Participation, titres-restaurant, intéressement, protection sociale complémentaire, heures supplémentaires… Les compléments de salaires ont atteint 87,5 milliards d’euros en 2022, selonrapport de la Cour des comptes de mai dernier. Ils représentaient cette année-là en moyenne 13,2 % du salaire de base. Et pour les magistrats financiers, l’enjeu est de taille pour les finances publiques. “Les régimes sociaux dérogatoires qui leur sont appliqués se traduisent par une perte nette de recettes pour la sécurité sociale qui peut être estimée à 18 Md€ en 2022, après prise en compte des taxes compensatoires pour 8,9 Md€”. Une perte nette qui a augmenté de 8,1 milliards d’euros par rapport à 2018.
Source : Cour des comptes, Les niches sociales des compléments de salaire : un nécessaire rapprochement du droit commun, mai 2024
Compléments de salaire | Régimes sociaux dérogatoires |
Aides directes aux salariés : Titres restaurant, chèques vacances, aides culturelles et sportives, chèque emploi service universel, remboursement des frais de transport domicile-travail |
Régime dérogatoire le plus favorable : outre l’exemption de cotisations sociales, exemption de CSG-CRDS et de toute taxe compensatoire |
Indemnités de rupture du contrat Licenciement, rupture conventionnelle, mise à la retraite d’office |
Exemption de cotisations sociales et de CSG-CRDS mais taxe spécifique (30 %) sur les indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite |
Partage de la valeur en entreprise : Participation aux résultats de l’entreprise, intéressement, plan d’épargne entreprise, stock-options, attribution gratuite d’actions, prime de partage de la valorisation de l’entreprise (PPVE) créée par la loi du 29 novembre 2023 |
Exemption de cotisations sociales mais application de la CSG-CRDS et du forfait social (0 %, 10 %, 16 % ou 20 %, selon la taille de l’entreprise et les conditions d’épargne salariale) ou de taxes spécifiques (stock-options, attribution gratuite d’actions, PPVE) |
Partage de la valeur en entreprise : prime de partage de la valeur |
Exemption de cotisations sociales mais application de la CSG-CRDS et du forfait social à 20 % pour les entreprises > 250 salariés À titre temporaire jusqu’à fin 2026, exemption de la CSG-CRDS et du forfait social des primes versées aux salariés gagnant moins de 3 Smic dans les entreprises < 50 salariés |
Protection sociale complémentaire Prise en charge financière par l’employeur du secteur privé pour ses salariés d’au moins la moitié d’un contrat d’une complémentaire de santé (obligatoire), d’un contrat de prévoyance ou d’un contrat de retraite supplémentaire type plan d’épargne retraite collectif (facultatif) |
Exemption de cotisations sociales mais application de la CSG-CRDS, du forfait social (0 % pour les entreprises < 11 salariés ou 8 %) et de la taxe de solidarité additionnelle sur les contrats de complémentaires de santé (13,5 %) ou d’une taxe spécifique sur les contrats de retraite supplémentaire |
Heures supplémentaires | Exonération des cotisations salariales et déduction forfaitaire des cotisations patronales |
Source : Cour des comptes, Les niches sociales des compléments de salaire : un nécessaire rapprochement du droit commun, mai 2024
Dans un rapport publié jeudi sur la situation financière de la sécurité sociale, la Cour des comptes alerte à nouveau sur l’enjeu de ces niches sociales pour les finances publiques. À l’occasion de l’examen parlementaire du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, elle souligne “une trajectoire des déficits non soutenable de 2026 à 2028. D’ici à 2028, l’accumulation des déficits annuels atteindrait près de 100 Md€ ce qui revient à la reconstitution d’une dette sociale pour laquelle il n’y a pas de solution de financement de long terme. En effet, la capacité de reprise de la dette sociale par la caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) est désormais épuisée depuis 2023, avertissent les magistrats financiers. Les déficits annuels de la sécurité sociale restent donc dans les comptes de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociales (Acoss) chargée de gérer la trésorerie de la sécurité sociale et qui se trouve contrainte de les financer par des emprunts à court terme. Il s’agit d’une impasse de financement de la sécurité sociale”, résument-ils. D’où la recommandation renouvelée de réexaminer ces niches sociales. Ainsi que de travailler davantage sur les économies à réaliser dans les dépenses sociales.
Ce sujet des niches sociales est également abordé à l’Assemblé nationale. Cette dernière avait d’ailleurs adopté, lors de l’examen des articles du PLFSS pour 2025 en 1ère lecture, un amendement destiné à inclure la participation et l’intéressement dans l’assiette des cotisations sociales. Mais cet amendement n’a pas été conservé dans le texte transmis au Sénat (le vote solennel du PLFSS pour 2025 à l’Assemblée nationale n’ayant pas eu lieu pour des raisons de délai, le gouvernement a eu la main sur le texte envoyé au Sénat). Outre la volonté d’augmenter les recettes sociales, l’argument consiste à dire que l’intéressement et la participation “profitent essentiellement aux salariés des grandes entreprises les mieux payés et créent un salariat à deux vitesses”.
Un aspect que pointe à sa façon la Cour des comptes. “Les différents compléments de salaire liés au partage de la valeur en entreprise varient sensiblement selon le secteur économique et la taille des entreprises et peuvent être cumulés par un même salarié. Il en résulte un enjeu d’équité du prélèvement social entre entreprises et entre salariés”.
Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH