ENR – Mutations à titre gratuit de meubles ou d’immeubles – Successions – Champ d’application des droits de mutation par décès – Exonérations en raison de la nature des biens transmis – Monuments historiques ouverts au public détenus par le biais d’une société civile


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Le bénéfice de l’exonération de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) prévue à l’article 795 A du code général des impôts (CGI) en faveur des monuments historiques ouverts au public (BOI-ENR-DMTG-10-20-30-60) est applicable, sous conditions, aux parts de sociétés civiles représentatives de ces biens.

Ce régime a pour objet d’établir une égalité de traitement entre les propriétaires de monuments historiques ouverts au public, que ces derniers soient détenus directement ou au travers de sociétés civiles.

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En conséquence, l’exonération des DMTG prévue par les deux premiers alinéas de l’article 795 A du CGI et la convention type publiée en annexe au décret n° 2023-103 du 16 février 2023 pris pour l’application du 1° ter du II de l’article 156 du code général des impôts et de l’article L. 143-2 du code du patrimoine et portant remplacement de la convention type prévue par l’article 795 A du code général des impôts (BOI-LETTRE-000117) s’appliquent, dans les mêmes conditions, aux mutations à titre gratuit (donations et successions) de parts de sociétés civiles qui détiennent en pleine propriété et gèrent des monuments historiques, sous réserve des dispositions suivantes.

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L’exonération prévue en faveur des parts de sociétés civiles représentatives de monuments historiques ne s’applique qu’à concurrence de la fraction de la valeur nette des parts qui correspond aux biens figurant dans la convention signée avec l’État conformément au quatrième alinéa de l’article 795 A du CGI.

Dès lors, pour déterminer la fraction de la valeur des parts de la société civile ouvrant droit au bénéfice de l’exonération de DMTG, il conviendra de procéder à une ventilation de la valeur vénale des parts de la société entre :

  • d’une part, la fraction correspondant aux biens exonérés ;
  • et, d’autre part, la fraction correspondant aux autres biens.

A. Conditions relatives à la société civile

1. Détention en pleine propriété et gestion d’un monument historique par une société civile présentant un caractère familial

25

La société civile doit détenir en pleine propriété et gérer un monument historique tel que défini à l’article 795 A du CGI.

30

En application du troisième alinéa de l’article 795 A du CGI, cette société doit présenter un caractère familial.

L’exonération n’est applicable qu’aux parts de sociétés constituées uniquement entre des personnes parentes en ligne directe (grands-parents, parents, enfants, petits-enfants, etc.) ou entre frères et sœurs, leurs conjoints et, le cas échéant, les enfants de ces différentes personnes.

Le caractère familial de la société civile doit être permanent. La totalité des parts de la société doit donc rester la propriété des membres de la famille tels que décrits au présent II-A-1 § 30 ou de leurs descendants.

2. Imposition des revenus de la société civile dans la catégorie des revenus fonciers

40

Les revenus de la société civile doivent être imposés dans la catégorie des revenus fonciers.

Cette disposition limite la portée de l’exonération aux sociétés qui exercent des activités purement civiles non soumises à l’impôt sur les sociétés. Toutefois, la tolérance permettant de ne pas soumettre à l’impôt sur les sociétés les sociétés civiles dont le montant hors taxe des recettes de nature commerciale n’excède pas 10 % du montant des recettes totales hors taxe s’applique aux sociétés gestionnaires de monuments historiques.

3. Conclusion entre la société civile et le ministre chargé de la culture d’une convention à durée indéterminée après avis conforme du directeur régional ou départemental des finances publiques compétent

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La société civile doit avoir conclu avec le ministre chargé de la culture, après avis conforme du directeur régional ou départemental des finances publiques compétent, la convention à durée indéterminée mentionnée à l’article 795 A du CGI (BOI-ENR-DMTG-10-20-30-60 et I-B § 60 du BOI-SJ-AGR-50-40).

Remarque : Conformément aux dispositions de l’article 294 C de l’annexe II au CGI, le préfet de région du lieu de situation du bien est l’autorité administrative compétente mentionnée au premier alinéa et au c de l’article 795 A du CGI, dans sa rédaction issue de l’article 26 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, pour conclure la convention précitée.

À cet égard, l’engagement de la société civile résulte de la signature du ou des gérants de la société agissant en conformité avec leurs pouvoirs.

Cette convention doit être obligatoirement souscrite antérieurement à la mutation à titre gratuit pour laquelle le bénéfice du régime d’exonération est demandé ou, au plus tard, dans le délai légal de présentation de l’acte de donation ou de la déclaration de succession à la formalité de l’enregistrement. Il n’est donc pas nécessaire que celle-ci ait été souscrite lors de la constitution de la société civile. La procédure relative à la demande de convention, à son instruction et à la décision qui en résulte s’effectue selon les mêmes modalités que celles prévues en matière de détention directe de monuments historiques (I-C § 120 à 160 du BOI-SJ-AGR-50-40).

B. Conditions relatives au porteur des parts de la société civile

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En application du a de l’article 795 A du CGI, l’exonération ne peut s’appliquer qu’aux parts détenues depuis plus de deux ans par le donateur ou le défunt lorsque celui-ci les a souscrites ou acquises à titre onéreux.

C. Conditions relatives aux bénéficiaires de la transmission

1. Prise d’engagement par les bénéficiaires de la mutation à titre gratuit d’adhérer à la convention signée entre la société civile et le ministre chargé de la culture après avis conforme du directeur régional ou départemental des finances publiques compétent

70

En application du c de l’article 795 A du CGI, les bénéficiaires de la mutation à titre gratuit doivent prendre l’engagement d’adhérer à la convention mentionnée à l’article 795 A du CGI qui aura été signée entre la société civile et le ministre chargé de la culture après avis conforme du directeur régional ou départemental des finances publiques compétent.

Lorsqu’un partage est intervenu avant la liquidation des DMTG, cette obligation n’incombe qu’aux attributaires des parts représentatives des monuments historiques qui demandent le bénéfice de l’exonération.

Cette condition d’engagement est considérée comme remplie par la remise au service des impôts compétent pour enregistrer l’acte de donation ou la déclaration de succession, dans les délais prévus pour cet enregistrement, de la copie de la demande d’adhésion du bénéficiaire de la mutation à titre gratuit à ladite convention.

2. Obligation de conservation des parts de la société civile par le donataire, héritier ou légataire pendant un délai de cinq ans à compter de la date de la transmission à titre gratuit

80

En application du b de l’article 795 A du CGI, les parts de la société civile doivent rester la propriété du donataire, héritier ou légataire pendant un délai de cinq ans à compter de la date de la transmission à titre gratuit.

Cette condition impose au bénéficiaire de la mutation à titre gratuit un délai de détention de cinq années avant de pouvoir céder à titre onéreux ou donner les parts reçues à un membre du groupe familial.

Cela étant, lorsque les héritiers, légataires ou donataires sont en indivision sur les parts ayant bénéficié de l’exonération, les cessions de droits indivis et les partages qui interviennent entre les membres de l’indivision ne sont pas considérés comme translatifs de propriété quand bien même ils entraîneraient la sortie d’un ou plusieurs co-indivisaires. Les co-indivisaires, cessionnaires dans le cas de la cession de droits indivis, ou dont les droits se seront accrus dans le cas du partage entre membres de l’indivision, se trouvent subrogés aux engagements solidaires de respect de la convention signée par l’ensemble des ayants droit à titre gratuit ayant bénéficié du régime d’exonération.

D. Procédure

90

Sur ce point, il convient de se reporter au II-C § 310 à 330 du BOI-SJ-AGR-50-40.

(100-110)

E. Liquidation des droits

120

Sur ce point, il convient de se reporter au IV-A § 240 du BOI-ENR-DMTG-10-20-30-60.

F. Mention d’exécution de la formalité

130

Sur ce point, il convient de se reporter au IV-B § 250 du BOI-ENR-DMTG-10-20-30-60.

G. Exigibilité des droits : différentes hypothèses

140

Les droits afférents aux parts de société civile susceptibles de bénéficier des dispositions de l’article 795 A du CGI et dont le paiement a été différé jusqu’à la décision qui statue sur la demande d’adhésion à la convention sont exigibles dans les conditions de droit commun et sans préjudice de l’application de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du CGI lorsque :

  • la demande d’adhésion à la convention n’a pas été accordée ;
  • la copie de l’avenant à la convention n’a pas été déposée au service des impôts compétent dans le délai imparti d’un mois à compter de sa signature.

De la même manière, les droits afférents aux parts de sociétés civiles qui ont bénéficié de l’exonération en cause deviennent exigibles, dans les conditions décrites au IV § 146 et suivants en cas de déchéance du régime d’exonération.

145

Sur ce point, il convient de se reporter au V § 270 du BOI-ENR-DMTG-10-20-30-60.

146

La remise en cause du bénéfice de l’exonération de DMTG sera effectuée dans les situations suivantes.

A. Non-respect par la société civile des règles fixées par la convention à durée indéterminée signée avec l’État

150

Le troisième alinéa de l’article 795 A du CGI prévoit que les dispositions des premier et deuxième alinéas de l’article 795 A du CGI relatifs à l’exonération dont bénéficient les transmissions à titre gratuit de monuments historiques détenus directement par des personnes physiques s’appliquent, dans les mêmes conditions, aux parts de sociétés civiles représentatives de ces biens.

Ainsi, lorsque la convention à durée indéterminée, signée entre la société civile et le ministre chargé de la culture après avis conforme du directeur régional ou départemental des finances publiques compétent, n’est pas respectée, l’exonération de DMTG dont ont bénéficié les parts de cette société est remise en cause, dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que celles prévues pour la détention en direct des biens, objets de la convention (VI-B § 290 à 320 du BOI-ENR-DMTG-10-20-30-60).

160

La convention est invalidée et les droits sont rappelés sur les transmissions à titre gratuit de ces parts notamment lorsque :

  • l’un des engagements qu’elle comporte n’est pas respecté par la société civile ;
  • tout ou partie des biens mobiliers ou immobiliers sur lesquels elle porte fait l’objet d’un transfert de propriété à titre onéreux ;
  • tout ou partie des biens meubles ou immeubles par destination ayant bénéficié de l’exonération fait l’objet d’un retrait.

(170)

B. Non-respect de l’obligation de conservation des parts de la société civile pendant cinq ans

180

Une nouvelle mutation à titre gratuit ou à titre onéreux des parts de la société civile dans les cinq ans de la transmission qui a été exonérée entraîne la remise en cause de l’exonération de DMTG dont a bénéficié le donataire, l’héritier ou le légataire, devenu donateur ou vendeur.

Le respect de la condition de conservation des parts s’apprécie distinctement pour chaque mutation ayant bénéficié du régime d’exonération.

Ainsi, en cas de pluralité de transmissions de parts de même nature (parts d’une même société civile) ayant bénéficié de l’exonération, la déchéance encourue par un bénéficiaire de l’exonération est sans incidence à l’égard des autres bénéficiaires, sous réserve que soit préservée la condition liée à l’existence d’un lien familial (II-A-1 § 30). Pour les conséquences de l’entrée dans la société civile d’un associé n’appartenant pas au cercle familial, il convient de se reporter au IV-C § 200.

190

La déchéance du régime d’exonération doit être prononcée lorsque les parts reçues sortiront du patrimoine du ou des bénéficiaires. Cette situation se présentera en cas de vente ou de donation de tout ou partie des parts reçues, que la mutation porte sur l’usufruit, la nue-propriété ou la pleine propriété de celles-ci. Lorsque l’obligation de conservation n’aura pas été respectée pour une fraction seulement des parts, la remise en cause de l’exonération s’appliquera donc à l’ensemble des parts reçues par le bénéficiaire lors de la précédente transmission.

Par exception, l’exonération ne sera pas remise en cause en cas de transmission à titre gratuit résultant du décès du bénéficiaire héritier, donataire ou légataire intervenant dans les cinq ans de la mutation à titre gratuit initiale, même si ses ayants droit, renonçant à l’exonération dont ils pourraient eux-mêmes bénéficier, ne prennent pas l’engagement d’adhérer à la convention.

Le non-respect du délai de conservation des parts reçues pendant cinq ans à compter de la transmission à titre gratuit par le donataire, l’héritier ou légataire entraîne l’exigibilité des DMTG, dont la mutation initiale des parts a été exonérée, majorés de l’intérêt de retard calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l’impôt devait être acquitté (CGI, art. 1727, IV-1).

C. Entrée dans la société civile d’un associé n’appartenant pas au cercle familial

200

Le troisième alinéa de l’article 795 A du CGI réserve le bénéfice du régime d’exonération aux seules parts de sociétés civiles constituées entre certains membres de la famille (II-A-1 § 25 et 30).

Dès lors, l’entrée dans la société d’une personne ne remplissant pas la condition du lien familial entraîne la remise en cause de l’exonération de DMTG dont ont pu bénéficier les associés pour les parts qu’ils détiennent quel que soit le mode d’acquisition des parts par le nouvel associé.

Les DMTG dont avaient été dispensés les associés deviennent exigibles, majorés de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du CGI.

D. Décision de mise en œuvre de la déchéance et assiette des droits rappelés

205

S’agissant de la décision de mise en œuvre de la déchéance, il convient de se reporter au VI-B-2 § 310 du BOI-ENR-DMTG-10-20-30-60.

En cas de déchéance du régime d’exonération, l’assiette des droits est constituée par la fraction de valeur des parts de la société civile qui donnait lieu à exonération évaluée à la date de la résiliation de la convention. Toutefois, les droits sont établis sur la valeur déclarée lors de la donation ou du décès si cette valeur est supérieure à celle prévue au jour de la résiliation de la convention. Dans ces deux hypothèses, les droits exigibles sont liquidés par application des taux en vigueur au jour de la transmission concernée, sans préjudice de l’application de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du CGI.

210

Lorsque des héritiers, donataires ou légataires ont souscrit, lors d’une transmission à titre gratuit d’un monument historique, une convention avec le ministre chargé de la culture après avis conforme du directeur régional ou départemental des finances publiques compétent afin de bénéficier de l’exonération prévue au premier alinéa de l’article 795 A du CGI, il est admis que ce régime d’exonération ne sera pas remis en cause en cas d’apport ultérieur des biens exonérés à une société civile telle que définie au troisième alinéa de l’article 795 A du CGI, sous réserve que :

  • l’opération soit effectuée par l’ensemble des signataires de la convention ou leurs ayants droit et à concurrence de l’ensemble des droits qu’ils détiennent sur le monument historique ;
  • les apports soient effectués à titre pur et simple ;
  • la société, par l’intermédiaire de son gérant, souscrive, dans un délai de six mois à compter de la réalisation des apports, un avenant à la convention dans lequel elle s’oblige aux engagements initialement pris par les signataires de cette convention.

Cette opération aura pour effet de soumettre l’ensemble des associés et la société civile au régime de détention indirecte des monuments historiques prévu au troisième alinéa de l’article 795 A du CGI.

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