Le compte pénibilité, encore trop peu rempli et utilisé


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“Le fonctionnement du C2P n’est pas satisfaisant et présente d’importants points de faiblesse”, tacle l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) dans un rapport sur l’évaluation de la COG (convention d’objectifs et de gestion) 2018-2022 de la branche AT-MP publié le 21 juin dernier. On découvre dans ce document que l’écart entre le nombre de travailleurs exposés qui avait été estimé en 2014 et le nombre de travailleurs effectivement déclarés comme tels est énorme (indépendamment de la suppression des critères ergonomiques due aux ordonnances dites Macron de 2017).

Seuls les effectifs de salariés déclarés au titre du travail de nuit s’approchent de la projection de 2014 (voir tableau). La Dares (service statistiques du ministère du travail) avait précédemment publié un comparatif semblable, mais à partir des chiffres de 2017.

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Pas de sanction

Les projections sont délicates à réaliser et il faut donc les lire avec précaution. Cela dit, les écarts sont tels qu’un phénomène de sous-déclaration est plus que probable. Or, “la méconnaissance par les employeurs de leur obligation de déclaration est faiblement contrôlée et non sanctionnée”, rappelle l’Igas.

Le montant de la pénalité encourue par un employeur en cas d’absence de déclaration ou de déclaration inexacte s’élève à 0,33 % du plafond mensuel de la sécurité sociale par salarié, soit environ 11,4 euros par salarié non déclaré. Et à la date de la rédaction du rapport (septembre 2022), cette pénalité n’avait encore jamais été appliquée. “À ce jour, aucune pénalité n’a été appliquée”, nous a indiqué la branche. 

La Sécurité sociale répond à l’Inspection qu’il a été décidé de ne pas mettre en place immédiatement des contrôles pour laisser le temps aux employeurs de “s’approprier le dispositif “. Elle indique qu’un plan de sensibilisation à destination des entreprises a été défini et mis en œuvre en septembre 2022 et évoque la mise en place “d’un éventuel plan de contrôle” dans un second temps. Interrogée sur les suites qui auraient été potentiellement données depuis la rédaction du rapport de l’Igas (septembre 2022), la branche nous confirme qu’il n’y a pas eu de plan de contrôle. Elle précise que “la COG AT/MP 2023-2028 prévoit le déploiement de contrôles à l’initiative des organismes”, sans pouvoir préciser “les orientations à venir”. Le salarié peut lui-même demander une enquête mais il y a eu assez peu de saisines jusqu’à présent. Au 18 janvier 2022, 5 074 réclamations avaient été reçues depuis le début du dispositif, dont 2 131 jugées recevables.

Non-recours

Même quand leur compte est ouvert, peu de salariés utilisent leurs points. Au 25 janvier 2022, 1 513 586 salariés disposaient de points mobilisables pour l’une des utilisations du C2P. À la même date, seuls 11 672 ont consommé des points. Dans le détail, 82 % des utilisateurs ont converti des points à des fins de majoration de la durée d’assurance, 1 667 salariés ont demandé une réduction du temps de travail et 389 salariés ont converti leurs points pour réaliser une formation.

La faible utilisation des points s’explique probablement par le fait qu’une partie des utilisateurs souhaitent les conserver dans l’attente de leur départ en retraite, imagine, entre autres, l’Igas.

La COG 2018-2022 prévoyait bien que la branche favorise le recours aux dispositifs de reconversion professionnelle ouverts aux personnes exposées, en informant les assurés et en sensibilisant les entreprises. Mais “cet engagement n’a pas été tenu”, pointe l’Igas. Le tout sous fond de problèmes informatiques et manque de ressources humaines pour gérer le dispositif. De manière plus générale, l’inspection constate qu’”après la réforme de 2017, le compte professionnel de prévention a fait l’objet d’un faible investissement, tant de la gouvernance de la branche que des tutelles”.

Logiquement, les auteurs du rapport recommandent donc, si le C2P est conservé dans sa forme actuelle, de renforcer l’accès aux droits de ses bénéficiaires, en contrôlant l’obligation de déclaration, en instruisant la question du non-recours et en développant la communication auprès des assurés et des entreprises.

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Pauline Chambost
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L’écart entre le nombre estimé de travailleurs répondant aux critères de pénibilité du C2P (compte professionnel de prévention) et le nombre de travailleurs effectivement déclarés comme tels par leurs employeurs est abyssal. La déclaration est pourtant obligatoire.
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Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH