La négociation sur l’emploi des seniors toujours marquée par de nombreux désaccords


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Les partenaires sociaux sont encore loin du but. Si l’ultime séance de la négociation est prévue le 14 novembre, plusieurs points durs restent à déminer pour ce prochain rendez-vous. Car la troisième réunion, qui s’est tenue au Medef, le 4 novembre, n’a pas permis de dégager de consensus. L’avant-projet d’accord, transmis quelques heures avant la rencontre aux organisations syndicales, a suscité de nombreuses critiques. “Il n’y a pas eu de grandes avancées. C’est un tour pour rien”, a résumé Frédéric Belouze, le négociateur pour la CFTC. “C’était une séance de transition, a renchérit Olivier Guivarch, chef de file des pourparlers pour la CFDT. On n’a pas atteint un équilibre général pour signer”.

La nouvelle version qui devrait être finalisée, le 12 novembre au matin, permettra-t-elle de lever les blocages ?

Comme au printemps dernier, le CDI senior, baptisé “contrat de valorisation de l’expérience”, suscite toujours autant de controverses. Si le camp patronal estime que ce contrat facilitera le recrutement des demandeurs d’emploi sexagénaires, en “[crantant] dans le paysage que le travail doit prévaloir à l’inactivité”, selon Hubert Mongon (Medef), les organisations syndicales restent dubitatives sur l’impact réel de cette mesure. Ce contrat “ne nous va pas depuis le début”, a tranché Patricia Drevon (FO).

Des modifications à la marge

Pour remporter leurs adhésions, le camp patronal a apporté quelques retouches par rapport au texte initial : l’avant-projet d’accord ne fait plus référence à la création d’un CDI senior dédié aux intérimaires. Autre concession : ce contrat, accessible à partir de 60 ans (ou 57 ans s’il existe un dispositif de branche) ne pourra pas concerner un demandeur d’emploi ayant été employé en CDI non seulement dans la même entreprise mais aussi dans le même groupe au cours des six derniers mois.

Surtout, le camp patronal a tiré un trait sur l’obligation de demander au nouvel embauché un document de l’assurance retraite attestant sa date prévisionnelle de départ à la retraite. “Une avancée notable” a estimé la CFTC qui précise que désormais, ce sera au senior de communiquer lui-même son relevé de carrière au moment de l’embauche.

Points de blocage : le cumul des ARE et de la rémunération…

Mais la création de ce contrat dérogatoire au droit commun n’est pas le seul motif de divergence. S’ajoutent désormais deux points de crispation. Le premier porte sur la prise en charge d’une partie du salaire du nouvel embauché par l’assurance chômage s’il perçoit une rémunération inférieure d’au plus 30 % à celle obtenue dans son emploi précédent.

“Comment valoriser une personne si elle garde un pied dans le chômage ? s’interroge la CFTC. C’est quand même un message assez négatif envoyé aux personnes que l’on souhaite recruter”. “Et que se passe-t-il quand la personne n’a plus que sept mois de droit au chômage au moment de la conclusion de son contrat ? C’est l’employeur qui doit compléter ou alors le salarié perd ses 30 % ?” remarque, de son côté, la CGT.

… Et les exonérations de cotisations

Le second, le plus dur, concerne l’exonération progressive des cotisations d’assurance chômage, à raison d’un point par an à partir de 60 ans, prévue par le patronat pour l’employeur qui recruterait un salarié via ce contrat. “On ne peut pas d’un côté expliquer qu’il faut arrêter de discriminer les seniors (…) et de l’autre nous expliquer que c’est tellement difficile d’embaucher des personnes de plus de 60 ans qu’il faut beaucoup d’aides”, a indiqué Olivier Guivarch qui craint que cette “brèche” puisse “déboucher demain sur d’autres cas d’exonérations”.

Du côté de la CGT, Sandrine Mourey a redit son “incompréhension” de voir le maintien de cette mesure dans le texte patronal.

La partie patronale argue, elle, que “les entreprises aussi doivent avoir des contreparties à l’accord”. “Tout le monde doit y trouver son compte. Ce n’est pas simple d’embaucher des seniors”.

Une voie de passage

Eric Chevée (CPME) assure que le patronat “ne lâchera pas l’idée”. Hubert Mongon a toutefois concédé que “les modalités de mise en oeuvre du principe sont parfaitement ouvertes”. “Des contre-propositions sont possibles, mettons-les sur la table”, a-t-il insisté.

S’il est d’usage que la négociation paritaire ne se débloque que dans la dernière ligne droite, les partenaires sociaux sont divisés sur l’issue des discussions. La CFDT semble garder un minimum d’optimisme, en indiquant que “la séance du 14 novembre sera décisive”. Mais pour Jean-François Foucard, “cette négociation donnera un accord excessivement politique avec très peu de contenu”.

 

Les autres propositions du camp patronal

  • Retraite progressive

Sur ce sujet, les lignes ont bougé : par rapport au début de la négociation, la CFDT et la CFTC ne demandent plus la création d’un droit opposable à la retraite progressive. Même si la centrale chrétienne souhaite des garde-fous, à savoir que l’employeur ne puisse pas refuser sans justification sérieuse. La CGT persiste et signe, en revendiquant un droit effectif, seule possibilité, selon elle, de “rendre ce dispositif accessible à tous les salariés”. Entre ces deux positions, FO suggère une alternative : réserver le droit opposable à la retraite progressive aux bénéficiaires d’un compte personnel de prévention. Cette proposition a toutefois reçu une fin de non-recevoir de la part du Medef.

  • De nouveaux thèmes de négociation

L’avant-projet d’accord ajoute de nouveaux thèmes de négociation, dans le cadre des négociations d’entreprises ou des branches professionnelles, notamment sur les modalités de retraite progressive. Il liste également parmi les thèmes facultatifs les impacts de la transformation technologique et environnementale sur les métiers, les pratiques managériales responsables, les modalités d’écoute des salariés concernant l’exercice de leurs missions, l’organisation du travail, leurs conditions de travail et les relations sociales. La CFDT voudrait aller plus loin, en y ajoutant les politiques de santé et de prévention des risques professionnels.

A défaut d’accord, la CFDT demande la mise en œuvre d’un plan d’action unilatéral.

La CGT souhaite, elle, la création d’une commission spécifique au sein du CSE portant sur la retraite progressive et sur les aménagements de fins de carrière aidé.

  • Cumul emploi/retraite

Le texte supprime le délai de carence de six mois exigé jusqu’ici pour reprendre une activité chez le même employeur tout en continuant à se créer de nouveaux droits. Motif invoqué par le patronat ? “Le délai actuellement en vigueur pénalise à la fois le retraité qui pourrait manquer une opportunité d’emploi, mais aussi l’entreprise qui souhaite proposer un cumul “rapproché” pour permettre une meilleure transition et transmission des savoirs/compétences”.

  • Temps partiel de fin de carrière

Le texte précise que la perte de revenu résultant du passage à temps partiel peut être compensée “en tout ou partie” par l’employeur selon des modalités définies par accord collectif ou de branche.

 

 

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Anne Bariet
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Lors de la troisième séance de négociation, le CDI senior a cristallisé les tensions. Les organisations syndicales ont épinglé le système d’exonération de cotisations d’assurance chômage ainsi que le cumul renforcé de l’allocation d’aide au retour à l’emploi et de la rémunération, proposés par le patronat.

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Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH