En France, l’inspection du travail compte 4 065 agents, dont 1 867 agents de contrôle répartis dans 244 unités, des chiffres à rapporter aux 2 millions d’entreprises et 21,3 millions de salariés couverts par l’inspection.
Alors que les organisations syndicales fustigent depuis des années une baisse de ces effectifs, Pierre Ramain, le Directeur général du travail (DGT), s’est réjoui hier de retrouver enfin des sections de contrôle entièrement pourvues (1 743 aujourd’hui au lieu de 1 500 en 2020). C’est le fruit, explique le haut fonctionnaire, d’un effort de recrutement inédit : en 2023 et 2024, 418 agents de contrôle ont été recrutés, à l’issue d’une campagne très active du ministère pour faire connaître ce métier aux jeunes adultes dans de nombreux forums et salons mais aussi sur les réseaux sociaux. “Nous avons eu davantage de candidats, et des candidatures de meilleure qualité”, indique le DGT.
Ces personnels sont chargés d’assurer les missions de base de l’inspection (respect des dispositions légales et conventionnelles, protection des droits fondamentaux, etc.), d’informer et de conseiller employeurs et travailleurs mais aussi de conduire des priorités définies dans le plan national 2023-2025.
Ce plan d’action triennal insiste notamment sur la présence sur le terrain et donc les lieux de travail des agents de l’inspection, après la période critique de la crise sanitaire.
Pour le DGT, la mission est remplie en 2023 avec 107 interventions par agent (contre 99 en 2022), et déjà 61 pour le premier semestre 2024, pour un total de 174 608 interventions en 2023. Ces contrôles ont concerné d’abord les petites entreprises comme on le voit dans le schéma ci-dessous (souvent démunies de représentation syndicale), les secteurs les plus contrôlés étant la construction, l’industrie, le commerce.
Ces interventions ont donné lieu à 124 600 lettres d’observations, 5 400 arrêts de travaux, 4 300 mises en demeure ou encore 3 000 procès-verbaux.
L’inspection a procédé ensuite à 1 907 décisions de sanctions administratives, ce qui a permis de recouvrer 17 millions d’euros d’amendes en 2023 (contre 13,9 millions en 2022), soit un montant unitaire moyen de 1 059 euros.
Ces sanctions concernent le non respect de la durée de travail, le non respect du port d’équipements individuels de protection ou encore l’hygiène, la restauration et l’hébergement des travailleurs.
Concernant l’activité de renseignement de l’inspection, celle-ci a reçu 582 000 demandes en 2023, dont 73 % par téléphone, 15 % par courriel et 12 % en présentiel. “Nous organisons des visio pour répondre aux demandes et nous bénéficions aussi de l’outil de simplification d’accès au droit que constitue le code du travail numérique, qui totalise 16,6 millions de visites en 2023 et déjà 17 millions en 2024”, détaille le DGT.
Reste un point noir au tableau de la DGT : le maintien à un niveau élevé du nombre d’accidents du travail en France. Après une baisse notable depuis 1950 (1 million d’accidents par an dans les années 50 contre 650 000 aujourd’hui), “un palier semble atteint depuis 2010 où le nombre d’accidents et leur indice de fréquence ne baissent plus”.
Le ministère a pourtant lancé une deuxième campagne de communication sur la prévention des accidents graves et mortels et elle poursuit l’analyse des signalements afin d’en tirer des leçons : 8 500 accidents ont ainsi fait l’objet d’une étude entre 2017 et 2020, soit 24 % des accidents mortels. Il faut dire que le signalement d’accidents mortels à l’inspection du travail a bondi en France, passant de 331 à 420 de 2022 à 2023 (et déjà 222 pour 2024).
Faut-il aller plus loin ? Revoir les prérogatives du CSE en matière de santé et sécurité ? “L’augmentation que nous constatons, nous la relions à l’obligation nouvelle qu’ont les employeurs de déclarer un accident de travail mortel dans les 12 heures suivant le décès”, répond Pierre Ramain, qui ajoute que le sujet est en cours d’élaboration au ministère pour définir de nouvelles orientations (comme par exemple au sujet de la possibilité d’arrêter une activité professionnelle en cas de canicule), le Directeur général du travail ajoutant cependant : “Il y avait aussi des accidents du travail mortels du temps du CHSCT !”
L’inspection a églalement maintenu sa vigilance sur de nombreux dossiers : les fortes chaleurs (1 200 interventions en 2024), la lutte contre la fraude (dissimulation d’heures de travail, prêt illicite de main d’oeuvre, etc.) et notamment celle qui concerne le détachement de travailleurs, avec par exemple une campagne de contrôle en Auverge-Rhône-Alpes, mais aussi les inégalités femmes-hommes (non respect de l’Index égalité professionnelle et de l’obligation des augmentations de retour de congé maternité, sachant que l’Index va être remanié compte tenu de la directive européenne).
Une campagne nationale sur le temps partiel a également donné lieu à 3 300 interventions dans 13 % des entreprises de trois secteurs (nettoyage, services à la personne, aide à domicile). Principaux manquements constatés : décompte du temps travaillé et heures complémentaires, repos, et surtout attributions des instances représentatives du personnel.
Justement, au sujet du dialogue social, l’inspection mène une campagne en Bourgogne-Franche-Comté afin d’améliorer la connaissance de la réglementation par les employeurs, les salariés et les membres des CSE, pour obtenir “des remises en conformité”, au besoin via des PV relevant des infractions.
Quid de 2024 et 2025 ? Le DGT estime que les restrictions budgétaires n’empêcheront pas l’inspection de poursuivre sa présence sur le terrain. Elle continue sa campagne de prévention des accidents du travail, ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés de quelques secteurs : BTP, transports routiers, hébergement social et médical, travaux forestiers.
Elle conduira l’an prochain une campagne contre la précarité professionnelle, une action de lutte contre le dumping maritime, contre le travail illégal et la traite des êtres humains.
Enfin, l’inspection devra aussi mieux adapter ses outils informatiques. Il s’agit, par exemple, d’assurer une meilleure communication et un meilleur suivi des suites pénales données aux PV de l’inspection, et d’envisager une dématérialisation de certaines démarches administratives (plans de retrait amiante, projets autour des demandes de licenciement des salariés protégés et des déclarations de chantier).
La DGT entend aussi utiliser les outils d’intelligence artificielle pour traiter la donnée afin de mieux cibler les contrôles des entreprises, via une visualisation des données de la déclaration sociale nominative ou encore une analyse des déclarations d’accidents du travail. Cela va de pair avec le souci affiché de prendre en compte l’avis des personnels, qui seront “consultés” sur les sujets d’action proposés.
Enfin, alors que les plans sociaux font craindre un durcissement du climat social, la DGT note qu’il est difficile d’interprêtrer l’évolution des incidents rencontrés par des agents (propos vifs, arrachage d’un téléphone, bousculades, etc.) lors d’un contrôle (54 incidents en 2022, 43 en 2023, 60 en 2024).
L’inspection s’adresse un satisfecit pour les Jeux olympiques
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“Les Jeux olympiques et paralympiques ont donné lieu à une mobilisation très forte de l’inspection du travail”, souligne Pierre Ramain. En phase de préparation, pas moins de 1 300 contrôles sur site ont été menés, avec 100 arrêts de travail, 20 PV pour travail illégal et surtout “aucun accident mortel”. A l’approche des jeux, l’inspection a réalisé 1 886 contrôles qui ont donné lieu à 1 318 observations et 41 arrêts de travaux, “y compris quelques jours avant la cérémonie d’ouverture”. |
Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH