Assurance chômage : ce que contient le projet d’accord


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Les partenaires sociaux reprennent la main. Après le “lettre de cadrage” de la nouvelle ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, les négociateurs patronaux et syndicaux se sont entendus pour trouver les économies demandées à hauteur de 400 millions d’euros d’économies par an. Le texte reporte de deux ans les bornes d’âge des filières seniors et revoit les dispositions relatives aux allocations des travailleurs frontaliers en attendant que le gouvernement renégocie les accords européens et bilatéraux avec les pays limitrophes.

Deux ans de plus dans les filières seniors

La demande des organisations syndicales d’ajouter une référence à la mise en œuvre de la réforme des retraites (et donc au retrait de ces mesures si elle devait être abrogée) a été entendue. De ce fait, elles veulent présenter le dispositif comme réversible : si la réforme des retraites venait à être abrogée, les mesures de l’avenant qui en découlent le seraient aussi.

On retrouve donc en premier lieu le décalage des bornes d’âge des filières seniors dans les mêmes termes que le projet d’avenant précédent mais avec un double calcul selon que l’on applique ou non le coefficient de 0,75 à la durée d’indemnisation. Pour mémoire, ce coefficient en vigueur depuis février 2023 permet de moduler la durée d’indemnisation selon la conjoncture économique. Le gouvernement avait imposé le principe de contracyclicité dégradant les conditions d’indemnisation des chômeurs en cas de conjoncture économique favorable. A cette époque, les chiffres du chômage avaient tendance à baisser. Les organisations syndicales faisaient valoir que la contracyclicité devait, dans l‘autre sens, améliorer les conditions en cas de conjoncture dégradée. Cet ajout du coefficient de 0,75 dans le texte de l’avenant est destiné à montrer que la dégradation des droits est due à l’application de la contracyclicité et non à la négociation des partenaires sociaux.

L’âge légal de départ en retraite étant décalé de deux ans (de 62 à 64 ans) par la réforme Macron, les bornes d’âge évolueraient de la manière suivante :

  • 22,5 mois d’indemnisation (au lieu de 30 hors contracyclicité) pour les allocataires de 55 et 56 ans à la date de fin du contrat de travail au lieu de 53 et 54 ans ;
  • 27 mois d’indemnisation (au lieu de 36 hors contracyclicité) pour les allocataires de 57 ans et plus à la date de fin du contrat de travail au lieu de 55 ans et plus ;
  • 36 mois de période de recherche d’affiliation pour les allocataires de 55 ans et plus à la date de fin du contrat de travail au lieu de 53 ans et plus.

Les bornes d’âge des filières seniors suivent donc le décalage de deux ans de l’âge légal de départ en retraite.

De plus, dans les mêmes termes que le projet d’avenant de la semaine dernière, le dispositif de maintien de l’allocation chômage à compter de l’âge légal de départ jusqu’à obtention de la retraite à taux plein sans décote est lui aussi décalé à 64 ans.

On retrouve également le décalage de deux ans (55 ans au lieu de 53 ans) sur le bénéfice de la durée d’indemnisation plus longue (jusqu’à 137 jours supplémentaires) en cas de formation des allocataires validée par France Travail ou financée par le compte personnel de formation. Les négociateurs ont juste ajouté le calcul de la durée d’indemnisation portée à 182 jours après application du coefficient de modulation de 0,75.

Un maintien de la contribution patronale de 0,05 %

Dans le projet d’accord de novembre 2023, les partenaires sociaux prévoyaient de supprimer la contribution patronale temporaire de 0,05 %. Cette contribution issue du protocole d’accord du 28 mars 2017 ne devait en effet s’appliquer que pendant 36 mois. La suppression avait été actée en novembre 2023 pour s’appliquer au 1er janvier 2024. Le projet d’accord n’ayant pas été agréé par le gouvernement (et la négociation sur le Pacte de la vie au travail ayant échoué), les négociateurs avaient initialement prévu de reporter cette suppression au 1er janvier 2025. Un nouveau report est désormais acté au 1er mai 2025. Selon la Denis Gravouil (CGT), ce décalage de quatre mois préserve 94 millions d’euros dans les finances de l’Unédic.

Un  groupe de travail sur le bonus malus

Dès le protocole d’accord de novembre 2023, les partenaires sociaux avaient convenu de mettre en place un groupe de travail technique chargé d’élaborer les modalités de mise en œuvre du bonus malus. Pour mémoire, ce dispositif pénalise les entreprises embauchant trop de salariés en contrats courts par un malus de cotisation d’assurance chômage. 

Le projet négocié reprend cette idée et prévoit que les travaux du groupe de travail donneront lieu à un avenant technique à la convention d’assurance chômage au plus tard au 31 mars 2025. Les partenaires sociaux demandent également au gouvernement “de procéder le cas échéant aux modifications législatives et réglementaires nécessaires à la mise en œuvre des dispositions de l’avenant technique”. Ils reprennent également la même mention qu’en 2023 : “En tout état de cause, la mise en place de ces ajustements ne peut avoir pour effet de remettre en cause la neutralité financière du dispositif”.

Frontaliers : un coefficient sur les salaires étrangers

Les négociateurs appellent les pouvoirs publics “à prendre toutes les actions nécessaires pour qu’une révision du règlement CE n°883/2004 et des accords bilatéraux existants intervienne le plus rapidement possible”. En effet, le régime actuel crée un déficit de 803 millions d’euros par an pour les finances de l’Unédic. Les frontaliers français qui travaillent en Suisse, au Luxembourg ou encore en Belgique perçoivent des salaires plus élevés qu’en France mais aussi des allocations chômage françaises calculées sur la base de ces salaires. De ce fait, leurs allocations sont plus élevées que celles des travailleurs français. La réglementation actuelle prévoit des mécanismes de compensation jugés insuffisants.

Afin d’agir avant que l’Etat ne renégocie les accords européens et bilatéraux, les partenaires sociaux conviennent d’appliquer un coefficient aux salaires perçus à l’étranger. Ce coefficient est calculé sur la base des salaires moyens par pays, auquel est appliqué un coefficient correcteur de 1,1 “afin de limiter les variations trop fortes du niveau de l’allocation par rapport à ce que le bénéficiaire aurait perçu sans l’application de cette mesure”. Le texte retient la proposition de FO de limiter le manque à gagner par l’introduction d’un plancher : “L’application de ces coefficients ne peut conduire au versement d’une allocation inférieure à l’allocation minimale”.

A noter que le coefficient sera réévalué tous les ans “en fonction des statistiques disponibles”.

Unédic

Selon les derniers chiffrages de l’Unédic remis aux négociateurs jeudi 14 novembre, le montant moyen de l’allocation journalière des Français travaillant en Suisse serait réduit de 88 à 44 euros. Avec à la clé, une économie de 440 millions d’euros en régime de croisière.

Si le projet d’avenant finit par être signé et agréé, les négociateurs ont prévu un renforcement du contrôle des travailleurs frontaliers. Une révision réglementaire de la définition de l’offre raisonnable d’emploi tiendra compte du niveau de salaire pratiqué en France et non dans le pays limitrophe.

Un plan d’action de France Travail se traduira ainsi :

  • un temps de diagnostic personnalisé avec actualisation du projet d’accès à l’emploi ou du contrat d’engagement (à compter du 1er janvier 2025) et tenant compte de la révision de l’offre raisonnable d’emploi ;
  • un accompagnement ou un suivi personnalisé ou renforcé en fonction des besoins du demandeurs d’emploi ;
  • des moyens plus efficaces pour repérer les reprises d’emploi non déclarées, notamment dans un pays frontalier.

En un mot, il est question de pousser davantage les Français frontaliers à retrouver un emploi et de limiter les cas de fraude ou de déclaration tardive du retour sur le marché du travail afin de percevoir plus longtemps les allocations chômage. Pendant la négociation, la CFDT avait montré sa vigilance sur le dévoiement de l’accompagnement en contrôle. Le contrôle de la recherche d’emploi des frontaliers serait orchestré par le conseil d’administration de France Travail.

Qu’en pensent les organisations syndicales ?

A la sortie des négociations vers 22h30, Yvan Ricordeau s’est félicité de l’atteinte des trois objectifs de la CFDT : “Démontrer que les partenaires sociaux sont les plus à même de définir les règles relatives à l’emploi et au chômage, marquer leur capacité à construire des droits pour les salariés et faire aboutir ce cycle de négociation pour montrer que c’est la meilleure manière d’aborder les enjeux économiques et sociaux dans une période où le pays est en crise”. Pour Olivier Guivarch (CFDT également), “la négociation a conduit à une forme d’équilibre d’une part sur le maintien de la cotisation patronale jusqu’en mai 2025 et d’autre part sur la limitation des effets de bord pour les frontaliers qui travaillent à l’étranger”.

Pour la CGT, ce projet d’avenant contient trop de baisses de droits pour être signé. Selon Denis Gravouil, “il y a six fois plus de baisses de droit que de hausses, avec 4,8 milliards de moins sur quatre ans”. La CGT ne portera donc pas la signature de ce texte auprès de ses instances. 

Force Ouvrière “se prononcera globalement selon l’équilibre des trois accords”, a indiqué Patricia Drevon. L’attachement de FO à l’assurance chômage semble de bonne augure mais le bureau confédéral se prononcera lundi 18 novembre. “On savait que les frontaliers seraient impactés mais on a limité les dégâts”, a-t-elle ajouté.

La CFE-CGC de Jean-François Foucard n’a pas caché son opposition de principe puisque le texte ne revient pas sur la dégressivité des allocations chômage, sujet qui l’avait déjà hérissée en novembre 2023 et justifié son absence de signature.

Frédéric Belouze (CFTC) s’est félicité “d’être arrivés au bout, c’était pas gagné. Sur les bornes seniors, on aurait préféré un décalage progressif mais nous n’avons pas eu gain de cause car cela déséquilibrait les gains financiers établis en novembre 2023. Sur les frontaliers, la voie de passage s’est tracée sur le côté temporaire du coefficient réducteur”.

Côté patronal, Hubert Mongon s’est satisfait de l’issue des négociations : “Le maintien de la cotisation patronale jusqu’en mai relève de notre esprit de responsabilité et d’une mesure de cohérence avec les économies demandées par la ministre du travail”.

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Signature: 
Marie-Aude Grimont
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Jeudi 14 novembre, les organisations patronales et syndicales se sont accordées sur un projet d’avenant relatif à l’assurance chômage. Conclu pour une durée de quatre ans, il vient modifier le protocole d’accord du 10 novembre 2023 qui n’avait pas reçu d’unanimité syndicale (signé par la CFDT, FO et la CFTC) et n’avait pas été agréé par le gouvernement Attal.
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Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH