Harcèlement : “il faut se méfier des solutions standardisées. La stratégie d’enquête et de restitution est à définir sur-mesure”


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L’exercice est délicat et complexe : lorsque l’employeur reçoit des plaintes d’un ou de plusieurs collaborateurs dénonçant des situations de harcèlement, moral ou sexuel, au sein de l’entreprise, il a l’obligation de mener une enquête préalable afin d’établir la matérialité, la preuve et la gravité des faits énoncés. Sans quoi sa responsabilité civile et pénale peut être engagée.

Problème : les directions des ressources humaines sont souvent démunies face à ce type de situation. Aucun mode d’emploi n’existe pour appréhender ce sujet. Le code du travail ne prévoit, en effet, aucune règle concernant les modalités de la procédure. Or, comment réagir face à des allégations de harcèlement ? Quelles modalités de traitement envisagées ? Quelles stratégies de restitution définir ? Pour y répondre, la Fédération des intervenants en Risques Psychosociaux (Firps), qui regroupe 21 des principaux cabinets acteurs de la prévention des RPS, publie, ce matin, un guide pour fournir des repères méthodologiques et des recommandations pratiques à l’attention des services RH, responsables de ces investigations. Objectif ? “Respecter les fondamentaux communs et éviter les dérives nocives pour l’ensemble des parties prenantes”, souligne François Cochet.

Attention, toutefois : “le guide n’est pas un livre de recette, il faut se méfier des solutions standardisées, chaque situation est particulière. La stratégie d’enquête et de restitution est à définir sur-mesure”.

Respecter un certain formalisme

La procédure menée par les services RH doit, tout d’abord, suivre un certain formalisme : elle doit respecter le témoignage des témoins et de la victime présumée, la confidentialité et garantir l’indépendance des enquêteurs. Car l’enquête doit rendre compte de manière “factuelle et concrète de la situation”. Or, “le risque de manipulation et d’instrumentalisation est fréquent dans un collectif divisé”, relève l’expert.

L’enquête doit, en outre, être menée de manière “contradictoire” et être exhaustive. Avec l’objectif de comprendre la situation.

La Firps insiste sur l’intérêt de mener un travail pluridisciplinaire qui associe autant que faire se peut les représentants du personnel, mais aussi un acteur de la prévention, un psychologue du travail, un psychologue clinicien ou un ergonome pour “croiser les regards, confronter les points de vue et limiter les biais”. A défaut, elle recommande la supervision de l’enquêteur, en particulier s’il intervient seul afin de favoriser la prise de recul. Une pratique fréquente parmi les adhérents de la Fédération.

La restitution

A l’arrivée, le rapport d’enquête devra fournir une analyse des faits (description, méthode suivie, ensemble des investigations réalisées, faits et éléments recueillis) et une appréciation de la situation. Prudence néanmoins : “la qualité du travail compte beaucoup. Trop souvent les conclusions d’une enquête ne font que des déçus en engendrent des conséquences délétères”.

Reste alors à choisir les destinataires (direction, protagonistes, instances représentatives du personnel…) et les modalités de restitution (écrites, orales, intégrale ou synthétique). Dans certains cas, le résultat peut être adressé aux managers concernés.

En amont, il est essentiel de prévoir une communication adaptée. Autrement dit, de “préparer les messages clés et de déterminer les informations pouvant être divulgués à chaque groupe de destinataires”.

Mais une chose est sûre : si des doutes subsistent, la Firps préconise “qu’ils soient mentionnés clairement”. Car le rapport servira de base à une éventuelle sanction disciplinaire. De plus, l’enquête ne doit pas “fournir de conclusion juridique sur la qualification des faits”. Cette prérogative est dévolue au juge en cas de contentieux.

Dans certains cas, lorsque l’enquête conclut qu’il ne s’agit pas de harcèlement, “une médiation peut s’avérer précieuse pour permettre aux protagonistes de renouer le dialogue”.

Reconstruire le collectif

Au-delà, la Firps recommande de mettre en place un suivi post-enquête, par exemple, dans le cadre d’une commission de pilotage paritaire ou d’une démarche d’amélioration continue (suivi d’indicateurs, audit de pratiques de prévention et actions correctives). Avec, parmi les points de vigilance à avoir en tête, les changements organisationnels, les restructurations, la transformation des métiers, la surcharge (ou la sous-charge) de travail, mais aussi les comportements managériaux pour que ces N+1 puissent “remplir leur rôle de régulation”.

Enfin, il faudra reconstruire un collectif. “L’enquête a un impact très important sur l’équipe, de façon immédiate mais aussi dans la durée, souligne François Cochet. Ce type de situations pose une kyrielle d’interrogations qu’il est dangereux de mettre sous le tapis”. D’où la nécessité de prévoir un temps d’explication afin de “tourner la page” dans de bonnes conditions.

 

L’absence de RRH de proximité pointée du doigt

Signe de tentions relationnelles ou conséquences de changements législatifs, le harcèlement gagne du terrain en France. Selon François Cochet, président de Fédération des intervenants en Risques Psychosociaux (Firps), plusieurs causes expliquent cette situation. Le barème Macron, tout d’abord, a incité certains plaignants à recourir à la thématique du harcèlement pour contourner le plafonnement des indemnités prud’homales. Ensuite, les ordonnances travail ont centralisé les instances représentatives du personnel et ont ainsi privé certaines entreprises d’un réseau d’alerte au plus près du terrain. Or, “ces situations sensibles rapidement relayées par les délégués du personnel pouvaient trouver des solutions rapides”.

Enfin François Cochet pointe la réduction des moyens des services ressources humaines. “Certaines organisations ont diminué le nombre des responsables RH de proximité”. A tort puisque, là encore, “elles n’ont plus les moyens humains de traiter tôt et efficacement les difficultés exprimées par les salariés ou le manager”. “L’absence de solution raides face des difficultés mineures conduit à leur aggravation”. 

 

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Anne Bariet
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La Fédération des intervenants en risques psychosociaux (Firps) dévoile, ce matin, un guide pratique pour faire face aux situations de harcèlement au travail, qu’il soit moral ou sexuel. François Cochet, son président, détaille les étapes clef de la procédure, du diagnostic à la restitution de l’enquête, en passant par le recueil des témoignages.
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Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH