Une analyse des accords prévoyant une semaine de quatre jours : la recherche de productivité d’abord


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Dans un document de quatre pages (en pièce jointe), la sociologue Pauline Grimaud, du Centre d’études, de l’emploi et du travail (CEET), présente une analyse de 150 accords d’entreprise signés en France en 2023 prévoyant une semaine de travail de quatre jours (*). 

Conclusion générale : “Ce souci de la performance économique se traduit par des semaines de travail compressées ou intensifiées puisque la semaine de quatre jours n’implique en général ni une baisse de la durée du travail, ni une diminution de la charge de travail. D’ailleurs, cette organisation du temps de travail recouvre des réalités très diverses dans les entreprises selon les secteurs et les catégories socioprofessionnelles des salariés concernés”.

Une recherche de la productivité

En ciblant les accords qui mettent en place de façon pratique une organisation du travail en quatre jours, l’auteure de l’étude estime que ces textes, même s’ils prétendent viser une amélioration du bien être des salariés (ce motif figure dans 50 % des préambules des accords), sont surtout conçus comme “un moyen de mobiliser les salariés en vue de gains de productivité”.

Pour arriver à ce constat, l’étude du CEET analyse les effets réels sur la semaine de travail des accords signés. Or 89 % des textes aboutissent à une semaine de travail compressée, sans réduction du temps de travail : la durée hebdomadaire de travail ne baisse pas, et donc le temps de travail quotidien augmente.

Parfois plus de 10 heures d’amplitude journalière

Le temps de travail effectif passe ainsi souvent à : 

  • 8h45 par jour pour les salariés à 35 heures ;
  • 9h45 par jour pour les salariés à 39 heures. 

Comme ce temps n’inclut pas les pauses, l’amplitude journalière peut donc atteindre ou dépasser 10 heures, comme on le voit ci-dessous pour un centre d’appels :

Ceet

Cet alourdissement du temps de travail quotidien ne s’accompagne d’aucune mesure d’allègement de la charge de travail ni de création d’emplois, les accords affirmant même que la charge de travail restera la même. Autrement dit, le salarié doit faire autant en moins de temps. Et cela vaut même pour les accords qui réduisent un peu la durée de travail hebdomadaire !

Ce type d’accord permet donc, comme cela s’est déjà vu avec le passage au 35 heures, une nouvelle intensification du travail. 

Trois façons de décliner la semaine de quatre jours

Cependant, l’organisation du travail en quatre jours est différente selon les entreprises. L’auteure distingue trois grands types d’organisation de la semaine de travail.

  • La semaine de quatre jours sur cinq

Adoptée dans les services comme dans l’industrie, cette organisation, choisie par 63 % des accords, neutralise un jour dans la semaine, soit un jour collectif quand c’est possible, soit un jour pris individuellement; “souvent le lundi, mercredi ou vendredi”.

Cette organisation va parfois de pair avec une baisse du nombre de jours de télétravail. “La popularité croissante de la semaine de quatre jours s’explique donc bien par le contexte post-pandémie puisqu’elle constitue, pour les entreprises, un dispositif alternatif à la généralisation du télétravail pour une partie des salariés”, en déduit Pauline Grimaud.

  • La semaine modulée

Présente dans 20 % des accords, dans les services comme dans l’industrie, cette organisation vise la flexibilité : le temps de travail dépend de l’activité saisonnière et du carnet de commandes, avec des semaines de quatre jours de travail (32 ou 30 heures) en cas de basse activité, et des semaines de cinq voire six jours de travail (40 heures ou plus). On rejoint ici les logiques d’annualisation du temps de travail qui permettent à l’employeur d’éviter de payer des heures supplémentaires. 

  • la semaine de quatre jours sur sept

Il s’agit ici d’organiser un travail par roulement pluri-hebdomadaire, avec une semaine de quatre jours organisée sur cinq, six ou sept jours, avec un travail souvent régulier le week-end.

Ce mode d’organisation est préféré par 16 % des accords, souvent dans les services avec un contact client et de fortes amplitudes horaires. “Pour les directions d’établissements, elle a l’avantage d’augmenter l’amplitude journalière et de faciliter ainsi la mise en place de longues journées de travail sur un nombre plus restreint de jours”, observe le CEET.

Cette organisation, avec ses horaires atypiques, revient souvent à diminuer sensiblement le temps partagé en famille, et va donc à rebours des idées reçues sur une semaine de quatre jours permettant de mieux concilier temps personnel, vie familiale et temps professionnel. 

Quel bénéfice pour le salarié ?

N’y-a-t-il donc aucun bénéfice pour le salarié lorsqu’un accord d’entreprise prévoit une semaine de travail de quatre jours, en vient-on à se demander à la lecture de l’analyse du CEET.

La réponse de l’auteure ne pourra que nourrir la réflexion des négociateurs, qu’il s’agisse des RH comme des délégués syndicaux. Ce qu’y gagnent les salariés ? C’est de mettre à distance le travail, d’échapper au moins un jour par semaine au “travail pressé” décrit par de nombreux spécialistes du monde du travail. Problème et paradoxe : cette organisation impliquant une nouvelle intensification du travail, elle pourrait bien à nouveau dégrader la qualité du travail, sa soutenabilité pour les travailleurs, et donc susciter encore davantage de mise à distance de l’entreprise de la part des salariés…

 

(*) Le Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET) est un programme transversal du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) visant à développer la recherche pluridisciplinaire sur le travail et l’emploi, dans une perspective académique et de réponse à la demande sociale (voir ici les différents laboratoires qui y contribuent).

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Bernard Domergue
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Près de 50 % des préambules des accords d’entreprise mettant en place la semaine de quatre jours justifient cette évolution par le souci du bien être au travail. Mais c’est plutôt la recherche de la productivité qui est à l’origine de ces dispositions, selon une analyse de la sociologue Pauline Grimaud, du Centre d’études, de l’emploi et du travail.
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Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH