties au personnel d’une entreprise (CGI, art. 790 A, I).

En revanche, l’abattement applicable à défaut d’autre abattement (CGI, art. 788, IV) ne s’applique qu’en matière de succession. Il ne peut donc s’appliquer qu’une seule fois.

2. Conséquences de la dispense du rapport fiscal sur l’application du barème progressif

250

Pour le calcul des droits de donation ou de succession, intervenant plus de quinze ans après une ou plusieurs donations antérieures, le non-rappel fiscal des donations permet aux héritiers ou légataires de bénéficier d’une nouvelle liquidation des droits de mutation à titre gratuit en fonction des premières tranches du barème d’imposition (CGI, art. 777).

(260)

270

La liquidation des droits s’effectue de la façon suivante, étant observé que des donations effectuées depuis plus de quinze ans, et donc non rapportables, peuvent dans certaines situations avoir des incidences sur le calcul des droits.

A. Cas général

1. Calcul de l’abattement imputable

280

L’abattement doit être calculé sous déduction du seul montant de l’abattement ou de la fraction d’abattement dont le donataire, l’héritier ou le légataire a effectivement bénéficié lors des donations consenties par la même personne au cours des quinze dernières années.

Dès lors, le montant de l’abattement ou de la fraction de l’abattement qui a été appliqué lors de donations passées depuis plus de quinze ans n’est pas déduit de l’abattement applicable au jour de la nouvelle transmission à titre gratuit.

Exemple : Le 10 juin 1999, M. X donne à son fils par acte notarié la somme de 100 000 F (15 245 €). Cette première donation ne donne pas lieu à perception de droits, étant couverte par l’abattement alors en vigueur de 300 000 F (45 735 €).

Le 3 février 2003, M. X donne à son même fils par acte notarié la somme de 50 000 €. En raison de la donation effectuée moins de dix ans auparavant (délai de rapport fiscal alors applicable), seul peut être utilisé le solde de l’abattement alors en vigueur de 46 000 €, soit 30 755 €, le surplus étant taxable.

Le 28 janvier 2015, M. X donne à son même fils un studio d’une valeur de 120 000 €. Seule la fraction de l’abattement utilisé en 2003, soit 30 755 € doit être déduite de l’abattement de 100 000 €. Ainsi, même non rapportable, l’existence d’une donation passée depuis plus de quinze ans peut avoir une incidence sur la liquidation des droits de mutation à titre gratuit.

2. Calcul des droits résultant de l’application du tarif

290

Pour l’application du tarif, la part taxable de la nouvelle transmission à titre gratuit devra être soumise (exemples au IV-B § 310) :

  • en priorité, aux taux des tranches les plus basses pour la fraction correspondant à la part qui a été taxée dans le cadre de donations consenties depuis plus de quinze ans ;
  • pour le surplus, en considérant que cette fraction est incluse dans les tranches les plus élevées du barème de l’actif imposable.

En d’autres termes, il convient de suivre la méthode suivante :

  • les tranches les plus basses qui n’ont pas servi pour l’imposition des donations passées depuis moins de quinze ans sont utilisées en priorité ;
  • les tranches qui ont totalement servi pour l’imposition des donations de moins de quinze ans ne sont pas utilisées ;
  • les tranches qui ont été partiellement utilisées dans ce même délai sont reprises pour leur solde ;
  • au-delà, le tarif s’applique normalement.

(300)

B. Incidence du rappel civil des donations sur la liquidation des droits

310

En cas de donations successives, la liquidation des droits a pour base l’actif successoral net recueilli. Les parts héréditaires peuvent toutefois différer selon le mode de rapport civil des donations adopté par les héritiers (II-A-1-a § 70 et 80 du BOI-ENR-10-50-10).

Exemple 1 : Cet exemple présente la liquidation des droits pour chaque héritier après rappel civil d’une donation antérieure.

1/ M. X a deux fils, M. A et M. B. Le 14 juin 2003, M. X a donné à son fils A en avancement d’hoirie la somme de 130 000 €. Soit la liquidation de la donation suivante :

  • montant de la donation : 130 000 € ;
  • abattement personnel : 46 000 € ;
  • masse taxable : 84 000 € ;
  • montant des droits réglés en 2003 : (7 600 € x 5 %) + (3 800 € x 10 %) + (3 600 € x 15 %) + (69 000 € x 20 %) = 15 100 €.

Remarque : Le barème appliqué est celui en vigueur au moment de la première donation le 14 juin 2003.

2/ M. X décède le 15 mars 2015. Il laisse un actif net successoral de 430 000 €. A rapporte la donation reçue pour 130 000 €, soit un total de 560 000 € revenant à chacun des deux enfants pour 280 000 €.

Liquidation des droits dus par A :

En raison de la donation antérieure, la part de A dans la succession de son père s’élève à 150 000 € (280 000 € – 130 000 €) :

  • abattement personnel : 54 000 € [soit abattement en ligne directe applicable à compter du 17 août 2012 (100 000 €) – abattement utilisé lors de la première donation (46 000 €)] ;
  • masse taxable : 96 000 € ;
  • montant des droits à payer : [(8 072 € – 7 600 € [barème applicable au moment de la première donation le 14 juin 2003]) x 5 %] + [(4 037 € – 3 800 €) x 10 %] + [(3 823 € – 3 600 €) x 15 %] + (95 068 € x 20 %) = 19 094 €.

Liquidation des droits dus par B :

B, qui n’a reçu antérieurement aucune donation, recueille lors de la succession l’intégralité de sa part héréditaire, soit 280 000 € :

  • abattement personnel : 100 000 € (totalité de l’abattement en ligne directe applicable à compter du 17 août 2012) ;
  • masse taxable : 180 000 € ;
  • montant des droits à payer par B lors du dépôt de la déclaration de succession : (8 072 € x 5 %) + (4 037 € x 10 %) + (3 823 € x 15 %) + (164 068 € x 20 %) = 34 194 €.

Remarque : Si la donation avait été consentie à A plus de 15 ans avant le décès de M. X, la répartition des parts héréditaires aurait été la même, mais A aurait bénéficié sur sa part de 150 000 € de l’intégralité de l’abattement et des tranches applicables en 2015.

Exemple 2 : Cet exemple présente la liquidation des droits pour chaque héritier après rappel civil d’une donation antérieure, dans le cas particulier d’un excédent de rapport (II-A-1-a § 80 du BOI-ENR-10-50-10).

M. X a deux fils, M. A et M. B. Le 14 juin 2003, M. X a donné à son fils A en avancement d’hoirie la somme de 300 000 €. Soit la liquidation de la donation suivante :

  • montant de la donation : 300 000 € ;
  • abattement personnel : 46 000 € ;
  • masse taxable : 254 000 € ;
  • montant des droits à payer : (7 600 € x 5 %) + (3 800 € x 10 %) + (3 600 € x 15 %) + (239 000 € x 20 %) = 49 100 €.

Remarque : Le barème appliqué est celui en vigueur au moment de la première donation le 14 juin 2003.

M. X décède le 15 mars 2015. Il laisse un actif net successoral de 260 000 €. A rapporte la donation reçue pour 300 000 €, soit un total de 560 000 €, revenant à chacun des deux enfants pour 280 000 €.

Liquidation des droits dus par A :

En raison de la donation antérieure, A ne recueille rien lors de l’ouverture de la succession de son père. Il a reçu un excédent de 20 000 € qui ont été taxés en 2003.

Liquidation des droits dus par B :

B, qui n’a reçu antérieurement aucune donation, recueille lors de la succession l’intégralité de sa part héréditaire, soit 280 000 €.

Il est admis de déduire de sa part l’excédent touché par son frère, qui a déjà été taxé en 2003, soit :

  • masse taxable : 260 000 € ;
  • abattement personnel : 100 000 € (soit la totalité de l’abattement en ligne directe applicable à compter du 17 août 2012) ;
  • masse taxable : 160 000 € ;
  • montant des droits à payer par B lors du dépôt de la déclaration de succession : (8 072 € x 5 %) + (4 037 € x 10 %) + (3 823 € x 15 %) + (144 068 € x 20 %) = 30 194 €.

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