1
Le bail à long terme répond à la nécessité de mieux assurer la sécurité et la stabilité du preneur d’un bien rural donné à bail, en le garantissant contre toute reprise du propriétaire pendant une période d’au moins dix-huit ans, pour que les investissements réalisés au début de bail soient amortis à l’expiration de celui-ci. Il s’inscrit dans le cadre de la politique de développement des baux dont l’objectif est de décharger l’exploitant du poids de l’investissement foncier.
Pour, d’une part, établir un équilibre entre les intérêts du bailleur à long terme et ceux du preneur et, d’autre part, encourager les propriétaires à conclure des baux de ce type, des avantages fiscaux ont été accordés aux bailleurs. Parmi ces avantages figure l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit pour les biens donnés à bail à long terme dont le taux varie en fonction de la valeur totale des biens transmis.
10
Ainsi, aux termes du 3° du 2 de l’article 793 du code général des impôts (CGI), sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit à concurrence des trois quarts de leur valeur, les biens donnés à bail à long terme dans les conditions prévues de l’article L. 416-1 du code rural et de la pêche maritime (C. rur.) à l’article L. 416-6 du C. rur., à l’article L. 416-8 du C. rur., à l’article L. 416-9 du C. rur., et de l’article L. 418-1 du C. rur., à l’article L. 418-5 du C. rur..
Toutefois, lorsque la valeur totale des biens en cause transmis par le défunt à chaque héritier, donataire ou légataire excède l’un des seuils mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article 793 bis du CGI, l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit est ramenée à 50 % au-delà de cette limite.
La limite au-delà de laquelle l’exonération partielle passe de 75 % à 50 % est fixée à 300 000 € par le deuxième alinéa de l’article 793 bis du CGI, pour les donations consenties et successions ouvertes depuis le 1er janvier 2019.
Cette limite est portée à 500 000 € sous condition d’allongement de la durée de conservation en application du troisième alinéa du même article, pour les successions ouvertes et les donations réalisées à compter du 1er janvier 2023.
20
L’exonération des droits de mutation à titre gratuit est subordonnée à la réunion de plusieurs conditions et limitée, ainsi qu’il est énoncé au § 10, à une fraction de la valeur des biens transmis. En outre, l’exonération partielle est susceptible d’être remise en cause si les biens exonérés sont aliénés avant la fin de la période de conservation.
Le bénéfice du régime de faveur prévu à cet article n’est pas réservé aux cas de transmission à titre gratuit de la pleine propriété d’un bien. Il s’applique aussi en cas de donation de la seule nue-propriété du bien, même si le nu-propriétaire ne peut pas donner ce bien à bail (Cass. com., arrêt du 13 mai 1997, n° 95-16.320).
Ces dispositions conduisent à envisager successivement :
- les conditions d’application du régime de faveur ;
- la portée de l’exonération ;
- la déchéance du régime.
30
L’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit est subordonnée aux conditions suivantes :
- le bien transmis doit constituer un bien rural ;
- il doit faire l’objet d’un bail à long terme ou d’un bail cessible hors du cadre familial au jour de la transmission ;
- il doit rester la propriété du donataire, héritier ou légataire pendant une durée de cinq ou dix ans à compter de la mutation à titre gratuit selon le montant de l’exonération partielle appliquée ;
- le bail doit avoir été consenti depuis au moins deux ans lorsque le preneur est le donataire ou un membre de sa famille.
40
Le bail à long terme tel qu’il est défini au chapitre VI du titre Ier du livre IV du code rural et de la pêche maritime (C. rur., art. L. 416-1 et suivants) et le bail cessible dans les conditions visées de l’article L. 418-1 du C. rur. à l’article L. 418-5 du C. rur. ne sont susceptibles de porter que sur des biens ruraux, seuls de tels biens pouvant bénéficier de l’exonération de droits de mutation à titre gratuit.
Constitue un bien rural l’immeuble principalement affecté à la production de récoltes agricoles ou de fruits naturels ou artificiels : prairies, terres labourables ou vignobles. Présentent également le caractère de biens ruraux les bâtiments d’exploitation et ceux destinés à l’habitation de l’exploitant ou du personnel qui constituent un même ensemble, une unité économique.
Par ailleurs, ces biens peuvent comprendre des immeubles par nature et des immeubles par destination.
A. Le bien doit faire l’objet d’un bail à long terme, ou d’un bail cessible hors du cadre familial, en cours au jour de la transmission
50
Seuls les biens donnés à bail à long terme dans les conditions prévues de l’article L. 416-1 du C. rur. à l’article L. 416-6 du C. rur., à l’article L. 416-8 du C. rur. et à l’article L. 416-9 du C. rur., ainsi que les biens donnés à bail cessible hors du cadre familial dans les conditions prévues de l’article L. 418-1 du C. rur. à l’article L. 418-5 du C. rur. sont susceptibles de bénéficier du régime de faveur.
60
L’article L. 411-1 du C. rur. et l’article L. 411- 2 du C. rur. n’interdisent pas à des époux de consentir un bail à long terme soumis au statut du fermage à une société constituée entre eux, même en continuant de participer à l’exploitation au sein de celle-ci (Cass. civ., arrêt du 8 octobre 1997, n° 95-19.267).
Au cas particulier, des époux avaient consenti un bail à long terme à une société civile d’exploitation agricole (SCEA), constituée entre eux le même jour, portant sur des terres qui étaient la propriété du mari. Suite au décès de celui-ci, quelques semaines après, une déclaration de succession, avec application des dispositions du 3° du 2 de l’article 793 du CGI, a été déposée. Le litige portait, dès lors, sur la définition des biens donnés à bail au regard des conditions relatives aux baux à long terme prévues de l’ article L. 416-1 du C. rur. à l’article L. 416-6 du C. rur., à l’article L. 416-8 du C. rur. et à l’article L. 416-9 du C. rur., et du régime de droit commun des baux ruraux, régi par les articles L. 411-1 et suivants du C. rur. (aux termes de l’article L. 416-8 du C. rur., les dispositions générales relatives aux baux ruraux sont applicables aux baux ruraux à long terme).
Il s’agissait, plus précisément, de déterminer si les conséquences de l’article L 411-2 du C. rur. pouvaient ou non être écartées par une disposition contractuelle. L’administration soutenait, en effet, que le bail en cause, qui entrait incontestablement dans le cadre de l’une des exceptions visées à l’article L. 411-2 du C. rur., ne pouvait être soumis au statut du fermage posé par l’article L. 411-1 du C. rur. et, puisqu’il n’entrait pas, en conséquence, dans la catégorie des baux à long terme, ne pouvait permettre l’exonération partielle demandée.
Or, le jugement qui confirmait cette position a été infirmé par la Cour de cassation au motif que les dispositions combinées des articles L. 411-1 et L. 411-2 du C. rur. n’interdisent pas de consentir un bail à long terme soumis au statut du fermage dans le cas de biens mis à la disposition d’une société par une personne qui participe effectivement à leur exploitation au sein de celle-ci.
Il est apparu, par conséquent, que l’exception visée à l’article L 411-2 du C. rur. ne fait pas obstacle à la volonté des parties de soumettre librement leur convention au statut du fermage.
70
S’agissant des baux conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 70-1298 du 31 décembre 1970 relative au bail rural à long terme, l’exonération s’applique uniquement aux biens ruraux donnés à bail à long terme dans les conditions prévues à l’article premier de la loi. Seuls les baux conclus postérieurement à la publication de la loi n° 70-1298 du 31 décembre 1970 peuvent donc répondre à ces prescriptions.
Toutefois, sous réserve que les clauses du bail en cours au jour de la mutation a titre gratuit soient conformes aux prévisions de l’ article L. 416-1 du C. rur., de l’article L. 416-6 du C. rur., de l’article L. 416-8 du C. rur. et de l’article L. 416-9 du C. rur., il pourrait être admis que l’exonération partielle prévue au 3° du 2 de l’article 793 du CGI soit applicable quelle que soit la date de conclusion du bail rural (RM Martin n° 38996, JO AN du 2 décembre 1996, p. 6293).
1. Bail en cours au moment de la transmission
80
Pour bénéficier de l’exonération prévue au 3° du 2 de l’article 793 du CGI, le bail doit notamment être en cours au moment de la mutation, mais peu importe que celle-ci intervienne pendant la durée prévue au contrat initial ou au cours des renouvellements successifs du contrat.
Ainsi, l’exonération s’applique lorsque la mutation intervient à l’expiration du bail à long terme initial mais que la location se poursuit par tacite reconduction conformément aux dispositions de l’article L. 416-1 du C. rur. et de l’article L. 416-3 du C. rur. (RM Morisset n° 26790, JO AN du 20 juillet 2004, p. 5517).
En revanche, l’exonération ne peut s’appliquer lorsque la transmission intervient avant que le bail ait pris effet.
Tel est le cas lorsque le bailleur décède entre la date de la conclusion du contrat de bail et la date prévue pour l’entrée en jouissance du preneur, puisque la durée de la location n’a pas commencé à courir.
2. Établissement obligatoire d’un état des lieux pour les biens faisant l’objet d’un bail à long terme
90
L’article L. 416-6 du C. rur. prévoit l’établissement d’un état des lieux conforme aux dispositions de l’article L. 411-4 du C. rur..
Toute clause tendant à déroger à ces dispositions est réputée non écrite.
Toutefois, l’administration ne peut pas exciper l’absence de l’état des lieux, avant la transmission, pour refuser le bénéfice de l’exonération.
B. Obligation de conservation du bien par le bénéficiaire de la mutation à titre gratuit pendant cinq ou dix ans
100
L’article 793 bis du CGI, depuis sa modification issue de l’article 22 de la loi n° 89-936 du 29 décembre 1989 de finances rectificative pour 1989, subordonne l’application du régime de faveur à la condition que les biens reçus restent la propriété du bénéficiaire de la mutation à titre gratuit pendant une durée minimale de cinq ans.
Le troisième alinéa de l’article 793 bis du CGI, créé par l’article 24 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, accroît la fraction de la valeur exonérée à 75 % dès lors que le bénéficiaire de la mutation conserve la propriété des biens reçus pendant une durée minimale de cinq années supplémentaires par rapport à la durée de conservation mentionnée au premier alinéa de l’article 793 bis du CGI, soit dix ans.
Le non-respect de la condition de conservation entraîne la déchéance du régime de faveur dans les conditions exposées au III § 280.
C. Bail consenti depuis au moins deux ans lorsque le preneur est le donataire ou un membre de sa famille
110
L’article 793 bis du CGI prévoit que l’exonération partielle des mutations à titre gratuit de biens ruraux loués par bail à long terme ou par bail cessible hors du cadre familial ne s’applique pas lorsque le bail a été consenti depuis moins de deux ans :
- au donataire de la transmission, à son conjoint, à un de leurs descendants (BOI-ENR-DMTG-20-20-20) ;
- ou à une société contrôlée par une ou plusieurs de ces personnes.
120
Il en résulte :
- que la condition d’antériorité de deux ans imposée au bail pour que le régime de faveur puisse bénéficier à la transmission des biens ruraux n’est pas exigée en cas de transmission par décès ;
- que les baux consentis depuis moins de deux ans au donataire, à son conjoint, à ses descendants ou à une société contrôlée par une de ces personnes privent la donation de la possibilité de bénéficier du régime de faveur.
130
L’exonération partielle visée au 3° du 2 de l’article 793 du CGI n’est pas applicable dans l’hypothèse où le bail ordinaire a été converti en bail rural à long terme moins de deux ans avant la transmission des biens loués.
L’exonération partielle prévue par le 3° du 2 de l’article 793 du CGI constitue la contrepartie de l’indisponibilité qui résulte, pour le propriétaire du bien et ses ayants cause à titre gratuit, de la conclusion d’un bail à long terme grevant le bien rural pour une durée de dix-huit ans ou vingt-cinq ans. Par ailleurs, les dispositions du dernier alinéa de l’article 793 bis ont pour effet d’interdire les pratiques qui consistaient, avant le 1er juillet 1992, à consentir un bail rural à long terme au futur donataire dans le seul but de le faire bénéficier, à brefs délais, de l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit. La proposition du parlementaire [qui consiste à appliquer l’exonération partielle aux transmissions de baux ordinaires convertis en baux ruraux à long terme moins de deux ans avant la transmission des biens loués], irait à l’encontre de ces deux préoccupations du législateur en supprimant l’incitation à conclure, suffisamment à l’avance, un bail rural à long terme. De surcroît, il n’y aurait pas de garantie quant à la date ou à la durée du bail ordinaire converti en bail à long terme (RM Dubourg n° 24061, JO AN du 21 août 1995, p. 3595).
140
La computation du délai de deux ans s’effectue à compter de la date à laquelle le bail a acquis date certaine (date de l’acte s’il s’agit d’un acte authentique ou date de l’enregistrement en cas d’acte sous seing privé présenté à la formalité). C’est cette date qu’il convient de prendre en compte, au jour de la donation, pour apprécier si la condition de durée minimum est remplie.
A. Application de l’exonération à toutes les transmissions à titre gratuit portant sur des biens ruraux donnés à bail rural à long terme
150
Lorsque les conditions d’application sont réunies, les biens ruraux donnés à bail à long terme sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit à concurrence d’une certaine fraction.
L’exonération s’applique aussi bien aux transmissions entre vifs qu’à celles résultant du décès de leur propriétaire. Elle bénéficie à tous les héritiers, donataires ou légataires, quel que soit leur degré de parenté avec le donateur ou le défunt et même s’il n’existe aucun lien de parenté entre eux.
160
L’exonération partielle résultant de l’application des dispositions combinées du 3° du 2 de l’article 793 du CGI et de l’article 793 bis du CGI s’applique à toutes les transmissions à titre gratuit successives d’immeubles ruraux loués par bail à long terme ou par bail cessible hors du cadre familial.
B. Limitation de l’exonération en fonction de la valeur des biens transmis
170
L’exonération n’est applicable qu’à concurrence des trois quarts de la valeur des biens loués par bail à long terme ou par bail cessible hors du cadre familial (CGI, art. 793, 2-3°). Toutefois, lorsque cette valeur excède l’un des seuils visés à l’article 793 bis du CGI, l’exonération est ramenée à 50 % pour la fraction excédant cette limite.
Ces biens doivent donc être évalués selon le droit commun mais seule une fraction de cette valeur est retenue pour l’assiette des droits.
(180)
1. Conditions d’application
190
Les limites mentionnées à l’article 793 bis du CGI, au-dessus desquelles la mutation à titre gratuit des immeubles ruraux loués par bail à long terme ou par bail cessible hors du cadre familial ne bénéficie plus que d’une exonération de moitié au lieu d’une exonération des trois-quarts, ne sont pas des limites globales. Elles s’apprécient au niveau de chaque part héréditaire ou de chaque légataire s’il s’agit de succession ou de chaque donateur et donataire s’il s’agit de mutation à titre gratuit entre vifs.
Dans l’hypothèse où les biens transmis comprennent à la fois des parts de groupements fonciers agricoles (GFA) (BOI-ENR-DMTG-10-20-30-30) et des immeubles ruraux loués par bail à long terme ou par bail cessible entrant dans le champ d’application du 4° du 1 et du 3° du 2 de l’article 793 du CGI, les limites prévues à l’article 793 bis du CGI trouvent à s’appliquer au titre de chaque catégorie de biens. Dès lors, un seuil différent est susceptible de s’appliquer à chaque catégorie de biens.
2. Appréciation des seuils
200
Pour l’appréciation des limites visées à l’article 793 bis du CGI au-delà desquelles l’exonération de droits de mutation à titre gratuit afférente aux biens ruraux loués par bail à long terme ou par bail cessible est ramenée de 75 % à 50 %, il est, en principe, tenu compte de l’ensemble des donations consenties par la même personne à un titre, à une date, ou sous forme quelconque. Il convient donc de retenir, non seulement la valeur des biens, objet de la transmission soumise à la formalité, mais également celle des biens préalablement donnés par le même donateur ou le même défunt au même héritier, donataire ou légataire. La valeur totale des biens ainsi transmis doit être prise en compte et non la seule fraction ayant été précédemment taxée.
210
Toutefois, les donations passées depuis plus de quinze ans ne sont pas prises en compte pour la détermination des seuils visés à l’article 793 bis du CGI.
Dès lors, les seuils prévus à l’article 793 bis du CGI seront déterminés en fonction de toutes les donations antérieures de biens ruraux loués par bail à long terme (ou par bail cessible hors du cadre familial), à l’exception de celles passées depuis plus de quinze ans au jour de la nouvelle mutation à titre gratuit de ces mêmes biens.
Pour l’appréciation de ces seuils, seuls seront pris en compte les biens qui auront effectivement bénéficié du régime de faveur lors de ces donations antérieures.
3. Seuils applicables
215
L’article 24 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 porte le taux d’exonération de 50 % à 75 % sur la valeur des biens transmis qui, compte tenu des donations antérieures de moins de quinze ans, excède 300 000 € sans aller au-delà de 500 000 €. Le bénéfice de cette mesure est conditionné à ce que le bénéficiaire de la transmission conserve le bien cinq ans supplémentaires, soit dix ans au lieu de cinq.
La transmission d’un bien d’une valeur jusqu’à 300 000 € bénéficie du régime prévu pour ce seuil.
Pour la transmission d’un bien d’une valeur supérieure à 300 000 €, le bénéficiaire a le choix entre :
- le régime prévu au deuxième alinéa de l’article 793 bis du CGI, à savoir une exonération de 75 % jusqu’à 300 000 € puis 50 % au-delà, s’il conserve le bien pendant cinq ans ;
- le régime prévu au troisième alinéa de l’article 793 bis du CGI, à savoir une exonération de 75 % jusqu’à 500 000 € puis 50 % au-delà, s’il conserve le bien pendant dix ans.
Le bénéficiaire formalise dans l’acte de donation ou la déclaration de succession qu’il souhaite bénéficier du régime prévu au troisième alinéa de l’article 793 bis du CGI. Cette formalisation est nécessaire pour liquider les droits de mutation à titre gratuit en conséquence. À défaut d’une telle formalisation, la liquidation sera effectuée selon le régime prévu au deuxième alinéa de l’article 793 bis du CGI.
Remarque : Le bénéficiaire pourra revendiquer, a posteriori, dans le délai de réclamation, la faculté de bénéficier du régime prévu au troisième alinéa de l’article 793 bis du CGI lorsque la liquidation a été effectuée selon le régime résultant de l’application du deuxième alinéa lors de l’enregistrement de l’acte ou de la déclaration.
4. Obligations des parties
220
En complément des renseignements qui doivent être portés dans les actes de mutation à titre gratuit en application des dispositions de l’article 784 du CGI, les parties doivent indiquer dans tout acte de donation comprenant des biens mentionnés au 3° du 2 de l’article 793 du CGI si de tels biens ont fait l’objet de donations antérieures consenties entre les mêmes parties.
Dans toute déclaration se rapportant à une succession comprenant des biens mentionnés au même article, les héritiers ou légataires indiquent, dans le cadre de l’affirmation de sincérité, si de tels biens ont fait l’objet de donations antérieures à leur profit de la part du défunt.
230
Les actes de donation et les déclarations de succession doivent donc comporter le rappel :
- de l’ensemble des donations antérieures intervenues entre le donateur ou le défunt au profit de chaque donataire, héritier ou légataire, et leur montant (BOI-ENR-DMTG-10-50-50) ;
- en individualisant celles comprenant des biens mentionnés au 3° du 2 de l’article 793 du CGI transmis par le donateur ou le défunt au même bénéficiaire et en indiquant la durée de conservation choisie ;
- ainsi que l’identité de chacun des bénéficiaires, le nom et la résidence des officiers ministériels qui ont reçu les actes de donation et leur date d’enregistrement.
5. Incidence de la limitation de l’exonération à l’égard de certaines règles
a. Imputation du passif contracté pour l’achat des biens exonérés
240
Pour la liquidation et le paiement des droits de mutation par décès, les dettes à la charge du défunt sont déduites de l’actif héréditaire lorsque leur existence au jour de l’ouverture de la succession est dûment justifiée par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite (CGI, art. 768 ; pour plus de précisions, il convient de se reporter au BOI-ENR-DMTG-10-40-20-10).
250
Ce principe comporte des exceptions.
Ainsi, les dettes énumérées à l’article 773 du CGI ne sont pas déductibles. Il s’agit de dettes qui sont présumées soit remboursées, soit fictives (BOI-ENR-DMTG-10-40-20-20).
En outre, les dettes visées à l’article 769 du CGI sont soumises à imputation spéciale (BOI-ENR-DMTG-10-40-20-40). Ainsi, aux termes de l’article 769 du CGI, les dettes à la charge du défunt, qui ont été contractées pour l’achat de biens compris dans la succession et exonérés de droits de mutation par décès, ou dans l’intérêt de tels biens, sont imputées par priorité sur la valeur desdits biens. Cette règle a pour but d’éviter le cumul abusif, pour le même bien, de l’exonération de droits de mutation et de la déduction du passif contracté pour son achat, de la valeur des autres éléments de l’actif successoral. Dans la mesure où l’exonération partielle de 75 % afférente aux biens mentionnés au 3° du 2 de l’article 793 du CGI est ramenée à 50 % lorsque la valeur totale des biens transmis excède les seuils visés à l’article 793 bis du CGI, la déduction du passif grevant ces biens reste soumise aux dispositions de l’article 769 du CGI dans les mêmes proportions.
260
Exemple : Succession de M. X décédé à Paris le 12 mars 2023 :
Le défunt, qui est veuf, laisse pour lui succéder un fils unique. Pas de donation antérieure.
À l’actif successoral figure un bien rural loué à un tiers par bail à long terme d’une valeur de 660 000 €.
Au passif figure le solde justifié de l’emprunt souscrit pour l’acquisition du bien considéré d’un montant de 20 000 €.
L’héritier a fait le choix dans la déclaration de succession de conserver le bien pendant 10 ans en application du 3ème alinéa de l’article 793 bis du CGI.
La détermination de la fraction du passif déductible s’effectue de la façon suivante.
1/ Actif imposable
Pour la partie des 660 000 € inférieure à 500 000 €, le taux de 75 % doit être appliqué.
Partie d’actif exonérée : 375 000 € (3/4)
Partie d’actif imposable : 125 000 € (1/4)
Pour la partie restante des 660 000 € supérieure à 500 000 € (soit 160 000 €), le taux de 50 % est appliqué.
Partie d’actif exonérée : 80 000 € (1/2)
Partie d’actif imposable : 80 000 € (1/2)
Le total imposable pour une transmission portant sur un montant de 660 000 € s’élève à 205 000 € (125 000 + 80 000).
2/ Passif déductible
Le passif de 20 000 € à la charge de l’héritier est déductible de sa part taxable dans les conditions de l’article 769 du CGI, à concurrence de : 20 000 € x 205 000 € / 660 000 € = 6 212 €.
b. Forfait mobilier
270
À défaut de vente publique ou d’inventaire répondant aux conditions prévues au I de l’article 764 du CGI, la valeur imposable des meubles meublants est déterminée par la déclaration détaillée et estimative des parties qui ne peut être inférieure à 5 % de la valeur des autres biens de la succession.
Le forfait se calcule sur l’ensemble des valeurs mobilières, autres que les meubles meublants, et immobilières composant l’actif héréditaire et avant déduction du passif.
En revanche, il n’est pas tenu compte, pour la détermination du forfait, des biens exonérés de droits soit totalement, soit en cas d’exonération partielle, à concurrence de la partie exonérée (BOI-ENR-DMTG-10-40-10-20).
Dans la mesure où les biens mentionnés au 3° du 2 de l’article 793 du CGI sont partiellement exonérés, seule la fraction taxable de ces biens doit être prise en compte pour le calcul du forfait mobilier.
280
Le maintien de l’exonération partielle prévue au 3° du 2 de l’article 793 du CGI en faveur des transmissions à titre gratuit de biens ruraux loués par bail à long terme est subordonné à la condition que les biens reçus restent la propriété du donataire, héritier ou légataire pendant une durée minimale de cinq ans à compter de la date de la transmission à titre gratuit (CGI, art. 793 bis ; I-B § 100).
En cas d’application du régime prévu au troisième alinéa de l’article 793 bis du CGI, sous réserve que le bien ait été conservé pendant cinq ans, le non-respect du délai de conservation du bien pendant dix ans entraîne la remise en cause de l’exonération partielle à hauteur de la fraction de la valeur du bien supérieure à 300 000 € qui a bénéficié de 75 % au lieu de 50 % (III-C § 355).
A. Principe de la déchéance du régime de faveur des biens ruraux donnés à bail à long terme
290
La déchéance du régime de faveur doit être prononcée lorsque le bien reçu sort du patrimoine du ou des bénéficiaires.
Une telle situation peut se présenter en cas de vente ou de donation de tout ou partie du bien reçu, que la mutation porte sur l’usufruit, la nue-propriété ou la pleine propriété du bien considéré.
300
L’exonération partielle est également remise en cause si, dans le délai de cinq ans, l’héritier ou le donataire fait apport de ces biens à un groupement foncier agricole, même s’il en conserve les parts pendant cinq ou dix ans.
En effet, cet apport avant l’expiration du délai de cinq ans met fin à la conservation personnelle des biens reçus à laquelle le premier alinéa de l’article 793 bis du CGI subordonne le bénéfice du régime de faveur, dès lors que le groupement a une personnalité distincte de celle de ses membres.
En cas d’application du régime prévu au troisième alinéa de l’article 793 bis du CGI, sous réserve que le bien ait été conservé pendant cinq ans, l’apport de ce bien à un groupement foncier agricole avant le délai de dix ans entraîne la remise en cause de l’exonération partielle à hauteur de la fraction de la valeur du bien supérieure à 300 000 € qui a bénéficié de 75 % au lieu de 50 % (III-C § 355).
310
Lorsque l’obligation de conservation n’a pas été respectée pour une fraction seulement du bien, la remise en cause de l’exonération partielle ne s’applique que sur les seules parcelles cédées (Cass. com., arrêt du 10 juillet 2018, n° 16-26.083).
Par ailleurs, lorsque le bien a été lui-même partagé, la remise en cause de l’exonération partielle ne porte que sur la fraction du bien attribuée au copartageant qui n’a pas respecté le délai de conservation dans les conditions exposées au III § 280 à compter du décès du de cujus, en donnant ou en cédant tout ou partie de la fraction du bien reçu.
Le respect de la condition de conservation du bien s’apprécie distinctement pour chaque mutation ayant bénéficié du régime de faveur. Ainsi, en cas de pluralité de biens de même nature ayant bénéficié de l’exonération partielle, la déchéance encourue sur l’un des biens est sans incidence à l’égard des autres biens.
B. Exceptions à la déchéance du régime de faveur des biens ruraux donnés à bail à long terme
320
L’exonération partielle n’est pas remise en cause en cas :
- de transmission à titre gratuit résultant du décès du bénéficiaire intervenant dans les cinq ans (déclaration du Ministre délégué, chargé du budget, débats Sénat, séance du 19 décembre 1989, JO du 20 décembre 1989, p. 5237 [PDF – 11,3 Mo]) ou dans les dix ans de la mutation à titre gratuit initiale ;
- de force majeure, c’est-à-dire, d’après la Cour de cassation, d’un événement imprévisible, insurmontable et totalement étranger au bénéficiaire de la transmission, à la condition qu’il y ait un lien de causalité directe avec le non-respect de la conservation du bien ;
- d’échange à condition que le respect de la conservation du bien cédé soit reporté sur les biens ruraux reçus en contre échange et que les biens reçus soient d’une valeur au moins égale à celle des biens cédés ;
- d’apport en jouissance à une société civile agricole quelle que soit sa forme, ou d’un apport pur et simple à un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) ;
- d’attribution à un indivisaire résultant d’un partage avec soulte ou d’une licitation ;
L’exonération partielle sera définitivement acquise pour l’ensemble des héritiers, donataires et légataires si le bénéficiaire effectif des biens ruraux loués par bail à long terme conserve la propriété de la totalité des biens pendant un délai de cinq ans. Le bien n’ayant pas été lui-même partagé, le non-respect de cette condition entraîne la déchéance du régime de faveur à l’égard de tous les bénéficiaires de l’exonération (RM Dejoie n° 07725, JO Sénat du 8 septembre 1994, p. 2183).
– d’expropriation pour cause d’utilité publique.
À cet égard, il est admis que l’exonération partielle de droits de mutation applicable à la transmission à titre gratuit des biens ruraux loués par bail à long terme, prévue au 3° du 2 de l’article 793 du CGI et à l’article 793 bis du CGI, ne soit pas remise en cause lorsque le non-respect du délai de détention des biens reçus par les donataires, héritiers ou légataires pendant cinq ans, est le fait de la puissance publique, dans un but d’utilité publique. Cette solution s’applique sans qu’il y ait à distinguer selon que le transfert de propriété des biens compris dans la déclaration d’utilité publique ou l’arrêté de cessibilité a fait l’objet d’un acte amiable ou d’une ordonnance du juge de l’expropriation. Cette mesure de tempérament ne saurait être étendue à toutes les acquisitions immobilières effectuées à l’amiable et à titre onéreux par les collectivités territoriales et les organismes mentionnés au I de l’article 1042 du CGI, dès lors qu’il peut s’agir de cessions volontaires du cédant, qui ne sont pas nécessairement justifiées par un intérêt public ou un cas de force majeure (RM Herment n° 06285, JO Sénat du 4 août 1994, p. 1931).
1. Apport en jouissance à un GFA
330
En principe, l’exonération partielle est remise en cause si l’héritier ou le donataire fait apport de ses biens à un GFA pendant le délai de conservation, même s’il conserve les parts (III-A § 300).
Toutefois, il est admis que la location, la mise à disposition et l’apport en jouissance à un GFA n’entraînent pas la remise en cause de l’exonération partielle dont a bénéficié la mutation à titre gratuit.
2. Activités commerciales annexes exercées par le preneur
340
Lorsque le preneur à bail rural à long terme exerce des activités commerciales annexes, il est admis que le régime de faveur résultant du 3° du 2 de l’article 793 du CGI ne soit pas remis en cause dans la mesure où ces activités commerciales sont compatibles avec l’application du statut du fermage.
3. Absence de publication du bail à long terme
350
L’absence de publication par le donateur ou le défunt d’un bail rural à long terme n’est pas de nature, à elle seule, à priver le donataire ou l’héritier du bénéfice des dispositions du 3° du 2 de l’article 793 du CGI.
C. Déchéance partielle du régime de faveur en cas de non-respect de la durée de conservation prévue au troisième alinéa de l’article 793 bis du CGI appliqué à un bien conservé pendant au moins cinq ans
355
Sous réserve que le bien ait été conservé pendant cinq ans, le non-respect de la conservation du bien pendant dix ans entraîne les conséquences suivantes.
L’exonération partielle de 75 % jusqu’à 300 000 € n’est pas remise en cause, puisque la condition de conservation du bien pendant cinq ans a été respectée.
En revanche, l’exonération partielle sera remise en cause à hauteur de la fraction de la valeur du bien supérieure à 300 000 € qui a bénéficié de l’exonération partielle de 75 % au lieu de celle de 50 %.
Exemple :
1/ En N, M. X fait donation à M. Y du bien rural loué à long terme A d’une valeur de 190 000 €.
Cette transmission bénéficie d’une exonération de 75 %. Le bien A doit être conservé pendant cinq ans.
2/ En N+2, M. X fait donation à M. Y du bien rural loué à long terme B d’une valeur de 250 000 €. Deux hypothèses sont alors envisageables :
- 1ère hypothèse : Si M. Y ne formalise aucun choix, la transmission bénéficiera d’une exonération de 75 % à hauteur de (300 000 – 190 000) = 110 000 €, et d’une exonération de 50 % à hauteur de (250 000 -110 000) = 140 000 €, sous réserve d’une conservation du bien B pendant cinq ans ;
- 2nde hypothèse : Si M. Y formalise son intention de bénéficier du régime prévu au troisième alinéa de l’article 793 bis du CGI, comme le total des biens donnés depuis moins de quinze ans soit 190 000 + 250 000 = 440 000 € est inférieur à 500 000 €, l’exonération de 75 % portera sur la totalité du bien B soit 250 000 €, qui doit être conservé pendant dix ans.
3/ Cette seconde hypothèse est choisie pour la suite de l’exemple.
En N+8, M. Y décide de céder les biens A et B.
Le bien A a été conservé plus de cinq ans. Cette cession est sans incidence sur le régime fiscal appliqué lors de la donation en N.
Le bien B n’a pas été conservé dix ans mais plus de cinq ans. Ainsi, l’exonération partielle sera remise en cause à hauteur de la fraction de la valeur des biens transmis qui excède 300 000 € et qui, jusqu’à 440 000 €, a bénéficié d’une exonération de 75 % alors qu’elle n’aurait dû bénéficier que d’une exonération à concurrence de 50 %. Soit (250 000 – 110 000) = 140 000 x (75 % – 50 %) = 35 000 €.
D. Conséquences fiscales de la déchéance du régime de faveur
1. Droits complémentaires et pénalités exigibles
360
Le non-respect du délai de conservation des biens reçus pendant cinq ans à compter de la transmission à titre gratuit par le donataire, l’héritier ou légataire entraîne l’exigibilité du complément de droits de mutation à titre gratuit, dont la mutation initiale a été exonérée, majoré de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du CGI.
En cas d’application du régime prévu au troisième alinéa de l’article 793 bis du CGI, sous réserve que le bien ait été conservé pendant cinq ans, le non-respect du délai de conservation du bien pendant dix ans entraîne l’exigibilité du complément de droits de mutation à titre gratuit à hauteur de la fraction de la valeur du bien supérieure à 300 000 € qui a bénéficié de l’exonération au taux de 75 % au lieu de 50 %, majoré de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du CGI.
2. Redevable des droits
370
Le complément de droits de mutation et l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du CGI sont supportés par les ayants droit qui ont bénéficié de l’exonération partielle lors de la liquidation initiale des droits de mutation à titre gratuit.
En conséquence, sont redevables du complément de droits de mutation et de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du CGI le ou les ayants droit qui étaient déjà redevables de l’impôt lors de cette liquidation initiale des droits.
3. Recouvrement des droits et pénalités rappelés
380
Les droits rappelés et l’intérêt de retard légalement exigibles devront être acquittés à la première réquisition de l’administration. Celle-ci devra être précédée, dans tous les cas, de la mise en œuvre de la procédure de rectification contradictoire.
Cet article provient du site Impôts.gouv.fr