1
En vue d’établir l’impôt sur le revenu (IR) au titre des bénéfices industriels, commerciaux et artisanaux réalisés dans une entreprise individuelle, il convient d’identifier l’entrepreneur individuel, c’est-à-dire l’exploitant qui exerce l’activité imposable.
10
Toutefois, dans certains cas, les revenus de l’entreprise ne font pas l’objet d’une imposition distincte au nom de l’entrepreneur individuel mais sont rattachés au foyer fiscal auquel il appartient.
20
En conséquence, le présent chapitre traite successivement :
- des principes qui président à la détermination de l’exploitant exerçant une activité imposable ;
- du régime juridique et fiscal de l’entrepreneur individuel.
A. Principes
30
Il convient de considérer comme exploitant celui qui apparaît comme tel, notamment :
- par l’accomplissement de formalités administratives en lien avec l’activité indépendante (inscriptions ou radiations au registre du commerce ou au répertoire des métiers, etc.) ou d’obligations fiscales (déclarations d’existence, de résultats, de cession ou de cessation, etc.) ;
- à la lumière de certaines circonstances de droit ou de fait.
40
À cet égard, la jurisprudence a estimé que devait être regardé comme le véritable exploitant et assujetti à l’IR dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux :
- un contribuable qui, ne possédant pas le diplôme de pharmacien, fait gérer une officine dont il est propriétaire par un prête-nom titulaire de ce diplôme et à qui il verse des appointements fixes (CE, décision du 5 juillet 1958, n° 40149, RO, p. 182) ;
- un contribuable qui a fait donation à ses enfants mineurs d’une partie des immeubles et du matériel de son entreprise, mais non des stocks ni des créances et des éléments incorporels du fonds de commerce. Au cas particulier, les enfants ne pouvaient être considérés comme étant devenus copropriétaires du fonds et, par suite, leur père n’était pas fondé à demander, pour eux, des impositions distinctes dans les conditions visées au 2 de l’article 6 du code général des impôts (CGI) (CE, décision du 22 octobre 1962, n° 53557, RO, p. 174 ; à rapprocher de CE, décision du 22 novembre 1967, n° 71667) ;
- un contribuable qui a exploité un fonds de commerce sous sa seule responsabilité et en prenant à sa charge tous les risques, moyennant le versement au propriétaire du fonds d’une redevance forfaitaire trimestrielle, nonobstant la circonstance qu’il ait été au vu d’un contrat de travail et de bulletins de salaire, regardé par la juridiction prud’hommale comme un directeur salarié (CE, décision du 26 juin 1968, n° 68696) ;
- un contribuable qui assume la responsabilité de la gestion administrative et financière d’un établissement de cure pour enfants auquel une association de bienfaisance se borne à apporter un appui matériel et moral dès lors qu’il bénéficie des résultats de l’exploitation. Il en est ainsi alors même que certaines installations ne lui appartiennent pas et que la gestion de l’établissement a été poursuivie de façon partiellement désintéressée (CE, décision du 25 juin 1969, n° 70573) ;
- un contribuable désigné, dans un acte de location gérance régulièrement soumis à la formalité de l’enregistrement, comme le gérant libre d’un fonds de commerce. Ce dernier ne pouvait faire échec à l’imposition en faisant état d’une prétendue inexécution du contrat, dès lors que celle-ci n’avait jamais été portée à la connaissance de l’administration. De même, a été considéré comme inopérant le fait que le contrat n’avait pas fait l’objet des publications légales et que l’intéressé avait omis de s’inscrire au registre du commerce (CE, décision du 17 décembre 1975, n° 95771, à rapprocher de CE, décision du 30 octobre 1974, n° 91145 rendue en matière de taxes sur le chiffre d’affaires) ;
- un contribuable qui se prévaut de la prorogation verbale d’une société en participation ayant existé entre lui-même et une autre personne mais qui ne peut, pour exciper de cette prorogation, en établir la date ni même l’existence (CE, décision du 28 janvier 1976, n° 92907) ;
- un contribuable qui, en rémunération d’une importante activité dans le négoce des produits pétroliers, a appréhendé soit personnellement, soit par l’intermédiaire d’un tiers des sommes nominalement destinées à une société (CE, décision du 24 novembre 1982, n° 17946).
B. Conventions fictives
50
L’administration considère comme exploitant celui qui s’est comporté en fait comme tel. À cet effet, elle peut :
- soit estimer que lui sont inopposables les conventions fictives dont entendent se prévaloir certains contribuables ;
- soit s’attacher à la situation apparente qui procède de telles conventions, nonobstant leur annulation prononcée par l’autorité judiciaire.
(60-70)
80
Le Conseil d’État en a ainsi jugé dans les deux espèces suivantes :
- dans le cas d’un propriétaire de plusieurs postes de distribution d’essence ayant cédé à son beau-fils, qui assumait déjà la direction de ces postes, un fonds de commerce dont l’un desdits postes forme l’élément principal, le Conseil d’État a jugé que le cédant doit être regardé comme ayant exploité ou fait exploiter pour son compte le fonds dont il s’agit, dès l’instant que les ventes effectuées dans ce fonds ont été portées en comptabilité avec celles concernant les autres postes et que les bénéfices y afférents ont été inscrits au crédit du compte de l’intéressé (CE, décision du 13 mai 1942, n° 66179, RO, p. 112) ;
Remarque : Les conventions passées entre le contribuable et son beau-fils lors de la cession du fonds de commerce, n’avaient jamais été exécutées et le poste à essence qui formait l’élément essentiel de ce fonds n’avait pas cessé de figurer à l’actif du cédant.
- un contribuable ayant exploité de 1943 à 1945 un fonds de commerce qui lui avait été donné en location, puis vendu, avec effet rétroactif, par un tiers, sans titre. Le Conseil d’État a jugé que l’intéressé a été régulièrement assujetti à l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux à raison des profits retirés par lui de cette exploitation, bien que la vente du fonds ait été ultérieurement annulée par une décision de justice et que les fruits civils produits par le fonds, pendant la période considérée, aient été restitués au véritable propriétaire (CE, décision du 13 juin 1952, n° 14962, RO, p. 67).
Remarque : Le fonds avait d’abord été vendu fictivement par son propriétaire à un employé de l’exploitation et c’est ce dernier qui l’avait ensuite donné en location, puis vendu au contribuable visé par la décision.
90
Par ailleurs, ont été considérées comme fictives deux sociétés civiles immobilières en raison de la méconnaissance des règles statutaires de répartition des profits entre les associés qui se sont en fait comportés en simples bailleurs de fonds à l’associé gérant, de l’absence d’assemblées générales ordinaires et de la non-présentation d’une comptabilité.
En réalité, sous couvert desdites sociétés, le gérant dissimulait une activité personnelle et c’est à bon droit que les profits des deux sociétés ont été imposés pour leur totalité à son nom dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (CE, décision du 25 février 1981, n° 19169 ; dans le même sens, CE, décision du 23 mars 1984, n° 27225).
C. Conventions occultes
100
Les conventions auxquelles les parties ont entendu conserver un caractère occulte ne sont pas opposables aux tiers et, en particulier, à l’administration qui, dans l’ignorance d’une telle convention, est fondée à établir l’impôt en tenant compte des situations apparentes sans préjudice du droit qui lui appartient, lorsqu’elle en a connaissance, d’en tirer le cas échéant, les conséquences fiscales.
110
Il a été ainsi jugé qu’un redevable, inscrit au registre du commerce, qui a souscrit un bulletin d’identification dans lequel il se présentait comme propriétaire de l’entreprise, a établi et déposé des déclarations en matière de taxe sur le chiffre d’affaires et d’impôt sur le revenu (bénéfices industriels et commerciaux [BIC]) et a inscrit deux ouvriers sur son livre de paye, a été regardé à bon droit comme exploitant personnellement l’entreprise. Pour demander l’annulation de l’imposition, ce redevable n’est pas fondé à soutenir que l’entreprise était. en réalité, exploitée par un de ses ouvriers, auquel il avait accepté de servir de prête-nom (CE, décision du 20 février 1974, n° 83270, rendue en matière de taxes sur le chiffre d’affaires ; à rapprocher de CE, décision du 31 décembre 1959, n° 41864, RO, p. 542).
120
De même, il a été jugé qu’un contribuable qui a exploité personnellement une entreprise de fonte de suif, qui s’est en permanence présenté aux tiers comme le propriétaire et le dirigeant de cette entreprise, qui notamment était seul inscrit au registre du commerce, traitant seul et en son nom personnel avec les clients et les fournisseurs, qui a déclaré aussi en son nom les résultats de l’exploitation, a été assujetti à bon droit à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, alors même qu’il aurait entendu former avec d’autres personnes une société en nom collectif dès lors que cette société a conservé un caractère occulte et que d’ailleurs cette même société a été déclarée nulle par décision de justice (CE, décision du 2 juillet 1975, n° 92958).
Remarque : Au cas particulier, était également sans influence le fait qu’à la suite de la dissolution de la société à laquelle il a été procédé après la déclaration de nullité, l’administration, tenant compte d’un acte de partage des biens et droits de l’entreprise consécutif à cette déclaration, a imposé chacun des associés d’après les plus-values apparues à la fin de l’exploitation de ladite entreprise.
130
Le Conseil d’État a jugé également qu’étaient inopposables à l’administration des conventions de prête-nom demeurées occultes et grâce auxquelles un contribuable avait réuni entre ses mains l’ensemble des parts sociales d’une société à responsabilité limitée. Ainsi, le service était fondé, pour l’établissement des impositions litigieuses, à tenir compte de l’existence apparente de cette société jusqu’à sa liquidation nonobstant sa dissolution rétroactive prononcée par un jugement du tribunal de grande instance (CE, décision du 12 mai 1976, n° 93185 ; à rapprocher de CE, décision du 18 mai 1960, n° 44934 et 44934 bis, RO, p. 86).
Enfin, le Conseil d’État a jugé que, dans l’ignorance de l’existence d’une convention d’association en participation conclue pour l’exploitation d’une entreprise, l’administration était en droit de considérer que cette exploitation était assurée par une société de fait (sur ce point, il convient de se reporter au BOI-BIC-CHAMP-70-20-60) dès lors qu’il résultait de ses constatations que les associés avaient fait des apports et qu’ils participaient tant à la direction qu’aux bénéfices de l’établissement.
C’est donc à juste titre que la part de bénéfices regardée comme appréhendée par chacun des associés de fait a été incluse dans ses revenus personnels soumis à l’impôt sur le revenu (CE, décision du 23 novembre 1977, n° 95757 et CE, décision du 23 novembre 1977, n° 95758).
Remarque : Une décision rédigée en termes analogues a été rendue le même jour en matière de taxes sur le chiffre d’affaires (CE, décision du 23 novembre 1977, n° 95756).
(140-160)
165
La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a instauré un statut pour l’entrepreneur individuel lui permettant de distinguer son patrimoine professionnel de son patrimoine personnel, et de déroger ainsi au principe selon lequel toute personne répond de ses obligations sur l’ensemble de ses biens.
Le régime de l’entrepreneur individuel est applicable quelles que soient l’activité de celui-ci et la catégorie d’imposition dont relèvent ses revenus (BIC, bénéfices non commerciaux [BNC], bénéfices agricoles [BA]), qu’il soit imposé selon un régime réel d’imposition (normal ou simplifié) ou selon le régime des micro-entreprises (micro-BIC), le régime déclaratif spécial (micro-BNC) ou le régime des micro-exploitations (micro-BA).
A. Régime juridique de l’entrepreneur individuel
170
L’article 1er de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 a créé un statut pour l’entrepreneur individuel instaurant une distinction entre patrimoine professionnel et patrimoine personnel lui permettant de ne répondre, en principe, des dettes nées à l’occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel, par dérogation à l’article 2284 du code civil (C. civ.) et à l’article 2285 du C. civ.. Cette séparation entre patrimoines professionnel et personnel s’opère par le seul effet de la loi pour toute personne physique exerçant en son nom propre une activité professionnelle indépendante, sans préjudice des dispositions légales relatives à l’insaisissabilité de certains biens.
180
La limitation du gage des créanciers, dont les droits sont nés à l’occasion de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, au patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel s’applique aux créances nées postérieurement au 14 mai 2022 et à compter (code de commerce [C. com.], art. L. 526-23) :
- de l’immatriculation au registre dont l’entrepreneur relève pour son activité ;
- de la date d’immatriculation la plus ancienne lorsqu’il relève de plusieurs registres ;
- de la date déclarée du début d’activité, si celle-ci est antérieure à la date d’immatriculation ;
- du premier acte qu’il exerce en qualité d’entrepreneur individuel, quand il n’est pas tenu d’une obligation d’immatriculation, cette qualité devant apparaître sur les documents et les correspondances à usage professionnel.
1. Champ d’application
190
Aux termes de l’article L. 526-22 du C. com., toute personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes relève du statut d’entrepreneur individuel.
Ainsi, pour bénéficier de la qualité d’entrepreneur individuel au sens de cet article, une personne physique doit respecter deux conditions cumulatives : d’une part, exercer une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes et, d’autre part, exercer ces activités en son nom propre.
Ce statut s’applique notamment aux membres des professions libérales réglementées exerçant en nom propre.
S’agissant des règles applicables à l’associé d’une société d’exercice libéral (SEL) qui exerce son activité au nom de cette société, il convient de se reporter au BOI-RES-BNC-000136.
2. Composition du patrimoine professionnel
200
Conformément aux dispositions de l’article L. 526-22 du C. com., le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel est composé des biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à l’activité ou à la pluralité d’activités professionnelles indépendantes qu’il exerce.
Les biens, droits, obligations et sûretés utiles à l’activité sont ceux qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à l’activité de l’entrepreneur individuel.
Appartiennent notamment à cette catégorie :
- le fonds de commerce, le fonds artisanal, le fonds agricole, tous les biens corporels ou incorporels qui les constituent et les droits y afférents, et le droit de présentation de la clientèle d’un professionnel libéral ;
- les biens meubles servant à l’activité, la marchandise, le matériel et l’outillage, le matériel agricole, ainsi que les moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison ;
- les biens immeubles servant à l’activité, y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel ; lorsque ces immeubles sont détenus par une société dont l’entrepreneur individuel est actionnaire ou associé et qui a pour activité principale leur mise à disposition au profit de l’entrepreneur individuel, les actions ou parts desdites sociétés ;
- les biens incorporels comme les données relatives aux clients, les brevets d’invention, les licences, les marques, les dessins et modèles, et plus généralement les droits de propriété intellectuelle, le nom commercial et l’enseigne ;
- les fonds de caisse, toute somme en numéraire conservée sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle, les sommes inscrites aux comptes bancaires dédiés à cette activité, ainsi que les sommes destinées à pourvoir aux dépenses courantes relatives à cette même activité.
Lorsque l’entrepreneur est tenu à des obligations comptables, son patrimoine professionnel est présumé comprendre au moins l’ensemble des éléments enregistrés au titre des documents comptables, sous réserve qu’ils soient réguliers, sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise.
Il convient de noter qu’un entrepreneur individuel ne peut être titulaire que d’un seul patrimoine professionnel et que celui-ci ne peut être scindé, sous réserve des dispositions du livre VI du code de commerce.
210
Le patrimoine personnel est défini, inversement, comme constitué des éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel.
220
Les biens communs peuvent être inclus dans le patrimoine professionnel lorsqu’ils sont utilisés à des fins professionnelles. Le statut de l’entrepreneur individuel s’entend sans préjudice des pouvoirs reconnus aux époux pour administrer leurs biens communs et en disposer. En d’autres termes, cette inclusion est sans incidence sur les droits de son conjoint (le bien restant compris dans son propre patrimoine également) et de ceux des créanciers du conjoint (qui peuvent continuer à appréhender tous les biens communs). S’agissant des biens indivis, seule la part indivise des biens concernés dont l’entrepreneur individuel est titulaire est comprise dans son patrimoine professionnel.
Ainsi, l’entrepreneur individuel n’est responsable à l’égard des créanciers dont les droits sont nés de son exercice professionnel, que sur son seul patrimoine professionnel, sauf sûretés conventionnelles ou renonciation.
3. Exceptions à la séparation des patrimoines professionnel et personnel
230
Dans plusieurs cas, le gage général des créanciers à titre professionnel n’est pas limité à l’actif du patrimoine professionnel, ni celui des créanciers personnels à l’actif du patrimoine personnel.
a. Exceptions en faveur des créanciers à titre professionnel privés
240
Ces exceptions ne s’appliquent pas aux biens immobiliers insaisissables de droit ou déclarés insaisissables en application des dispositions de l’article L. 526-1 du C. com. à l’article L. 526-5 du C. com.
1° Sûretés conventionnelles
250
L’entrepreneur individuel peut, en application de l’article L. 526-22 du C. com., consentir à ses créanciers professionnels des sûretés conventionnelles assises sur des éléments compris dans son patrimoine personnel. Autrement dit, il peut apporter en garantie d’une dette professionnelle un bien personnel.
Cela lui permet, par exemple, d’hypothéquer un bien immobilier relevant de son patrimoine personnel en garantie d’un emprunt contracté pour les besoins de son activité professionnelle indépendante.
260
En revanche, cette extension ne peut s’opérer par un cautionnement pour soi même. L’entrepreneur individuel ne peut donc pas se porter caution à lui-même pour garantir les dettes de l’un de ses patrimoines en faisant valoir sa qualité de caution détenant un autre patrimoine distinct.
2° Renonciation
270
En application de l’article L. 526-25 du C. com., l’entrepreneur individuel peut renoncer, en faveur d’un créancier à titre professionnel et pour un engagement spécifique, dont le montant doit être déterminé ou déterminable, au bénéfice de la séparation des patrimoines. Le droit de gage du créancier intéressé porte alors sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel, à l’exception des biens insaisissables de droit ou déclarés insaisissables.
La renonciation doit respecter, à peine de nullité, certaines conditions de forme, notamment la production d’un écrit comportant des mentions manuscrites rappelant le terme et le montant de l’engagement. En outre, elle ne peut intervenir que sur demande d’un créancier professionnel et après un délai de réflexion de sept jours francs à compter de la réception de la demande de renonciation. Ce délai peut être réduit à trois jours francs sous conditions.
b. Exceptions en faveur des créanciers publics
280
En application de l’article L. 526-24 du C. com., la séparation des patrimoines n’est pas opposable à l’administration fiscale pour le recouvrement de l’IR, des prélèvements sociaux ainsi que de la taxe foncière afférente aux biens immeubles utiles à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel et dont lui-même ou son foyer fiscal est redevable.
290
De même, en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, ou dans le recouvrement des cotisations et contributions sociales, les créanciers publics peuvent exercer leur droit de gage sur l’ensemble des biens de l’entrepreneur individuel, que la créance soit d’ordre professionnel ou personnel.
c. Exception en faveur des créanciers à titre personnel
300
En principe, seul le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel constitue le droit de gage général des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l’occasion de son exercice professionnel. Les créanciers à titre personnel peuvent toutefois exercer leur droit de gage général sur le patrimoine professionnel dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos pour assurer le recouvrement de leur créance dans le cas où le patrimoine personnel est insuffisant.
4. Obligations comptables à la charge de l’entrepreneur individuel
310
Le statut de l’entrepreneur individuel ne crée pas d’obligation comptable spécifique. Néanmoins, les dispositions de droit commun restent applicables. L’article L. 123-12 du C. com. prévoit ainsi que toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit, en principe, tenir une comptabilité propre au patrimoine de son entreprise. Il est par ailleurs rappelé que les entrepreneurs individuels exerçant une activité non commerciale soumis au régime de la déclaration contrôlée peuvent, par dérogation aux règles de la comptabilité de trésorerie qu’ils doivent en principe appliquer, remplir leurs obligations comptables en tenant compte des créances acquises et des dépenses engagées au cours de l’année d’imposition, tel que prévu à l’article 93 A du CGI (I-A § 1 du BOI-BNC-BASE-20-10-20).
Lorsque l’entrepreneur individuel est imposé selon un régime micro (micro-BIC, micro-BNC ou micro-BA), les obligations fiscales auxquelles il est tenu sont simplifiées.
320
Il convient de préciser que l’exercice de l’option pour l’assimilation à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) ou à une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL), valant option pour l’impôt sur les sociétés (IS), n’est pas conditionné à l’exercice préalable d’une option pour un régime réel d’imposition. L’assujettissement à l’IS conduit de fait à soumettre l’entrepreneur individuel aux obligations prévues par l’article 209 du CGI. Les conditions dans lesquelles cette option peut être formulée sont présentées au II-B-2-a § 350.
En cas de renonciation à l’assujettissement à l’IS, l’entrepreneur individuel peut à nouveau bénéficier de plein droit du régime micro-BIC, micro-BA ou micro-BNC en application du c du 2 de l’article 50-0 du CGI, de l’article 69 D du CGI ou de l’article 103 du CGI.
B. Régime fiscal de l’entrepreneur individuel
1. Régime fiscal de droit commun
330
L’entrepreneur individuel exerce son activité dans le cadre d’une entreprise individuelle.
Il résulte de l’article 6 du CGI que celui-ci est personnellement assujetti à l’IR à raison des bénéfices réalisés, et déterminés selon les règles propres à la catégorie d’imposition correspondant à la nature de l’activité exercée, lorsqu’il est :
- une personne seule ;
- une personne mariée, lorsque les époux font l’objet d’impositions distinctes en application du 4 de l’article 6 du CGI ;
- une personne mariée ou liée par un pacte civil de solidarité (PACS), lorsque les époux ou les partenaires liés par un PACS font l’objet d’impositions distinctes en application du 5 de l’article 6 du CGI (pour les revenus dont elle a disposé pendant l’année de son mariage ou de la conclusion du PACS), à condition que les époux ou les partenaires liés par un PACS aient opté de manière irrévocable pour l’imposition distincte des revenus dont chacun a personnellement disposé dans les délais prévus pour le dépôt de la déclaration initiale des revenus mentionnée à l’article 170 du CGI ;
- un enfant mineur imposé distinctement en application du 2 de l’article 6 du CGI.
Remarque : Les dispositions de l’article 6 du CGI sont également applicables aux personnes physiques associées ou membres des sociétés de personnes et assimilées relevant de l’IR, pour l’imposition de la quote-part de bénéfices sociaux qui leur revient.
335
En revanche, les bénéfices ne font pas l’objet d’une imposition personnelle au nom de l’entrepreneur individuel mais sont rattachés au foyer fiscal et donnent lieu à une imposition commune aux deux époux ou aux deux partenaires liés par un PACS lorsque cet entrepreneur individuel est :
- une personne mariée ou liée par un PACS (sous réserve des 4 et 5 de l’article 6 du CGI) ;
- un enfant considéré comme à charge (sous réserve du 2 de l’article 6 du CGI) ;
- un enfant majeur rattaché (CGI, art. 6, 3).
Remarque : L’époux ou le partenaire lié par un PACS qui exerce une activité industrielle ou commerciale ou artisanale est seul compétent pour souscrire la déclaration spéciale de son bénéfice industriel et commercial et pour suivre les procédures de fixation des bases d’imposition ou de rectification des déclarations relatives à cette catégorie de revenus.
340
La création d’une entreprise individuelle relevant du régime de droit commun n’entraîne donc pas la création d’une personne fiscale distincte de celle de l’entrepreneur individuel, mais emporte toujours des conséquences sur le plan juridique.
Dès lors, le transfert de biens provenant du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel dans son patrimoine professionnel ne constitue pas un fait générateur d’imposition et n’emporte donc pas la réalisation de plus-values, sous réserve que l’entrepreneur individuel n’ait pas opté pour l’assimilation au régime des EURL ou des EARL.
345
Si un déficit est constaté, celui-ci est, le cas échéant, imputé sur le revenu global de l’exploitant l’année de sa constatation. Si après cette imputation, un reliquat déficitaire subsiste, ce dernier est reporté sur le revenu global des années suivantes jusqu’à la sixième inclusivement (CGI, art. 156, I).
Toutefois, les déficits des loueurs en meublé non professionnels ne sont imputables que sur les bénéfices retirés de la même activité et des autres activités non professionnelles du foyer fiscal (CGI, art. 156, I-1° ter).
Il est également rappelé que les déficits provenant d’une activité agricole sont, en application du 1° du I de l’article 156 du CGI, admis en déduction du revenu global uniquement si le total des revenus nets d’autres catégories dont dispose le contribuable n’excède pas une certaine limite. Dans le cas contraire, les déficits agricoles peuvent uniquement être imputés sur les bénéfices agricoles des six années suivantes.
Pour plus de précisions sur les règles d’imputation des déficits tirés d’activités relevant de la catégorie des bénéfices agricoles, il convient de se reporter au BOI-BA-BASE-40.
2. Régime fiscal optionnel
a. Option pour l’assimilation à une EURL ou une EARL
350
Conformément aux dispositions du 1 de l’article 1655 sexies du CGI, l’entrepreneur individuel peut opter pour l’assimilation de son entreprise individuelle à une EURL ou à une EARL.
Cette option est irrévocable et emporte alors de plein droit option pour l’assujettissement à l’IS. Pour connaître les conséquences de l’assujettissement de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou à une EARL à l’IS, il convient de se reporter au III § 270 du BOI-IS-CHAMP-40.
Le droit d’exercer cette option s’applique à partir du 15 mai 2022. L’option doit être notifiée avant la fin du troisième mois de l’exercice au titre duquel l’entrepreneur individuel souhaite que son entreprise individuelle soit assimilée à une EURL ou à une EARL (CGI, art. 1655 sexies, dans sa version résultant de l’article 13 de la loi n° 1900-2021 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022).
Cette option ne peut pas être exercée par les associés de SEL car ils ne sont pas réputés exercer leur activité en leur nom propre et ne répondent donc pas à la défintion d’entrepreneur individuel. Pour plus de précisions, il convient de se reporter au BOI-RES-BNC-000136.
360
Lorsqu’elle est exercée, l’option de l’entrepreneur individuel pour l’assimilation de son entreprise individuelle à une EURL ou à une EARL emporte la création d’une personnalité fiscale distincte.
b. Modalités d’option
370
Les modalités d’option pour l’assimilation de l’entreprise individuelle à une EURL ou à une EARL sont fixées par l’article 350 bis de l’annexe III au CGI.
1° Forme de l’option
380
Conformément aux dispositions de l’article 350 bis de l’annexe III au CGI, l’entrepreneur individuel adresse une notification au service des impôts du lieu de son principal établissement. Le service des impôts délivre alors un récépissé de cette notification.
La notification doit indiquer :
- la dénomination et l’adresse de l’entreprise individuelle ;
- les nom et prénom, l’adresse et la signature de l’entrepreneur individuel exerçant son activité dans le cadre de cette entreprise.
2° Délai d’option
390
L’option doit être notifiée avant la fin du troisième mois de l’exercice au titre duquel l’entrepreneur individuel souhaite que son entreprise individuelle soit assimilée à une EURL ou à une EARL.
c. Renonciation à l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés
400
Il est possible de renoncer à l’assujettissement à l’IS jusqu’au cinquième exercice suivant celui au titre duquel l’option pour l’assimilation a été exercée, en application du 3 de l’article 1655 sexies du CGI. Dans ce cas, l’entreprise individuelle est assimilée à une EURL ou à une EARL soumise au régime des sociétés de personnes.
Pour plus de précisions sur la renonciation à l’IS, il convient de se reporter au BOI-IS-CHAMP-20-20-30.
3. Règles applicables aux transferts de biens
a. Règles applicables aux biens provenant du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel
410
La prise en compte dans le patrimoine professionnel d’un bien issu du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel n’est pas un fait générateur de plus-value imposable.
420
En revanche, lors de l’éventuelle cession ultérieure du bien, il conviendra, conformément au régime prévu à l’article 151 sexies du CGI, de déterminer deux plus-values distinctes soumises à des régimes fiscaux différents :
- une plus-value à caractère privé correspondant à la plus-value réalisée pendant la ou les périodes de détention dans le patrimoine personnel du contribuable. Cette plus-value est imposable selon le régime des plus-values des particuliers et bénéficie, le cas échéant, des exonérations et abattements propres à ce régime ;
- et une plus-value à caractère professionnel correspondant à la plus-value acquise par le bien depuis sa date d’inscription au bilan (ou au tableau des immobilisations) jusqu’au jour de sa cession effective. Cette plus-value est imposable selon le régime des plus-values professionnelles et bénéficie, le cas échéant, des exonérations et abattements propres à ce régime.
b. Règles applicables aux entrepreneurs individuels ayant opté pour l’assimilation à une EURL ou une EARL
1° Assimilation d’une entreprise individuelle à une EURL ou à une EARL
430
Lorsque l’entrepreneur individuel opte pour l’assimilation de son entreprise individuelle à une EURL ou à une EARL, cette option emporte les conséquences de la création d’une personnalité fiscale distincte.
Les conséquences fiscales de l’option pour l’assimilation à une EURL ou à une EARL sont les suivantes :
- d’une part, un transfert des biens inscrits au patrimoine de l’entreprise individuelle à celui de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou à une EARL, qui doit fiscalement être traité de la même façon que l’apport de ces mêmes biens du patrimoine de l’entreprise individuelle à celui d’une EURL ou d’une EARL ;
- d’autre part, la cessation de l’entreprise individuelle, les activités de cette entreprise étant désormais exercées par l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou à une EARL.
Le transfert des biens composant le patrimoine de l’entreprise individuelle à celui de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou à une EARL entraîne la constatation de plus-values ou de moins-values professionnelles, imposables ou déductibles dans les conditions de droit commun. Le cas échéant, les plus-values professionnelles dégagées à cette occasion sont susceptibles de bénéficier des exonérations et abattements prévus à l’article 151 septies du CGI et à l’article 151 septies B du CGI, lorsque leurs conditions d’application sont satisfaites. Lorsque le bien transféré au patrimoine de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou à une EARL a d’abord figuré dans le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel puis été inscrit à son patrimoine professionnel avant d’être transféré dans le patrimoine de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou à une EARL, la fraction de la plus-value acquise pendant la période où le bien a figuré au patrimoine personnel est immédiatement imposable selon les règles applicables aux plus-values des particuliers, conformément aux dispositions de l’article 151 sexies du CGI.
Corrélativement, la valorisation des biens correspondant à des éléments d’actif immobilisé inscrits au patrimoine de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou à une EARL se fait dans les conditions de droit commun, conformément à l’article 38 quinquies de l’annexe III au CGI, c’est-à-dire pour leur valeur d’origine. Par valeur d’origine, il convient d’entendre la valeur réelle du bien au jour de l’assimilation de l’entreprise individuelle à une EURL ou à une EARL. En ce qui concerne l’application des règles fiscales et la détermination des résultats de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou à une EARL, seule est prise en compte la valeur réelle du bien au jour de l’assimilation de l’entreprise individuelle à une EURL ou à une EARL.
L’amortissement des biens inscrits au patrimoine de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou une EARL est pratiqué dans les conditions de droit commun. Conformément au 2° du 1 de l’article 39 du CGI, la durée d’amortissement correspond à la durée réelle d’utilisation appréciée à la date d’assimilation de l’entreprise individuelle à une EURL ou à une EARL. Par ailleurs, la base d’amortissement fiscal correspond à la valeur d’origine des biens telle qu’elle vient d’être définie ci-avant. Il est rappelé qu’en tout état de cause, la déduction des amortissements est subordonnée à leur inscription en comptabilité.
La cessation de l’entreprise individuelle emporte quant à elle taxation immédiate des bénéfices non encore imposés, conformément aux dispositions de l’article 201 du CGI et de l’article 202 du CGI.
440
Le transfert des biens inscrits au patrimoine professionnel de l’entreprise individuelle est assimilé fiscalement à l’apport d’une entreprise individuelle à une EURL ou à une EARL. Les reports d’imposition des plus-values et les sursis d’imposition des profits sur stocks prévus à l’article 151 octies du CGI sont susceptibles d’être appliqués, et ce, que l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou à une EARL soit imposée selon le régime des sociétés de personnes ou qu’elle soit assujettie à l’IS. Si les conditions sont réunies, l’entreprise individuelle peut toutefois préférer appliquer aux plus-values professionnelles dégagées à cette occasion les exonérations et abattements prévus à l’article 151 septies du CGI et à l’article 151 septies B du CGI. Sont également susceptibles d’être appliqués les dispositifs de faveur dont le bénéfice est conditionné à la réalisation d’un apport dans les conditions de l’article 151 octies du CGI (transfert de la déduction pour investissements prévue au II de l’article 72 D du CGI, transfert de la déduction pour aléas prévue au II de l’article 72 D bis du CGI, transfert de la déduction pour épargne de précaution prévu au III de l’article 73 du CGI, étalement des subventions d’investissement dans les conditions du dernier alinéa du 1 de l’article 42 septies du CGI).
Remarque 1 : Dans la mesure où le dispositif prévu à l’article 151 octies du CGI n’est pas cumulable avec l’exonération prévue par l’article 151 septies du CGI, les entrepreneurs susceptibles de bénéficier des deux régimes peuvent choisir celui qui leur est le plus favorable.
Remarque 2 : L’article 51 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a abrogé les déductions pour investissements (DPI) et pour aléas (DPA), respectivement codifiées aux articles 72 D et 72 D bis du CGI. Toutefois, les sommes déduites au titre de la DPI et de la DPA et les intérêts capitalisés, non encore rapportées à la clôture du dernier exercice clos avant le 1er janvier 2019 sont utilisées et rapportées conformément aux modalités prévues pour l’application de ces dispositifs avant l’entrée en vigueur de l’article 51 de la loi précitée.
Pour prendre connaissance des commentaires antérieurs relatifs à la DPI et la DPA, il convient de se reporter au BOI-BA-BASE-30-20 et au BOI-BA-BASE-30-30 dans leurs versions précédentes dans l’onglet « Versions publiées ».
2° Règles applicables aux biens provenant du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel qui a opté pour l’assimilation à une EURL ou une EARL
450
En application des dispositions du 1 de l’article 1655 sexies du CGI, lorsqu’un entrepreneur individuel a opté pour l’assimilation à une EURL ou à une EARL, les dispositions de l’article 151 sexies du CGI relatives au régime dit des « biens migrants » s’appliquent aux biens utiles à l’exercice de l’activité professionnelle du contribuable.
Les biens utiles recouvrent d’une part les biens, droits, obligations, sûretés qui, par nature ou par destination, contribuent à l’activité et, d’autre part, les biens utilisés en partie à titre professionnel et en partie à titre personnel (II-A-2 § 200).
460
Ainsi, l’entrée dans le patrimoine de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou à une EARL d’un bien utile à l’activité professionnelle depuis le patrimoine personnel bénéficie du régime dit des « biens migrants ». Elle ne constitue pas une cession à titre onéreux et, dès lors, ne donne pas lieu à la constatation d’une plus-value immédiatement imposable entre les mains de l’entrepreneur, suivant le régime des plus-values des particuliers.
470
En revanche, le transfert par l’entrepreneur individuel au patrimoine de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou à une EARL d’un bien qui n’est pas utile à l’exercice de l’activité professionnelle constitue un apport en société immédiatement imposable entre les mains de l’entrepreneur suivant le régime des plus ou moins-values des particuliers.
Ces biens sont réputés être apportés du patrimoine personnel à une EURL ou à une EARL, ce qui constitue une cession à titre onéreux. La plus-value résultant de cet apport est, par conséquent, immédiatement imposable entre les mains de l’entrepreneur suivant le régime des plus-values des particuliers, dans les conditions prévues de l’article 150-0 A du CGI à l’article 150 VH du CGI, et peut bénéficier, le cas échéant, des exonérations prévues par ce même régime.
La valorisation des biens ainsi apportés et, le cas échéant, leur amortissement, se font, sur le plan fiscal, dans les conditions suivantes.
La valorisation des biens correspondant à des éléments d’actif immobilisé est effectuée dans les conditions de droit commun, conformément à l’article 38 quinquies de l’annexe III au CGI, c’est-à-dire pour leur valeur d’origine. Par valeur d’origine, il convient d’entendre la valeur réelle du bien au jour de l’assimilation de l’entreprise individuelle à une EURL ou à une EARL. En ce qui concerne l’application des règles fiscales et la détermination des résultats de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou à une EARL, seule est prise en compte la valeur réelle du bien au jour de son entrée dans le patrimoine professionnel de celle-ci.
L’amortissement des biens inscrits à l’actif de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou à une EARL est pratiqué dans les conditions de droit commun. Conformément au 2° du 1 de l’article 39 du CGI, la durée d’amortissement correspond à la durée probable d’utilisation appréciée à la date de l’assimilation de l’entreprise individuelle à une EURL ou une EARL. Par ailleurs, la base d’amortissement fiscal correspond à la valeur d’origine des biens telle qu’elle vient d’être définie au précédent alinéa. Il est rappelé qu’en tout état de cause, la déduction des amortissements est subordonnée à leur inscription en comptabilité.
4. Règles applicables au retour d’un bien dans le patrimoine personnel
a. Retour isolé d’un bien figurant au patrimoine professionnel
1° Règles de droit commun
480
Le retour d’un bien dans le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel constitue le fait générateur d’une plus-ou moins-value imposée dans les conditions de droit commun applicable à l’IR dans la catégorie des plus ou moins-values professionnelles.
En pratique, cette plus ou moins-value devra être déterminée à partir de la valeur d’origine dans le patrimoine de l’entreprise individuelle du bien transféré.
Dans l’hypothèse de la constatation d’une plus-value, cette dernière pourra bénéficier des exonérations et abattements prévus à l’article 151 septies du CGI et à l’article 151 septies B du CGI.
2° Règles applicables aux entreprises individuelles ayant opté pour l’assimilation à une EURL ou une EARL
490
La sortie d’un bien du patrimoine professionnel et sa reprise dans le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel doivent être traitées comme le serait la sortie de ce bien du patrimoine social d’une EURL ou d’une EARL. Ce retrait est donc équivalent à la cession du bien suivie, le cas échéant, de la distribution des sommes réputées perçues en rémunération de cette cession.
500
Ainsi, le retrait du bien constitue un fait générateur d’une plus-value ou moins-value, imposée dans les conditions de droit commun applicables à l’IS ou à l’IR lorsque l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou une EARL a renoncé à son option pour l’assujettissement à l’IS.
En outre, lorsque l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou une EARL n’a pas renoncé à son option pour l’assujettissement à l’IS, les sommes réputées avoir été perçues en rémunération de cette cession puis distribuées à l’entrepreneur individuel sont imposées à l’IR, entre les mains de ce dernier, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
Par principe, conformément aux dispositions du 1 de l’article 200 A du CGI, les revenus de capitaux mobiliers bénéficiant à des personnes physiques domiciliées fiscalement en France sont soumise à l’IR par application d’un taux forfaitaire. Le taux forfaitaire d’imposition à l’IR des revenus de capitaux mobiliers est fixé au 1° du B du 1 de l’article 200 A du CGI.
Par dérogation, les titulaires de revenus de capitaux mobiliers et le cas échéant de gains nets, profits, distributions, plus-values et créances mentionnés au 2° du A du 1 de l’article 200 A du CGI peuvent opter pour l’intégration de l’ensemble de ces revenus dans l’assiette du revenu global soumis au barème progressif de l’IR dans les conditions prévues au 2 de l’article 200 A du CGI. Lorsque cette option est exercée, les revenus distribués sont pris en compte dans l’assiette de l’IR après application, toutes conditions remplies, de l’abattement mentionné au 2° du 3 de l’article 158 du CGI (BOI-RPPM-RCM-20-10-30).
Lorsque le prélèvement forfaitaire obligatoire prévu au 1 du I de l’article 117 quater du CGI a été appliqué, il s’impute sur l’IR dû au titre de l’année au cours de laquelle il a été opéré. S’il excède l’impôt dû, l’excédent est restitué.
Il est rappelé que ces revenus distribués sont soumis aux prélèvements sociaux dans les conditions prévues à l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale (CSS), sous réserve toutefois des dispositions du 3° du III de l’article L. 131-6 du CSS et de l’article L. 731-14-1 du code rural et de la pêche maritime.
Toutefois, conformément au 1° de l’article 112 du CGI, n’est pas assimilable à une distribution, la répartition correspondant à un remboursement d’apports ou de primes d’émission : à hauteur de ce remboursement, les sommes réputées distribuées ne sont donc soumises à aucune imposition. Il est par ailleurs rappelé qu’en application des dispositions combinées de l’article 112 du CGI et de l’article 113 du CGI, les réserves incorporées au capital ainsi que les bénéfices incorporés directement au capital ne sont pas considérés comme des apports, et qu’une répartition ne peut présenter le caractère de remboursement d’apports qu’à la condition que tous les bénéfices et réserves autres que la réserve légale aient été auparavant répartis. Aussi, dès lors que conformément à l’article 941-12 du réglement ANC n° 2014-03 relatif au plan comptable général, l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou une EARL doit systématiquement virer le résultat de l’exercice au compte de capital, le retrait d’un bien d’une telle entreprise ne pourra être, en tout ou partie, assimilée à un remboursement d’apport que si tous les bénéfices, incorporés ou non au capital, ont été auparavant prélevés par l’entrepreneur individuel.
510
Lorsque le bien retiré du patrimoine de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou une EARL avait figuré, préalablement à son inscription à ce patrimoine, dans le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel et que son transfert avait généré une plus-value professionnelle dont l’imposition avait été reportée en application de l’article 151 octies du CGI, son retrait met fin à ce report, dans les conditions prévues à cet article.
b. Liquidation de l’entreprise individuelle
1° Situation de droit commun
520
La liquidation de l’entreprise individuelle d’un entrepreneur individuel n’ayant pas opté pour l’assimilation à une EURL ou EARL implique l’imposition immédiate non seulement des bénéfices d’exploitation réalisés depuis la fin du dernier exercice taxé, mais aussi des plus-values d’actif résultant de la cession ou de la cessation et, d’une manière générale, de tous les bénéfices en sursis d’imposition, provisions ou plus-values dont l’imposition a été précédemment différée. Enfin, cela emporte la réunion des patrimoines professionnel et personnel.
2° Situation des entrepreneurs individuels ayant opté pour l’assimilation à une EURL ou une EARL
530
En raison de l’assimilation de l’entreprise individuelle à une EURL ou à une EARL, la liquidation de l’entreprise individuelle emporte les mêmes conséquences fiscales que la cessation d’entreprise et l’annulation des droits sociaux d’une EURL ou d’une EARL, à savoir :
- l’imposition des résultats non encore imposés à la date de cette cessation, y compris les éventuelles plus-values latentes, à l’IS ou à l’IR (selon le régime fiscal de l’entreprise individuelle) ;
- et, lorsque l’entreprise individuelle n’a pas renoncé à l’assujettissement à l’IS, l’imposition entre les mains de l’entrepreneur individuel du « boni de liquidation » dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et dans les conditions précisées au II-B-4-a-2° § 500. Par boni de liquidation, il convient d’entendre la différence entre le montant de l’actif net réel de l’entreprise individuelle à la date de sa liquidation et les sommes correspondant, par assimilation, à des apports dans l’entreprise individuelle.
La cessation fiscale de l’entreprise individuelle peut aussi entraîner l’imposition immédiate des plus-values en report sur le fondement de l’article 151 octies du CGI ou de l’article 151 nonies du CGI (report portant sur les parts de l’entreprise individuelle que l’entrepreneur individuel est réputé détenir).
Il convient également de noter que le décès de l’exploitant de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou une EARL, associé à l’impossibilité pour les héritiers ou ayants droit de reprendre le patrimoine professionnel, entraîne la dissolution et la cessation fiscale de l’entreprise individuelle.
Outre les cas où la cessation fiscale de l’entreprise individuelle intervient du fait de sa disparition sur le plan juridique, la cessation fiscale peut également intervenir pour des motifs purement fiscaux : cessation totale ou partielle de l’activité, changement réel d’activité, changement de régime d’imposition.
5. Règles applicables aux cessions de biens
a. Règles applicables aux biens bénéficiant des dispositions de l’article 151 sexies du CGI (« biens migrants »)
540
Les conditions dans lesquelles sont traitées ces opérations sont exposées au II-B-3-a § 420.
550
S’agissant du calcul de la plus-value de cession professionnelle, la valeur d’origine à retenir correspond à la valeur pour laquelle le bien est entré à l’actif du bilan de l’entreprise individuelle.
560
Par ailleurs, la plus ou moins-value résultant de la cession du bien est calculée et imposée selon les règles de l’IS si l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou une EARL est passible de cet impôt ou selon celles des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles suivant la nature de l’activité exercée par l’entreprise individuelle imposable à l’IR.
b. Règles applicables aux autres biens
570
La cession des autres biens entraîne la constatation d’une plus ou moins-value professionnelle imposable à l’IS ou à l’IR suivant le régime fiscal applicable.
Cette cession met fin au report d’imposition, prévu à l’article 151 octies du CGI, dont a pu bénéficier l’entreprise individuelle lors de son assimilation à une EURL ou à une EARL.
La plus ou moins-value est déterminée par différence entre le prix de cession du bien et :
- la valeur d’inscription au bilan (ou au tableau des immobilisations) de l’entreprise individuelle ; ou
- la valeur pour laquelle le bien est entré à l’actif du bilan de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL ou une EARL.
6. Autres impôts et taxes
a. Contribution économique territoriale (CET)
580
Il convient de se reporter aux BOI-CVAE-CHAMP-10-10 et BOI-IF-CFE-10-10-20.
b. Taxes sur l’affectation des véhicules à des fins économiques
590
Dès lors que l’entreprise individuelle est assimilée, sur le plan fiscal, à une EURL ou à une EARL, elle est soumise aux taxes sur l’affectation des véhicules à des fins économiques prévues à l’article L. 421-94 du code des impositions sur les biens et services, à raison des véhicules de tourisme qu’elle utilise en France, quel que soit l’État dans lequel ils sont immatriculés, ou qu’elle possède et qui sont immatriculés en France.
7. Exemple récapitulatif
600
Exemple : Entrepreneur individuel optant pour l’assimilation à une EURL sans renoncer à son option pour l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés.
Un exploitant individuel exerce une activité de garagiste depuis six ans sous le statut d’entrepreneur individuel (EI). Il opte pour l’assimilation à une EURL. À cette date, son actif professionnel se compose des éléments suivants :
Nature du bien |
Valeur d’origine dans les comptes de l’EI |
Amortissements ou dépréciations pratiqués |
Valeur nette comptable |
Valeur réelle à la date d’assimilation à une EURL |
Valeur mentionnée au bilan d’ouverture de l’EI assimilée à une EURL |
---|---|---|---|---|---|
Fonds de commerce |
450 000 € |
450 000 € |
600 000 € |
600 000 € |
|
Véhicule à usage mixte (professionnel et personnel) |
18 000 € |
13 500 € |
4 500 € |
9 500 € |
Pas mentionnée |
Immeuble à usage mixte et amortissable sur 15 ans |
1 000 000 € |
400 000 € |
600 000 € |
1 300 000 € |
1 300 000 € |
L’entrepreneur a obligatoirement affecté comptablement son fonds de commerce au patrimoine professionnel puisqu’il s’agit d’un bien qui par nature, par destination ou en fonction de son objet sert à son activité de garagiste. Sa valeur fiscale correspond à sa valeur réelle à la date de l’apport, soit 600 000 €. Dès lors que l’entreprise individuelle est assimilée à une EURL, l’entrepreneur individuel est donc en principe imposable sur la plus-value constatée à l’occasion de l’apport du fonds de commerce à l’EURL, soit une plus-value imposable égale à 150 000 €. Toutefois, l’entrepreneur peut bénéficier du régime de report d’imposition prévu à l’article 151 octies du CGI (toutes les conditions requises étant réputées satisfaites). L’imposition de cette plus-value est alors reportée à la date de cession du fonds, de cessation ou de transmission de l’entreprise. En effet, soit la transmission de l’entreprise individuelle est assimilée à une transmission de l’activité par une EURL, ce qui entraîne cession du fonds, soit la transmission de l’entreprise individuelle est assimilée à une transmission des parts de l’EURL, ce qui est également une situation où le report d’imposition prévu à l’article 151 octies du CGI cesse de s’appliquer.
L’entrepreneur est imposable sur la plus-value constatée à l’occasion de l’« apport » de l’immeuble à l’EURL, soit une plus-value imposable égale à 700 000 € (1 300 000 € – 600 000 €). Au cas particulier, les conditions prévues à l’article 151 octies du CGI sont satisfaites, l’imposition de cette plus-value pourra être opérée au niveau de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL, de manière étalée, en la répartissant par parts égales sur quinze ans. La valeur fiscale de l’immeuble correspond à sa valeur réelle à la date de l’apport, soit 1 300 000 €. Cette valeur constitue la nouvelle base amortissable du bien, pour lequel un nouveau plan d’amortissement est établi comme si l’entreprise individuelle assimilée à une EURL avait acquis cet immeuble auprès d’un tiers. La fraction de l’amortissement excédant l’amortissement constaté le cas échéant en comptabilité est comptabilisée en amortissement dérogatoire et déductible au plan fiscal dans les conditions du 2° du 1 de l’article 39 du CGI.
L’entrepreneur avait choisi de ne pas inscrire son véhicule au patrimoine de l’entreprise individuelle. Il met néanmoins ce véhicule à disposition de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL et constate à ce titre un loyer dans les comptes de l’entreprise. Ce loyer est imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels, sous déduction des intérêts de l’emprunt afférent à ce véhicule et de l’amortissement correspondant, calculé sur une base égale à 9 500 € et dans la limite fixée par le 2 de l’article 39 C du CGI. S’il s’avère que les intérêts d’emprunt suffisent à dégager un déficit au titre de cette location, ce déficit, régi par les dispositions du 1° bis du I de l’article 156 du CGI (déficits constatés dans le cadre d’une activité exercée à titre non professionnel), ne peut s’imputer sur le revenu global du contribuable. En particulier, il ne peut être compensé avec le bénéfice industriel et commercial que dégagerait l’activité de garagiste.
L’entrepreneur individuel est en outre réputé détenir des « parts » de son entreprise individuelle assimilée à une EURL, pour une valeur fiscale de 1 900 000 €.
Un an plus tard, le garagiste cède pour 2 500 000 € son activité à un autre garagiste, personne physique. Le bilan de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL est, à la date de la cession, composé comme suit :
Nature du bien |
Valeur d’origine dans les comptes de l’EI assimilée à une EURL |
Amortissements pratiqués |
Valeur nette comptable |
Valeur réelle à la date de la cession de l’EI assimilée à une EURL |
---|---|---|---|---|
Fonds de commerce |
600 000 € |
1 000 000 € |
||
Immeuble à usage mixte (professionnel et personnel) |
1 300 000 € |
32 500 € |
1 267 500 € |
1 500 000 € |
La transmission de l’entreprise individuelle est réputée porter sur les « parts » d’une EURL imposable à l’IS. Le dispositif de l’article 238 quindecies du CGI n’est donc pas applicable. De même, la plus-value en report au titre de l’« apport » du fonds à l’entreprise individuelle assimilée à une EURL, pour un montant de 150 000 €, devient immédiatement imposable. Dès lors que la transmission de l’entreprise individuelle assimilée à une EURL est assimilée, au cas d’espèce, à la transmission de parts d’une EURL, d’une part, il n’est pas mis fin à l’étalement de la plus-value antérieurement constatée lors de l’intégration dans le patrimoine professionnel de l’immeuble à l’entreprise individuelle assimilée à une EURL, d’autre part, le plan d’amortissement de l’immeuble se poursuit à l’identique chez le cessionnaire.
Cet article provient du site Impôts.gouv.fr