Bonne nouvelle pour les salariés et les employeurs, en 2023, le nombre d’accidents de trajet et de maladies professionnelles est en recul : une entreprise sur quatre a été confrontée à ce type de sinistre, contre quatre sur 10 en 2022. Soit une réduction de près de moitié.
C’est ce que révèle la neuvième édition du baromètre de la gestion des accidents du travail/maladies professionnelles dévoilé hier par le cabinet BDO, en partenariat avec OpinionWay auprès de quelque 400 entreprises du privé (*).
Mais parallèlement le nombre d’accidents du travail ne faiblit pas : 69 % des entreprises en ont déclaré au moins un en 2023. Un chiffre stable par rapport à 2022.
Des marges de progression sont donc importantes, constate Xavier Bontoux, avocat associé au sein du cabinet BDO, spécialiste en droit du travail et de la sécurité sociale. Sur quels leviers s’appuyer ? D’abord, les entreprises sont à la traîne sur la prévention. Six entreprises sur 10 n’ont toujours d’accord ad hoc pour réduire ou éliminer l’exposition des salariés à des facteurs de risques professionnels. Il s’agit pourtant d’une obligation légale, depuis le 1er janvier 2019, pour les entreprises de plus de 50 salariés qui dépassent un taux de sinistralité de 0,25. Une disposition définie par le décret du 27 décembre 2017 pris en application de l’ordonnance du 22 septembre 2017 dédiée à la prévention des risques professionnels.
Or, l’absence de tels accords a un coût financier. L’employeur s’expose à une pénalité de 1 % de sa masse salariale. De plus, le taux de cotisations AT/MP est calculé, chaque année, en fonction des sinistres constatés. “Autrement dit, plus il y a d’accidents, plus l’employeur cotise dans des proportions élevées”, souligne Xavier Bontoux.
Le coût est aussi juridique : car les entreprises peuvent se voir reprocher une faute inexcusable. De fait, tout manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers son salarié est sanctionné. Un contentieux qui explose, selon l’avocat. “S’il y a 20 ans, je traitais un dossier par an, aujourd’hui, c’est de l’ordre de plusieurs par mois”.
D’autant que quatre entreprises sur 10 ne disposent pas d’assurance couvrant les conséquences d’une faute inexcusable de l’employeur. Avec à la clef, le risque d’une facture salée pour l’employeur, en compensation du préjudice subi.
“Il y a une méconnaissance évidente des employeurs là-dessus, alors qu’il s’agit du risque le plus important car la condamnation emporte le versement d’un capital qui peut être très élevé par l’entreprise, de plusieurs centaines de milliers d’euros voire de millions d’euros”, regrette l’avocat.
Et si 1 % des entreprises sondées s’est vu reprocher une faute inexcusable en 2023, des actions peuvent encore être engagées dans un délai de deux ans, prévient l’avocat qui estime que le système français, pourtant très “répressif”, est loin d’être efficient.
“La France reste l’un des mauvais élèves de l’Union européenne”, insiste Xavier Bontoux qui précise que les excédents de la branche AT/MP ont atteint 1,4 milliard d’euros en 2023 et 800 millions en 2024. D’où la nécessité, selon cet expert, d’investir dans la prévention. Parmi les pistes avancées : “l’achat d’équipements de protections individuels, la création d’écoles de prévention publiques, voire le lancement des journées obligatoires de formation à la prévention, sur le modèle des visites médicales obligatoires”.
Autre tendance selon le cabinet DBO : les arrêts maladie liés aux risques psychosociaux sont en baisse, actant à un retour à la normale, c’est-à-dire avant la crise sanitaire : 9 % seulement des entreprises interrogées ont été confrontées à des arrêts maladie pour stress, dépression ou burnout. Elles étaient 12 % en 2022. Ces entreprises ont enregistré en moyenne 2,5 % arrêts maladie par an liés aux RPS. 19 % de ces arrêts de travail ont été qualifiés de maladie professionnelle ; contre 55 % en 2022.
A noter enfin : le nombre de licenciement à la suite d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle a été divisé par deux par rapport à l’année dernière, passant de 15 % à 6 %. Preuve que les entreprises favorisent davantage le maintien dans l’emploi, via un aménagement de poste ou un reclassement.
(*) L’enquête a été menée pour DBO par OpinionWay, du 10 au 28 juin 2024, auprès d’un échantillon de 400 entreprises de plus de 50 salariés de tous secteurs d’activité.
Procédure AT/MP : une démarche à “parfaire” |
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Selon le cabinet DBO, les employeurs maîtrisent de mieux en mieux la procédure de la gestion administrative et financière des AT/MP. La plupart n’hésitent pas à déclarer l’accident du travail dans les temps impartis (48 heures). Et neuf entreprises sur 10 émettent des réserves motivées lorsqu’elles estiment que l’AT/MP n’est pas lié au travail. Autrement dit, elles demandent aux caisses d’assurance maladie d’engager une instruction contradictoire, avec envoi de questionnaires à la victime et à l’employeur, recherche de témoignages… Mais 80 % d’entre elles n’ont pas engagé de recours pour contester la prise en charge et le taux d’incapacité partielle ou permanente (IPP) et 90 % n’ont pas contesté la longueur des arrêts maladie. A tort, selon le cabinet BDO qui prône une plus grande optimisation financière : la moitié des recours a abouti de façon favorable pour l’employeur. |
Cet article provient du site Editions Législatives - ActuEL RH