Les règles de représentation équilibrée des listes de candidats aux élections professionnelles (article L.2314-30 du code du travail), autrement appelées règles de parité de listes, font l’objet d’une abondante jurisprudence. Mécanisme mis en place par la loi Rebsamen du 17 août 2015, son objectif est de favoriser une représentation femmes-hommes conforme à la composition des collèges électoraux dans le cadre des élections professionnelles.
Le dispositif prévoit une sanction ad hoc : l’annulation de l’élection du ou des candidats du sexe surreprésenté issus de listes ne respectant pas les règles (article L.2314-32 du code du travail). A plusieurs reprises la Cour de cassation s’est prononcée sur ses modalités d’application, et sur la nature de cette sanction.
Le 10 octobre 2023, la chambre sociale a refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) remettant en cause cette sanction : elle a considéré que le législateur a opéré une conciliation équilibrée entre les principes d’égalité et de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail. C’est la même affaire, qui donne lieu à l’arrêt du 9 octobre 2024, par lequel la Cour de cassation confirme le caractère strict de l’application de la sanction prévue à l’article L.2314-32 du code du travail.
Dans le cadre des élections du CSE, un syndicat présente une liste avec une candidature unique pour un collège dans lequel trois sièges sont à pourvoir. L’employeur conteste la conformité de cette liste et demande à l’organisation syndicale de la modifier ou la retirer. Le syndicat maintient sa liste.
► A noter que l’employeur conteste aussi cette liste avant les élections devant le tribunal judiciaire, lequel constate son irrégularité au titre des règles de parité, mais la décision étant rendue après les élections, la demande d’annulation est jugée sans objet (arrêt du 10 octobre 2023). En effet, si le contentieux de la parité des listes de candidats est post-électoral, la jurisprudence a autorisé la contestation dans le cadre du contentieux préélectoral (arrêt du 11 décembre 2019). Mais dans ce cas, le juge ne peut pas annuler une liste après les élections (arrêt du 27 mai 2020).
Le quorum n’ayant pas été atteint au premier tour, un second tour est organisé. La candidate, seule à se présenter, est finalement élue comme candidate libre. A la suite de ce second tour, l’employeur saisi le tribunal judiciaire d’une demande tendant à l’annulation des élections dans leur ensemble, et à ce que le syndicat soit jugé non représentatif en raison du non-respect des règles de parité au premier tour. Le tribunal le déboute de l’ensemble de ses demandes.
► En effet, seuls les syndicats doivent respecter les règles de parité de listes de candidats (notamment, arrêt du 25 novembre 2020), et ne peuvent présenter une liste avec un seul candidat quand plusieurs mandats sont à pourvoir dans un collège (arrêt QPC du 9 mai 2018), sauf l’exception du sexe ultra-minoritaire (notamment, arrêt du 11 décembre 2019). Mais la représentativité reste acquise au syndicat s’il a obtenu 10 % des suffrages au premier tour des élections, et ce même s’il n’a pas respecté les règles de parité des listes (notamment, arrêt du 1er juillet 2020), et/ou que le quorum n’est pas atteint. C’est pourquoi dans cette affaire, le syndicat est bien représentatif alors même qu’il n’a pas d’élu, et que l’élection de la candidate n’a pu être annulée car elle s’est présentée en candidat libre lors du second tour.
Dans ce pourvoi, l’employeur avance que l’irrégularité de la liste de candidats du syndicat est déterminante de la qualité représentative de ce dernier, puisque si celui-ci avait respecté les règles de parité, il n’aurait pas présenté de liste, et n’aurait donc pas pu recueillir au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections. L’employeur en déduit qu’il s’agit d’une cause d’annulation du premier tour des élections.
► L’employeur fait référence ici à la jurisprudence de la Cour de cassation ayant précisé que les élections professionnelles devaient être annulées lorsque les irrégularités commises dans l’organisation et le déroulement du scrutin ont été déterminantes de la qualité représentative des organisations syndicales dans l’entreprise, ou du droit pour un candidat d’être désigné délégué syndical (arrêt du 13 janvier 2010).
Mais la Cour de cassation n’est pas d’accord.
Elle rappelle les termes de l’article L.2122-1 exigeant le recueil d’au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections par un syndicat pour être reconnu comme représentatif. Puis la chambre sociale se réfère à l’article L.2314-32 relatif à la sanction spécifique en cas de non-respect des règles de représentation équilibrée sur les listes syndicales de candidats. Elle réitère ensuite sa jurisprudence en la matière : il s’agit de la sanction applicable dans ce cadre, et, cette annulation de l’élection d’un candidat au titre du non-respect par la liste de candidats des règles de parité “est sans effet sur la condition d’audience électorale requise par l’article L.2122-1 du même code pour l’acquisition de la qualité de syndicat représentatif”.
En conséquence, conclut la Cour de cassation, c’est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de l’employeur d’annulation du premier tour des élections et consécutivement du score électoral du syndicat, ainsi que la demande d’annulation des élections. Il n’a pas, à cet égard, à procéder à une quelconque recherche “quant aux comportements hypothétiques du syndicat et d’éventuelles autres organisations syndicales et peu important qu’un second tour ait été organisé compte tenu du nombre de votants au premier tour”.
En d’autres termes, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence, et met un point final au débat : la sanction est celle prévue à l’article L.2314-32, et ne remet en cause ni l’élection, ni la qualité représentative du syndicat ayant présenté la liste irrégulière.
Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH