Les “lignes rouges” se sont affermies et chacun peut désormais défendre ses positions sur la base du projet d’accord (en pièce jointe) transmis par les organisations patronales et qui sert de base aux négociations. Si le Medef, la CPME et l’U2P ont accepté d’y intégrer une retraite progressive à partir de 60 ans, le patronat avance par ailleurs ses pions en faveur d’un CDI senior accompagné d’exonérations de cotisations. Sujet auquel les syndicats sont farouchement opposés.
Le contrat à durée indéterminée spécial seniors devient un point de blocage central, tout en s’articulant aux concessions mutuelles. En clair, les organisations patronales veulent un CDI senior en bonne et due forme et accompagné d’exonérations de cotisations. Les organisations syndicales s’y opposent mais tiennent à l’instauration d’une retraite progressive à 60 ans opposable à l’employeur. Point auquel le patronat refuse pour l’instant d’accéder.
Le document rédigé par les organisations patronales le qualifie de “contrat de valorisation de l’expérience”, appellation que les organisations syndicales réprouvent. Créé à titre expérimental pour une durée de cinq ans, il serait ouvert aux demandeurs d’emploi de 60 ans et plus inscrits à France Travail. Les branches seraient susceptibles de l’adapter, d’abaisser l’âge requis à 57 ans et d’en préciser les missions.
Le projet d’accord instaure également des garde-fous. Afin d’éviter qu’un employeur ne licencie un senior pour l’employer de nouveau avec un CDI senior, le contrat ne pourrait pas concerner un demandeur d’emploi ayant été employé en CDI dans la même entreprise au cours des six derniers mois.
Le projet d’accord prévoit que lors de la signature du contrat, le demandeur d’emploi ainsi embauché remet à l’employeur un document de l’assurance retraite mentionnant sa date prévisionnelle de départ en retraite.
Le demandeur d’emploi signant un CDI senior bénéficierait de règles aménagées de cumul entre son salaire et l’allocation de retour à l’emploi s’il perçoit une rémunération inférieure à 30 % de celle obtenue dans son emploi précédent. De son côté, l’employeur bénéficierait d’une nouvelle exonération progressive de cotisations assurance chômage, à raison d’un point par an à partir des 60 ans du demandeur d’emploi. Il serait également exonéré de la contribution patronale spécifique de 30 % sur le montant de l’indemnité de mise en retraite. Le projet acte également que l’employeur pourrait se séparer du senior et le faire partir en retraite lorsqu’il atteint l’âge légal de départ et remplit les conditions de la retraite à taux plein.
Hubert Mongon considère que le CDI senior “correspond à une philosophie simple : donner la priorité au travail plutôt qu’à l’inactivité, y compris quand un demandeur d’emploi atteint plus de 60 ans”. Le chef de file du Medef reconnaît cependant qu’un chiffrage des effets de ce nouveau contrat est pour l’instant impossible : “Nous n’avons pas de recul sur ce dispositif en particulier sur des profils de plus de 60 ans, on ne saurait donc pas en préciser le coût réel”.
Yvan Ricordeau a indiqué d’emblée “des difficultés sur le CDI senior” : “Aucune organisation syndicale ne le demande. On voit également d’un très mauvais œil l’arrivée d’une exonération de cotisations patronales dessus. Si la raison l’emporte, on pourra trouver une voie de passage la semaine prochaine mais il faudra être raisonnable sur le CDI senior comme nous l’avons montré sur la retraite progressive”.
La CFDT a en effet décider d’abandonner la revendication d’un droit opposable du salarié à la retraite progressive. Un point auquel tiennent les autres organisations syndicales à commencer par la CGT par la voix de Sandrine Mourey : “Le patronat est contre le droit opposable mais quand on signe un accord national interprofessionnel, c’est pour acter de nouveaux droits pour l’ensemble des salariés. Il est hors de question de renvoyer à des accords d’entreprise”. La CGT pose également son veto sur l’exonération de cotisations patronales sur le CDI senior.
A Force Ouvrière, Patricia Drevon juge que le projet d’accord n’est pas équilibré. Sa confédération émet toujours des réserves sur le CDI senior, “pas envisageable” tel qu’il est présenté aujourd’hui. Si elle se satisfait de l’inscription dans le texte d’une retraite progressive à 60 ans comme le revendique FO, elle souhaite “un minimum d’opposabilité du droit à la retraite progressive”. FO se préoccupera de l’équilibre global de l’accord. Selon la négociatrice, “la visite médicale constitue l’une de nos demandes, nous avons pour marqueur la retraite progressive à 60 ans avec 150 trimestres. Si on embarque la fin des trois mandats de CSE et l’opposabilité de la retraite progressive, on pourra soumettre le projet d’accord à nos instances. Mais aujourd’hui, le texte n’est pas équilibré”. FO continue par ailleurs de porter des évolutions de seuil de la commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT), qui n’est obligatoire aujourd’hui qu’à compter de 300 salariés.
Frédéric Belouze (CFTC) se dit également opposée à de multiples points du projet d’accord : le CDI senior et son pendant chez les intérimaires, l’abaissement de l’âge à 57 ans au lieu de 60 par les branches, la présentation d’un relevé de carrière à l’employeur, l’allégement de cotisations adossé au CDI senior. Le projet rencontre également l’opposition de Jean-François Foucard (CFE-CGC) : “Il s’agit de tout changer pour ne rien changer, c’est du marketing, c’est la technique des tous petits pas et cela manque de cohérence”, a-t-il affirmé en fin de séance.
Organisations patronales et syndicales poursuivront leurs discussions lundi 4 novembre.
Assurance chômage et travailleurs frontaliers : vers un coefficient réducteur du SJR ?
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Les négociations se sont également poursuivies hier sur l’assurance chômage. Les partenaires sociaux ont travaillé sur des pistes concrètes pour trouver les économies réclamées par le ministère du travail dès 2025 (400 millions d’euros supplémentaires par an). Le thème des travailleurs frontaliers apparaît comme la piste d’économies privilégiée, notamment les contrôles de l’offre raisonnable d’emploi et de la recherche d’emploi, ainsi que l’application d’un coefficient réducteur dans le calcul du salaire journalier de référence (SJR) selon que le travailleur est frontalier ou non. Cette dernière possibilité présente cependant le risque d’une rupture d’égalité soulevée par l’Unédic et donc d’ouverture de contentieux. Olivier Guivarch (CFDT) a rappelé que le sujet dépend aussi des accords européens et que “tout ne dépend pas de nous”, soulignant ainsi le rôle de l’Etat, en particulier dans la négociation d’un accord bilatéral avec la Suisse. Denis Gravouil (CGT) juge sévèrement cette mesure : “Les travailleurs frontaliers sont ouvriers et employés dans la restauration, l’hôtellerie ou les soins, c’est une cible un peu trop facile”. Frédéric Belouze (CFTC) évoque quant à lui “des zones d’ombre autour de cette question” : il lui semble périlleux de travailler sur ces sujets qu’il qualifie de “fausses bonnes idées” à cause du cadre juridique européen et du risque de traitement différencié des allocataires. Le patronat n’exclut pas de trouver d’autres moyens d’économies tous sujets confondus. “Cela signifierait des mauvaises nouvelles pour tout le monde ; après, à nous d’arbitrer et de faire des choix”, a indiqué Hubert Mongon pour le Medef, n’excluant pas de revenir sur certaines annexes comme celle relative au régime des intermittents. La CGT pousse quant à elle un passage de quatre à huit plafonds de la sécurité sociale pour le calcul de l’assiette des contributions générales d’assurance chômage. |
Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH