Harcèlement : comment démêler le vrai du faux en cas de signalement ?


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C’est l’un des nombreux casse-têtes des DRH : lorsque l’employeur reçoit des plaintes d’un ou de plusieurs collaborateurs dénonçant des situations de harcèlement, moral ou sexuel, au sein de l’entreprise, il a l’obligation de mener une enquête préalable afin d’établir la matérialité, la preuve et la gravité des faits énoncés. Mais comment réagir face à la plainte d’une victime présumée ? Mener une enquête et surtout garantir la confidentialité des parties et des informations ?

Ces questions étaient posées, lors d’une conférence intitulée “Lanceurs d’alerte, harcèlement et discrimination” organisée le 26 septembre par le groupe ANDRH Hauts-de-Seine La Défense, en partenariat avec l’éditeur Lefebvre Dalloz (*).

Les intervenants ont tous été unanimes : il est nécessaire de suivre une procédure bien huilée pour qualifier la situation énoncée. “Non seulement elle aide à recueillir les preuves et à caractériser les faits mais elle permet également d’en tirer des enseignements qui viendront alimenter un plan d’actions préventives qui pourra, en sus des conclusions, être restitué auprès des différentes parties prenantes et, dans certains cas, du collectif. Leur permettant ainsi de pouvoir rebondir, voire de tourner la page sur cette expérience parfois traumatisante, résume Olivia Lafond, DRH de Free réseau. Seule la robustesse du process permet de démontrer que l’on a agi”.

Poser le bon diagnostic

Reste que la tâche est délicate. Aucun mode d’emploi n’existe. L’une des premières difficultés est de poser le bon diagnostic : “dans les trois quarts des cas, ces demandes d’enquête ne seront jamais qualifiées de harcèlement sur le plan juridique, prévient Brigitte Vaudolon, psychologue et directrice générale du Pulso France, un cabinet spécialisé en prévention des risques psychosociaux. Rares sont les dossiers qui réunissent l’ensemble des critères”. “Une plainte de harcèlement peut en fait renvoyer à d’autres problèmes liés au management, à l’organisation du travail, à des comportements inappropriés ou des conflits interpersonnels. Dans ce cas, l’enquête n’est pas forcément le bon outil. D’autres solutions alternatives sont possibles, comme la médiation ou un diagnostic de risques psychosociaux”.

La pré-investigation, une phase préliminaire cruciale

C’est pourquoi de nombreuses entreprises prévoient une phase de pré-investigation afin de démêler le vrai du faux. C’est le cas de Free réseau : “De nombreux plaignants évoquent le mot harcèlement sans trop savoir ce que recouvre ce terme. Cette pré-enquête permet ainsi d’objectiver le signalement et d’identifier le plan d’action le plus approprié”. A l’issue de ce premier entretien Olivia Lafond se réservera la possibilité de lancer une enquête interne.

Chez L’Oréal, cette première étape est appelée examen de recevabilité. “Quel que soit le signalement effectué [harcèlement, éthique…], nous recevons l’auteur du signalement pour recueillir les informations en cas de harcèlement présumé, détaille Jonathan Katz, en charge de l’ensemble des questions éthiques du groupe. Cette procédure est connue de tous : elle est détaillée sur l’intranet et le site officiel de l’entreprise et vise à garantir l’égalité de traitement entre tous les collaborateurs”. L’idée est “d’établir un lien de confiance en montrant que la personne peut s’exprimer en toute sécurité”.

Selon cet expert, le nombre de signalements est en constante évolution. “Mais quelle que soit la conclusion de l’examen de recevabilité, le sujet sera traité. Si le cas n’est pas recevable au titre de notre politique de gestion des signalements, le dossier est renvoyé vers les RH qui proposeront d’autres solutions pour assister l’auteur du signalement, le cas échéant”.

La confidentialité, érigée en priorité

Cette pré-enquête devra respecter quelques principes méthodologiques. A commencer par la confidentialité. “Le dispositif de droit d’alerte assure une confidentialité stricte de l’identité du lanceur d’alerte et de toute personne visée par un signalement. La confidentialité est une condition essentielle pour réaliser une enquête, assure Stéphanie Baranger, Référente RH droit d’alerte pour le groupe Société Générale. A chaque prise de contact, je rappelle que cette confidentialité s’impose à tous, c’est-à -dire à ceux qui instruisent l’enquête mais aussi à toutes les personnes qui peuvent être entendues. Ce principe s’étend aussi aux informations recueillies durant l’enquête”.

Il est d’ailleurs rappelé dès la convocation à la Société générale et chez L’Oréal. Et formulé par écrit chez Free Réseau.

Pour plus de discrétion, certaines entreprises n’hésitent pas à mener ces entretiens en dehors des locaux de l’entreprise, complète Brigitte Vaudolon. Voire à les programmer en visio-conférence lors d’une journée de télétravail.

Dans certains cas, L’Oréal fait appel à des experts internes pour mener ces entretiens préalables, les DRH, par exemple, qui ont une connaissance plus fine des relations au sein des équipes.

Ces échanges peuvent être restitués par écrit pour garder une traçabilité. “Une personne a refusé de réitérer par écrit son alerte malgré nos relances et son insistance initiale pour nous rencontrer. Elle s’était sentie écoutée, avait mis à distance la situation et pris de la hauteur sur le problème rencontré. Elle n’a pas souhaité aller plus loin. Le protocole avait suffi à répondre à ses besoins et clarifier objectivement la situation”, relève Olivia Lafond.

Des enquêteurs internes

Si les faits sont avérés, l’enquête qui s’ensuit s’appuiera, dans la plupart des cas, sur des enquêteurs internes, notent les intervenants. Il peut s’agir des correspondants harcèlement mais aussi éthique, “nommés pour une durée donnée et tous formés à la conduite d’enquête”, rappelle Jonathan Katz.

A la Société générale, ces enquêteurs bénéficient aussi d’accompagnements et de formations de manière régulière afin de leur permettre “d’exercer leurs missions avec neutralité, impartialité et éthique”.

Les entreprises peuvent également être épaulées par des cabinets de prévention des risques psychosociaux et d’avocats.

Mais quid des partenaires sociaux ? “Ils sont systématiquement associés à l’élaboration du process, poursuit Olivia Lafond. Mais ils ne participent pas à l’enquête – sauf au cas par cas – principalement pour garantir la confidentialité, l’impartialité et pour respecter les processus légaux. Ils peuvent toutefois intervenir dans des phases ultérieures, comme la restitution des résultats ou la prévention des conflits. Ils ont avant tout, pour moi, un rôle préventif à jouer”.

 

(*) actuEL-RH est une publication du groupe Lefebvre Dalloz.

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Anne Bariet
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Les enquêtes internes sont cruciales en cas d’allégation de harcèlement. Reste que la procédure répond à un certain formalisme et aucune étape ne doit être négligée. A commencer par la nécessité de poser le bon diagnostic, selon les professionnels RH du groupe ANDRH Hauts-de-Seine La Défense, réunis le 26 septembre, à l’initiative du groupe Lefebvre Dalloz.
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Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH